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Des parcours singuliers aux effets imprévisibles sur le développement des enfants Voilà qui conclut la présentation des épreuves rencontrées par les répondants à travers

LA MAISON DE L’ENFANCE DE SAINT-LAURENT

4. Les épreuves du parcours migratoire : des sources communes de risque L’étude de cas multiples réalisée sur le terrain de la MDE a documenté quinze parcours

4.4 Des parcours singuliers aux effets imprévisibles sur le développement des enfants Voilà qui conclut la présentation des épreuves rencontrées par les répondants à travers

leur parcours migratoire, résultats de la première étape de l’analyse. Pour ces 15 cas étudiés, l’objectif était de mieux comprendre les situations et les mécanismes qui peuvent affecter le développement des enfants. L’analyse révèle des parcours diversifiés, marqués par des épreuves partagées directement associées au changement de pays. L’immigration s’accompagne de transformations qui touchent l’ensemble des domaines d’activités sociales et des réseaux qui les structurent : la famille, le travail et pour certains, le droit de cité. Ces différentes épreuves se combinent différemment selon les parcours et mettent en place des situations d’isolement multifactorielles, vécues de manière plus ou moins déstabilisante.

Premièrement, l’épreuve de la difficile reconstruction des relations de solidarité de proximité semble avoir été rencontrée par l’ensemble des familles. En accord avec les récits des répondants, les situations d’isolement qui en résultent se prolongent plus ou moins longtemps et varient beaucoup en intensité. Quatre parcours ayant un parcours d’immigrants économiques associent ces situations d’isolement au développement de retards sur les plans de la socialisation et du langage. Ils décrivent les effets d’un mécanisme relationnel similaire, une réduction des interactions quotidiennes et des relations autour des enfants. Les répondants venus au Canada pour demander l’asile rencontrent eux aussi des situations d’isolement, décrites en des termes très différents.

Les trois parcours de demandeurs d’asile analysés sont marqués par des épreuves distinctes, avant et après l’arrivée au Canada. Des épreuves traumatiques associées à la fuite, à l’obtention du statut de réfugiés et parfois à la séparation de la famille nucléaire agissent comme source de vulnérabilité particulière. Contrairement à l’ennui et au silence rapportés par les

immigrants économiques, ces parents décrivent des situations d’isolement vécues sous grande pression, renforcées par des droits sociaux réduits limitant la participation sociale. Ces parents nous renseignent au sujet d’un deuxième mécanisme relationnel producteur de vulnérabilité. Ils rapportent ne plus être en mesure de fournir la sécurité et la chaleur nécessaires dans leurs interactions avec leurs enfants, ce qui affecterait le bien-être et le comportement de ces derniers (troubles du sommeil, pleurs, comportements agressifs). Un des parcours de demande d’asile a été marqué par une épreuve additionnelle, la séparation de la famille nucléaire. Cette répondante met en relation directe l’absence prolongée du père et du fils ainé avec les troubles de comportements et les retards de langage développés par ses fils.

Ces résultats vont dans le sens de l’hypothèse formulée au sujet des sources relationnelles de la vulnérabilité chez les enfants d’immigrants, découlant de la transformation des réseaux de solidarité des familles. Pour les 15 cas de parcours migratoires étudiés, l’épreuve de la reconstruction de relations solides et significatives met en place des situations d’isolement d’intensité variable. L’épreuve de la séparation de la famille nucléaire produit quant à elle des situations de séparation involontaires et prolongées des familles, qui affectent profondément une des répondantes et ses enfants. Les explications des répondants permettent de dégager trois mécanismes relationnels qui affectent le développement, produisant des retards sur les plans de la socialisation et du langage ou modifiant les comportements. Il s’agit de la réduction des interactions quotidiennes et des relations autour des enfants, de la séparation de la famille nucléaire et de la transformation des interactions parent-enfant.

Généralisées pour l’ensemble de l’échantillon, les difficultés financières engendrées par la déqualification professionnelle ne sont par contre invoquées que par deux mères pour expliquer la dégradation de l’état de santé de leurs enfants. Pour ces deux parcours, l’épreuve de la déqualification entraîne de véritables situations de crise, en raison du stress associé aux difficultés financières et de la stigmatisation perçue. La composante symbolique de la relation à l’emploi, celle qui transmet la reconnaissance ou le stigmate, est décrite comme un puissant mécanisme producteur de vulnérabilité pour la santé mentale des adultes. Les effets de la précarité économique sur le développement des enfants apparaissent plutôt indirects, modulés par la manière de vivre et d’interpréter cette épreuve par leurs parents. Dans aucun des cas

risque pour le développement. Les résultats de cette recherche ne permettent donc pas de soutenir le recours à la « pauvreté » comme principal facteur de risque pour le développement des enfants en contexte d’immigration.

Les cas de Mariam et de Seval apparaissent comme des contre-exemples en regard des situations d’isolement qu’elles disent ne pas avoir rencontrées. Il n’y a que ces deux mères qui font le choix de rester à la maison après la naissance de leur enfant, jouissant d’une situation économique stable et confortable. Un troisième cas se distingue au sein de l’échantillon. Le cas de Pierre est particulier dans la mesure où les problématiques complexes qui affectent le développement moteur et langagier de sa fille découlent d’une malformation de naissance. Il s’agit de l’unique cas où la vulnérabilité n’est pas associée au parcours migratoire. Pour cette raison, il n’a pas été abordé dans ce chapitre sur les épreuves. Au contraire, la décision d’émigrer au Canada est en grande partie motivée par la possibilité d’y trouver des soins et des services spécialisés pour atténuer les effets du handicap sur le développement de l’enfant.

Il faut retenir de cette première étape d’analyse le potentiel de vulnérabilité associé aux différentes épreuves du parcours migratoire, tout comme le fait qu’elles se répercutent sur le développement des enfants par le biais des relations et des interactions avec leur entourage immédiat. Pour les répondants rencontrés, la réduction des réseaux de solidarité contribuerait effectivement à mettre en place un contexte relationnel appauvri. Moins dense en regard des relations, des interactions et de la communication quotidienne autour des enfants, cet environnement est par conséquent moins riche en matière de ressources relationnelles transmises à travers ces liens. Il faut également garder en tête la multiplicité des facteurs intervenant dans la production de la vulnérabilité, tel que nous l’avons illustré dans l’analyse des situations d’isolement vécues par les immigrants économiques et par les demandeurs d’asile interviewés à la Maison de l’enfance dans le cadre de cette recherche. Les répercussions observées par les parents sur le développement de leurs enfants prenant des formes diverses et très variables en intensité. Elles sont très difficiles à prédire sur la base du statut d’immigration, encore plus sur la base du revenu des familles. En plus des épreuves, le processus de recherche et d’utilisation de services peut lui aussi contribuer à affecter la santé et le développement des enfants.

5. Parcours dans les services : des dynamiques qui exacerbent la

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