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Le pari du management de la confiance au service de la performance et ses

2- Performances et management par la confiance

2.3 Le pari du management de la confiance au service de la performance et ses

a. La performance : simple outil de mesure ?

Nous l‟avons vu précédemment, les entreprises sont progressivement passées d‟une performance financière et objective à un construit social subjectif. Cette approche plus large nous a interrogés sur la finalité de la performance. Doit-elle ou plutôt peut-elle être appréhendée comme un simple outil de mesure ? Les travaux de Saulquin et al. (2007)106 nous ont aidés à éclairer cette question.

En effet, selon Saulquin et al. (2007), la performance s‟apparente très souvent à un mythe mobilisateur dans le discours managérial, mais il n‟est néanmoins pas certain que cette recherche permanente de performance suffise et soit satisfaisante du point de vue des salariés. D‟un point de vue sociologique, pour Dejours (1998) la performance est un concept « rationalisateur » qui justifie de tout, y compris des licenciements ! Pour Saulquin, considérer la performance comme un unique « outil de mesure » est réducteur, car cette approche inscrit l‟entreprise dans une optique statique et ne vise que la performance économique.

Saulquin propose une alternative intéressante en positionnant la performance comme un comme « outil de management ». Il explique que l‟évaluation de la performance repose sur une relation positive entre les pratiques managériales et des indicateurs de performance intermédiaire (productivité, qualité…), posant l‟hypothèse que la performance intermédiaire garantit la performance finale. Cette approche rend indissociable performance sociale et performance économique de l‟entreprise. Elle fait écho avec la performance globale de l‟entreprise qui intègre performance économique de court terme (résultats immédiats) à moyen terme (création de potentiel) et performance sociale (Savall, 1989)107.

106 SALAGADO Melchior. La « Performance » : une dimension fondamentale pour l‟évaluation des entreprises

et des organisations. Laboratoire de science actuarielle et financière, 2013.

Pour conclure, il serait réducteur que considérer la performance comme un simple outil de mesure ; elle est aussi, de manière formelle ou informelle, un outil au service des relations managers-salariés et donc un levier de management.

Ce développement se révèle extrêmement intéressant pour notre sujet. Tout d‟abord, car il positionne en effet la performance comme un outil de management. On peut d‟ailleurs faire l‟hypothèse qu‟un management par la confiance aura nécessairement des incidences sur la manière d‟approcher la performance et le pilotage des indicateurs. Nous le verrons dans le chapitre consacré aux freins puis aux leviers d‟un management par la confiance.

b. Le management par la confiance : levier stratégique au service de la performance La question posée ici est la suivante : développer un management par la confiance au sein d‟une entreprise permettra-t-il à celle-ci d‟en tirer un avantage concurrentiel ? Est-ce que développer un management par la confiance peut constituer un axe stratégique pour une entreprise et un levier de performance ? S‟intéresser aux sources de la performance d‟une organisation nous permet de répondre positivement à cette question, tout en dégageant certaines nuances ou limites.

Marion et al. (2012)108 distinguent trois principaux courants pour qualifier les sources de la performance d‟une entreprise.

Concernant le premier de ces courants, Marion et al. (2012) se basent sur les travaux de Gahan et Porter (1997) pour affirmer que les caractéristiques de l‟industrie et le positionnement concurrentiel d‟une entreprise génèreraient la moitié de la performance, mais « il n‟en demeure pas moins qu‟une part significative (42 %) de cette dernière reste inexpliquée ».

Le second courant s‟appuie sur la théorie des ressources qui souligne l‟importance des ressources (matérielles et immatérielles) de l‟entreprise, et la capacité dont fait preuve cette dernière pour les optimiser et les faire fructifier (innovation).

On pourrait synthétiser en reprenant les propos de Barney (1991)109 selon lequel la performance dépend directement de la capacité de l‟entreprise à mobiliser des ressources pour transformer à son avantage les conditions de son environnement.

Toujours selon Marion et al. (2012), en complément de la théorie des ressources, un dernier courant met en exergue et approfondit l‟importance des capacités organisationnelles. Dans cette perspective, « l‟évaluation de la performance repose sur l‟appréciation de la qualité des ressources (capacity) et celles de leurs modes de coordination (capability) » (Marion et al., 2012).

Pour résumer, les principales sources de performance pour une entreprise sont liées à sa position stratégique, ses ressources, et la façon dont elle les met en œuvre.

108 Ibid.

c. Les limites du management par la confiance

S‟il ne fait aucun doute que la confiance génère de nombreux avantages impactant directement la performance de tout groupe humain, nous souhaitons néanmoins ici apporter une limite et mettre en lumière les inconvénients.

La confiance ne procure pas TOUJOURS un avantage concurrentiel. C‟est ce qu‟affirment Ritter et Ramanantsoa110. Son intérêt est en effet contingent, car elle représente un coût en investissement. Il faut par conséquent l‟économiser et si une entreprise fait le choix d‟en faire un axe stratégique, elle doit la réévaluer à intervalle régulier.

La confiance crée des capacités collectives, mais tous les concurrents d‟un marché ne sont pas en capacité de la créer : cela nécessite argent, temps et une intelligence stratégique.

Les auteurs distinguent deux cas de figure :

 L‟activité de l‟entreprise est peu complexe : si l'on investit dans la confiance, la position concurrentielle est affaiblie.

 L‟activité est complexe : la confiance a créé un avantage concurrentiel qui n‟est décisif que s‟il est le seul à l‟avoir créé.

Lorsqu‟une entreprise n‟a pas fait de choix de stratégie par les coûts, elle doit se différencier par ses capacités stratégiques. Dans ce cas, elle peut opter pour des compétences collectives immatérielles que sont l‟engagement et la coopération. Et comme nous l‟avons vu, à la base de ce processus réside la confiance et le contrat invisible qui donnent naissance une identité collective intra ou interorganisationnelle. Mais il ne faut pas oublier que les identités collectives sont très fragiles et les constructions sociales toujours menacées. Elles ont tendance à « rendre myopes », voire autocentrés et insuffisamment ouverts sur le monde extérieur… « On est bien ensemble, on agit ensemble… On se sent en sécurité et on oublie ou on résiste aux changements pourtant nécessaires ! Plutôt mourir que de se remettre en question ! » La limite ou le risque évoqué ici est bien celui de l‟enfermement, de l‟entre soi qui générera inéluctablement des mécanismes de résistances à la nouveauté et aux changements. Karsenty reconnaît que « l‟adoption d‟un management par la confiance reste encore limitée, en France comme à l‟étranger. 111» Paradoxalement il est de plus en plus au cœur des préoccupations des dirigeants d‟entreprises. Pleinement et sincèrement convaincus de ses effets positifs sur la performance, ces derniers expriment leur volonté de renforcer la confiance au sein de leur entreprise. Or, les nombreux travaux de recherche sur la formation de la confiance font émerger un consensus : « pour apparaître, la confiance nécessite que soient réunies plusieurs conditions et son développement dépend, de façon essentielle, de l‟expérience acquise avec l‟autre ». Autrement dit, la confiance ne se décrète pas, mais se construit. Ce que les dirigeants ont, selon Karsenty, souvent tendance à oublier. Pour lui, la confiance ne dépend pas d‟une seule volonté des dirigeants.

De nombreuses initiatives émergent actuellement dans certaines entreprises. Celles-ci visent à libérer les initiatives et les énergies en faisant le pari de la confiance pour favoriser une dynamique positive sont certes utiles. Mais, « cette confiance accordée un jour sera éprouvée un autre jour ; la confiance n‟est pas un chèque en blanc, car elle nécessite une confirmation par les faits pour se consolider, voire s‟étendre ». Dès lors émerge un enjeu important : celui des attitudes, des comportements des dirigeants

110 Roland Reitter et Bernard Ramanantsoa, Confiance et défiance dans les organisations, Paris : Economica

([publié par] TMI, Trust management institute, 2012

et managers, des « pratiques managériales » les plus propices à l‟instauration de relations de confiance. Ce qui n‟est pas si aisé, car pas inné... Ceci nous amène assez naturellement aux différents leviers qui pourront contribuer à développer un terreau porteur au sein de l‟entreprise puis à nous questionner sur le rôle que joue une fonction RH.

Deuxième Partie – Comment développer le management par la

confiance dans les organisations ?

1-Un environnement peu porteur de confiance…

Avant d‟identifier les leviers propices au développement d‟un management par la confiance dans les organisations, nous avons souhaité faire un détour par les freins à ce développement. Il nous a en effet semblé important d‟identifier ce que la littérature nous apprend sur ces freins. Nous nous demanderons donc d‟abord si le contexte de l‟entreprise en France est, ou n‟est pas, un contexte porteur et favorable au développement d‟un management par la confiance. Nous traiterons ensuite des freins de nature organisationnelle et managériale, abondamment abordés dans la littérature. Nous avons choisi de ne pas aborder les freins liés à des dimensions socio-affectives et psychologiques, comme le rapport au pouvoir ou la place de l‟émotion dans l‟entreprise.