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Paramètres sous-tendant la description d'un document audiovisuel

Dans le document Le document audiovisuel. (Page 43-48)

Le document audiovisuel

2.4. Paramètres sous-tendant la description d'un document audiovisuel

Toute description d’un objet en général et d’une donnée textuelle (lato sensu) repose d’une part sur une théorie (toujours modifiable) de son objet ainsi que sur un ensemble d’hypothèses qui en découlent. C’est dans le chapitre précédent (section 3) que nous avons proposé très succinctement le cadre général d’une théorie sémiotique – cadre qui nous guidera dans l’analyse, la description de documents audiovisuels ainsi que dans les exploitations pratiques et technologiques d’une description donnée.

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Conformément à ce que nous avons déjà vu dans le premier chapitre, il faut distinguer deux groupes de paramètres sur la base desquels s’élabore la description d’un document audiovisuel : a) les paramètres méthodologiques et b) les paramètres liés à la connaissance sémiotique de l’objet lui-même.

Figure 2.1 : La description d’un document audiovisuel

La figure 2.1 montre les principales approches descriptives d’un document audiovisuel ainsi que les deux paramètres méthodologiques qui « jaugent » la pertinence d’une description étant donné un certain objectif, un certain but à atteindre. Il s’agit d’une part de la granularité et du point de vue et d’autre part du niveau textuel (et de la taille du corpus) choisis pour entreprendre une description.

Ainsi, le choix du niveau de l’analyse concerne plus particulièrement la circonscription du document audiovisuel qui sera soumis à une description :

– circonscription au niveau d’un document audiovisuel ou de l’un de ses segments qui le constituent (séquences, scènes, plans, image),

– circonscription au niveau d’une collection de documents audiovisuels (d’une archive, d’une collection, d’une programmation, etc.).

Le choix de la granularité concerne le degré de finesse de la description d’un document audiovisuel circonscrit et peut s’appliquer à chacun des composants cités à l’aide desquels nous appréhendons un signe audiovisuel. Le paramètre du choix d’un

Choix de la « granularité et de

l’orientation d’une description Choix du niveau (de la dimension) de la description

Document audiovisuel Description (inter-) textuelle

Description narrative

Description discursive Description de l’expression

audiovisuelle Description formelle et physique

Description « cycles de vie »

Description thématique

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certain angle d’attaque, tient compte, comme nous l’avons déjà dit, du fait que certains composants peuvent être d’un intérêt plus central pour un objectif à réaliser que certains autres.

Dans la figure 2.1 sont identifiées un ensemble d’approches descriptives du document audiovisuel qui se distinguent les unes des autres par le fait que chacune d’elle privilégie l’un ou l’autre des composants analytiques à l’aide desquels la sémiotique tente à maîtriser son objet qui est la donnée textuelle en générale et audiovisuelle en particulier.

Ainsi la description (inter-) textuelle d’un document audiovisuel a comme objectif d’expliciter l'organisation logique interne d’un document audiovisuel (corpus de documents audiovisuels) ainsi que les rapports (intertextuels) pouvant exister entre des segments appartenant au même document ou à des documents différents (audiovisuels ou autres).

La description thématique vise l’identification et la description des principales configurations thématiques représentant des « lieux de savoir » (des visions, des représentations, des valeurs, etc.) qui semblent être pertinentes pour un corpus donné de documents audiovisuels ainsi que leurs positions spécifiques dans tel ou tel document audiovisuel. Un cas particulier est ici la description des représentations sociales déterminant la réception et l’usage des informations fournies par un document audiovisuel. Celle-ci vise à expliciter, notamment à l’aide d’enquêtes et d’entretiens, les visions (connaissances et valeurs) que des groupes sociaux possèdent d’une réalité pro-filmique afin de pouvoir rendre compte dans quelle mesure ces visions influencent la sélection et la compréhension des informations fournies par un document audiovisuel.

La description narrative a comme objectif d’expliciter les schémas servant au développement d’une thématique donnée. En effet, la succession de plans, scènes ou séquences est régie par des plans de construction relatifs à un discours qui se développe au sujet d’une situation pro-filmique. Est particulièrement importante ici la description du ou des genres sous-tendant l’organisation interne d’un document audiovisuel. Un genre est un plan narratif (lato sensu) qui, typiquement, organise (seul ou avec l’appui d’autres plans narratifs) une classe de documents audiovisuels. C’est dans ce sens que tel ou tel ensemble de document audiovisuels peuvent être rangés sous l’étiquette

« documentaire », « magazine », « reportage », etc., parce qu’ils partagent des modes de construction narratifs spécifiques qui les rapprochent des documents audiovisuels faisant partie du même genre et qui les distinguent des documents audiovisuels appartenant à un genre différent.

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La description de la mise en scène discursive et audiovisuelle d’une situation pro-filmique vise à expliciter non seulement que cette dernière est thématisée selon tel ou tel point de vue mais comment elle est thématisée : qui en parle, pour qui ; quels sont les points centraux, importants dans le discours sur une situation pro-filmique et quels sont, au contraire, les points moins importants, plutôt marginaux ? Entre en jeu ici aussi l’utilisation des moyens d’expression visuelle (tels que ceux du cadrage, de l’angle de vue, des mouvements de caméra) et ceux d’expression sonore (choix délibéré d’une musique d’accompagnement, utilisation du bruitage, etc.) pour servir à la production d’une mise en scène appropriée aux intentions discursives et communicatives de l’auteur (réalisateur) d’un document audiovisuel.

Plus spécifiquement, la description de l'expression multimodale (par la voie de l’image filmique ou vidéo, de la parole, de la musique, du bruitage mais aussi par d’autres voies telles que les incrustations, les animations, les effets spéciaux, les effets de transitions entre segments textuels) vise à identifier et à expliciter les médias utilisés pour exprimer la réalité filmique (i.e. la représentation d’une situation pro-filmique et le discours tenu au sujet de celle-ci) dans le document audiovisuel et leur fonctions et tâches dans la production de celui-ci.

La description de la composition visuelle d’un segment textuel (notamment du plan audiovisuel) a comme tâche de décrire in fine l’organisation logique et physique de l’expression visuelle d’une réalité filmique au sens de la représentation d’une situation pro-filmique. Elle est concernée par l’organisation de l’espace (du champ) visuel sous forme de la disposition entre les différents plans qui le composent et qui en font un espace signifiant (une configuration spatiale) en termes de scène principale, scènes secondaires, avant-scènes, arrière-scènes, hors-scènes peuplées d’objets et d’acteurs agissant et interagissant.

La description des cycles de vie d’un document audiovisuel est concernée, d’une manière plus étroite, par les différentes phases de production, post-production, édition et diffusion d’un document audiovisuel – phases telles que la production d’un synopsis, l’écriture d’un scénario, la localisation de moyens et de ressources de réalisation, de lieux et de personnages pour le tournage, le tournage, le montage des films tournés (des

« rushes »), la post-synchronisation du film monté avec la parole du narrateur (dans le cas des documentaires) et la musique d’accompagnement, la masterisation et l’édition, la distribution du produit audiovisuel, etc. D’une manière plus large, celle-ci est également concernée par la description des conditions (socio-économiques et culturelles) de production, de réalisation et de diffusion d’un document audiovisuel, c’est-à-dire par ce que l’on

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appelle le marché et l’industrie audiovisuels et le positionnement d’un document audiovisuel (d’une gamme de documents audiovisuels) dans l’offre commerciale sous forme de produits et services audiovisuels.

Enfin, la description de la matérialité d’un document audiovisuel s’occupe, entre autre, des rapports multiples entre contenu d’un document audiovisuel, support physique et produit au sens socio-économique, ainsi qu’entre ces trois paramètres et celui de la réception, interprétation et exploitation par un spectateur. Un aspect particulièrement important ici est celui de la réutilisabilité, voir de l’adaptabilité d’un contenu donné dans des documents audiovisuels se matérialisant sous forme de supports physiques ainsi qu’en des produits commerciaux différents. Cette dernière problématique est celle de l’édition multi-support au sens propre du terme.

Tout en tenant compte de ces différentes approches, nous privilégions, dans cet ouvrage, le point de vue de la description textuelle et thématique d’un document audiovisuel ou d’un corpus de documents audiovisuels – approche qui poursuit un triple objectif :

premièrement, le découpage d’un document audiovisuel (d’un corpus de documents audiovisuels) en segments qui les constituent,

deuxièmement, l’identification, la description (qualification) et la classification des principaux thèmes ou configurations thématiques dans un corpus de documents audiovisuels,

troisièmement, la description du statut, du « profil » particulier d’un thème dans un segment, document ou corpus de documents audiovisuels.

Le premier objectif concerne, comme nous le verrons dans la deuxième partie de cet ouvrage, l’identification d’unités textuelles (appelées segments) typiques et récurrentes qui constituent, pour parler ainsi, un espace textuel (lato sensu) sous forme d’une bibliothèque de segments (thématiquement circonscrits). Le deuxième objectif concerne, comme nous le verrons dans la troisième partie de cet ouvrage, la mise en place d’un modèle descriptif à l’aide duquel le contenu d’un corpus de documents audiovisuels peut être explicité et traité. Mais, et c’est le troisième objectif développé dans la troisième partie de cet ouvrage, l’explicitation, le traitement du contenu audiovisuel ne peut pas se passer d’une description du processus selon lequel un thème est sélectionné et développé dans un segment ou un document audiovisuel donné.

Enfin, insistons sur le fait que la description textuelle et thématique d’un corpus de documents (audiovisuels) se situe – obligatoirement – en amont (cf. figure 2.2) des exploitations pratiques et technologiques diverses telles que :

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– l’élaboration d’un vocabulaire pour la description d’un corpus de documents audiovisuels sous forme de glossaires, thesaurus ou ontologies ;

– l’indexation de fragments d’un document audiovisuel, de la classification de segments audiovisuels (physiques ou virtuels, c’est-à-dire sous forme de méta-données) en des bibliothèques ou archives audiovisuelles ;

– la spécification d’interfaces de recherche de segments audiovisuels correspondant à une demande d’information particulière et d’exploration thématique d’une base de segments audiovisuels ;

– la production de documents audiovisuels « virtuels » (i.e. sous forme d’un montage de plusieurs segments appartenant à un ou plusieurs documents) personnalisés (i.e. adaptés aux besoins d’un utilisateur).

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