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PARAVICINI BAGLIANI Professeur honoraire

Dans le document SAVOIR ALLEZ (Page 56-60)

CHEZ LES PAPES Pourquoi existe-t-il une cour du perroquet au Vatican ? Quel rôle jouaient les cornes de licorne sur la table des papes au Moyen Âge ? Comment des léopards, des lions et autres éléphants se sont-ils retrouvés dans les jardins

PARAVICINI BAGLIANI Professeur honoraire

d’histoire à la Faculté des lettres.

Nicole Chuard © UNIL

HISTOIRE

Allez savoir ! N° 75 Septembre 2020 UNIL | Université de Lausanne 57 servait à rien. Cette pratique n’est pas spécifique à la

papauté, mais très bien documentée au sein de la cour pontificale. »

Du XIIIe siècle à la Renaissance avancée, les dons de cornes de licorne favorisaient les échanges amicaux.

Les papes en offraient aux princesses et en recevaient des rois. Mais d’où provenaient-elles véritablement ? « Il s’agissait de dents de narval. Les premiers textes qui montrent bien la présence de tels objets sortent de l’in-ventaire du trésor de Boniface VIII. Celui-ci possédait aussi des arbres entiers de langues serpentines (protu-bérances de cérastes, des serpents très venimeux) qui étaient censées traquer le poison. »

Incroyable ménagerie exotique

Au Moyen Âge, les dons d’animaux renforçaient les liens et montraient toute l’estime que l’on avait pour les souve-rains. Il n’y avait rien de tel pour obtenir des privilèges.

Au début du XVIe siècle, le roi du Portugal Manuel Ier a fait envoyer une incroyable ménagerie exotique (42 ani-maux, en excluant les chevaux et les mulets) à Léon X, grand collectionneur de la faune. « Manuel Ier voulait lui faire plaisir pour avoir des faveurs politiques », indique l’historien.

« Parmi les animaux, il y avait un éléphant blanc d’Inde, nommé Hanno. Sa couleur, rappelant l’habit du pape, était bien sûr réfléchie. L’animal incarnait la grandeur, une sorte d’apogée de la papauté de la Renaissance. » Par la

suite, Manuel Ier a tenté de faire parvenir à Rome un rhi-nocéros, qui est mort noyé. Le pauvre est resté enchaîné quand son bateau a coulé à Porto Venere...

L’éléphant qui parlait et autres léopards papaux Au Vatican, Hanno, qui ne vivra que deux ans, a un tel succès que Léon X – détenteur de l’une des plus gran-dioses ménageries papales avec des lions, des panthères, des singes, des civettes ou encore des ours – permet à la population de venir l’admirer le dimanche dans son jar-din. « C’est le premier éléphant qui se trouve à Rome de-puis l’Empire romain. On passe ainsi de l’éléphant sym-bole de la majesté romaine à un intérêt exotique pour la population. Selon une unique source, cet éléphant savait parler et pas seulement au pape. Il était perçu comme un animal qui avait les qualités d’un Homme. » Sa force incon-testée faisait déjà rêver au XIIIe siècle : à l’époque, on ima-ginait volontiers Boniface VIII, un tantinet mégalomane, en pape-éléphant, aux multiples qualités morales. Fervent admirateur de bêtes « féroces », il possédait un léopard avec lequel il voyageait. Une information qui apparaît dans le registre de ses dépenses. « Avant cela, les livres comp-tables sont perdus », clarifie Agostino Paravicini Bagliani.

« Grâce à cette source, on sait qu’il a dû acheter une chaîne, qui a occasionné d’autres dépenses pour sa répa-ration, ainsi que de la viande pour le trajet. Papes et sou-verains voyageaient beaucoup au Moyen Âge et ils ame-naient avec eux les attributs du pouvoir. » On pouvait

HANNO

Offert par le roi du Portugal Manuel Ier au pape Léon X en 1514, cet éléphant a vécu deux ans au Vatican. École italienne, Musée des Beaux-Arts d’Angers.

© Bridgeman

GRÉGOIRE I er

Par l’intermédiaire de la colombe, l’Esprit-Saint parle à ce saint (vers 540-604). Détail d’une fresque de la Cattedrale di Santa Maria Assunta (Atri), réalisée par Andrea Delitio vers 1477/1481.

© akg-images / Tristan Lafranchis

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SYLVESTRE I er

Ce pape intrépide, qui a vécu au début du IVe siècle, aurait terrassé un dragon. Ce dernier symbolise le paganisme de la Rome antique.

Peinture conservée au Gosudarstvennyy Muzey Istorii Religii de Saint-Pétersbourg.

© Heritage Images / Fine Art Images / akg-images

HISTOIRE

Allez savoir ! N° 75 Septembre 2020 UNIL | Université de Lausanne 59 alors croiser au détour d’un chemin, au milieu de

che-vaux laborieux, un chameau, par exemple, qui trimballait les précieux ustensiles de cuisine de Sa Sainteté.

Le dragon, terrassé puis glorifié

« Le dragon est certainement l’animal imaginaire qui a le plus compté dans l’histoire symbolique de la papauté, avec des fonctions opposées, commente le professeur d’histoire médiévale. On en parle pour la première fois dans un texte imaginaire du IVe ou Ve siècle. Ce récit reste dans la mé-moire et est régulièrement réécrit au moins jusqu’au XIe siècle. » Sylvestre Ier, contemporain de l’empereur Constan-tin Ier, aurait eu le courage de descendre dans la caverne d’un dragon, installé selon une tradition antique sous le Capitole et nourri par des Vestales. L’intrépide pape au-rait réussi à le terrasser. « Cette métaphore signifie qu’il

est devenu le Seigneur de la ville de Rome, le dragon sym-bolisant une force de l’Antiquité, celle de la Rome païenne.

Si l’on se transporte mille ans après, autour de 1600, deux papes (Grégoire XIII et Paul V) ont un dragon sur leur bla-son. À ce moment-là, nous sommes à une tout autre époque de l’histoire de la papauté, qui essaie de retrouver une au-torité contestée par la Réforme. » Les papes sont alors iden-tifiés à ces bêtes fantastiques. Il ne s’agit plus de victoire sur un dragon, mais bel et bien de papes-dragons. « Comme les dragons dans l’Antiquité protégeaient la ville de Rome, les papes-dragons défendent symboliquement la catholi-cité contre les hérétiques de la Réforme. »

Entre-deux, au début du XIIIe siècle, Innocent III fait construire un trône avec des dragons ailés. « Cela montre l’ascension du souverain vers les cieux. Et ce n’est pas un hasard que cela soit Innocent III qui le demande. Dans un sermon, il définit le pape comme celui qui est entre la Terre et le Ciel. Au Moyen Âge, tous les détenteurs du pouvoir veulent s’approcher du Christ et réussir à s’élever vers les cieux. Il faut aller au-dessus de la condition humaine, du commun des mortels. Le pape s’asseyant sur un trône qui présente des dragons devient un dragon. »

De l’âne au cheval blanc

« Parmi les animaux qui ont des significations symbo-liques opposées, l’âne est peut-être le plus intrigant, s’en-thousiasme l’historien. Il est le symbole prioritaire de l’hu-milité puisque le Christ est entré à Jérusalem assis sur une ânesse. Pourtant, un seul pape, Célestin V, a choisi de che-vaucher un âne pour entrer dans la ville lors de son élection au XIIIe siècle. Tous les autres ont monté un cheval blanc, selon la tradition, qui symbolisait leur prestige. »

Deux cents ans plus tard, Luther s’empare de l’image de l’âne pour ridiculiser le chef suprême catholique. Le pape-âne (ou Papstesel) naît de son combat contre la papauté.

« Luther va s’en servir pour créer la polémique la plus dure qui soit. Chez lui, l’âne incarne l’ignorance, ce qui lui per-met d’enlever au souverain pontife sa primauté dans la sau-vegarde de la doctrine. » À l’époque, on met aussi en scène le pape sur un cheval blanc à côté du Christ sur un âne.

L’arrogance face à l’humilité. « Cela devient une opposition entre la papauté qui n’est plus acceptée comme telle et le Christ qui reste le point de référence essentiel. »

Chaque symbole médiéval est calculé. Les cardinaux ont par exemple longtemps réclamé de pouvoir mettre une selle rouge sur leur monture, comme celle de leur su-périeur hiérarchique. « Un seul pape leur a accordé ce pri-vilège durant quelques années, souligne Agostino Paravi-cini Bagliani. Les autres ont refusé. Pourquoi ? Parce que les cardinaux leur auraient trop ressemblé. Le pouvoir se construit par des jeux symboliques et métaphoriques et doit être entretenu par ces jeux. Ils sont les terrains sur lesquels s’échafaudent les vrais enjeux de la souveraineté, même si cela prête à sourire aujourd’hui. » 

CARICATURE

Cette représentation du pape-âne, datant de la fin du XVe siècle, a été utilisée par Martin Luther et Philipp Melanchthon en 1523 pour attaquer la papauté. Le baudet, qui comporte ici des éléments monstrueux, symbolise l’ignorance.

© akg-images

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FORMATION CONTINUE

La Formation Continue UNIL-EPFL formation-continue-unil-epfl.ch 021 693 71 20

E

n septembre 2010, Minyue Dong, aujourd’hui pro-fesseure associée au Département de comptabilité et contrôle à la Faculté des HEC, recevait un livre des mains de Jean-Claude Badoux, l’ancien président de l’EPFL. Dans sa dédicace, celui-ci la félicite pour son

« efficacité à construire des ponts solides entre la Chine et la Suisse ». Voilà qui n’a fait que conforter l’intéressée dans un projet qui lui trottait dans la tête depuis une bonne di-zaine d’années : « Les Chinois et les Suisses sont culturel-lement proches. Néanmoins, depuis la politique de réforme et l’ouverture en 1978, le modèle économique chinois a été fortement influencé par les États-Unis », explique-t-elle.

Ainsi, lorsqu’il s’agit de se former dans ces domaines, les citoyens de l’empire du Milieu tendent à s’inspirer des pra-tiques étasuniennes. « Mais, aujourd’hui, les Chinois et les Suisses sont bien plus complémentaires en économie et en affaires. » C’est ce qui, en 2018, a poussé la professeure

Dong et la Faculté des HEC à fonder le China Economics and Finance Center (CEFC). Elle s’est entourée d’une petite équipe de deux personnes qui, comme elle, connaissent les deux terrains sur le bout des ongles.

Le CEFC vise à devenir une plateforme d’échanges et de coopérations entre les universités et entreprises chinoises et suisses. L’activité du centre se déroule sur trois axes. Le premier est la formation. Des cours sur mesure sont offerts à des entreprises chinoises, en collaboration avec la Forma-tion Continue UNIL-EPFL.

Découverte de l’économie suisse

Les participants – généralement des cadres dirigeants – ont une ou deux semaines selon le module choisi pour s’ini-tier aux principaux aspects de l’économie suisse et pour apprendre la gestion d’entreprise. Ils sont par exemple en-couragés à réfléchir à l’intégration du développement du-rable dans leur management. Si, à leur arrivée, nombre d’entre eux sont convaincus que l’économie helvète tourne en grande partie autour du chocolat, des montres et des couteaux suisses – au mieux cite-t-on Nestlé –, leur pas-sage au CEFC les amène rapidement à changer d’avis : « Ils découvrent que le tissu économique de notre pays est prin-cipalement formé de PME », souligne la professeure Dong.

Ils apprennent aussi que les Helvètes sont un peuple très innovant et que les banques sont compétentes sous bien d’autres aspects que ce qu’il reste du secret bancaire. Les intervenants des cours sont des spécialistes de l’UNIL, no-tamment de la Faculté des HEC et de l’EPFL, ainsi que des intervenants externes. Des visites d’entreprises complètent le cursus. Pas question de faire du tourisme : le Gouverne-ment chinois est intraitable sur le respect du programme, qu’il tient à valider avant le début de chaque session.

Dans le cadre d’échanges, le CEFC soutient les étu-diants chinois qui souhaitent effectuer un séjour d’étude en Suisse. À l’issue de leur formation, ils présentent un travail réalisé en groupe. « L’un de ceux-ci consistait par exemple à esquisser des produits adaptés aux jeunes générations asiatiques pour deux sociétés suisses, Reuge et Maurice Lacroix », explique Minyue Dong. La consigne a été trans-mise aux étudiants deux mois avant leur stage. Ils ont pu présenter le résultat de leurs réflexions aux entreprises,

Le tout jeune China Economics and Finance Center, fondé en 2018, propose des formations sur mesure aux

diri-geants de grands groupes chinois et des coopérations en recherches aux universités chinoises. Rencontre avec

sa directrice, la professeure Minyue Dong.

TEXTE SYLVIE ULMANN

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