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Les autres paramètres limitant l’utilisation des SHTC dans les aimants

Chapitre 6 : Discussion

VI.3 Les autres paramètres limitant l’utilisation des SHTC dans les aimants

L’utilisation à grande échelle des aimants SHTC nécessite des aimants fiables. De tels aimants doivent être protégés efficacement en cas de transition (protection) et être suffisamment stable pour que de telles transitions soient exceptionnelle (stabilité). Le premier point est actuellement la limite principale à leur utilisation. La conséquence d’une transition non déclenchée est, très souvent, la destruction locale du conducteur. Cette destruction provient de la faible propagation (spatiale et temporelle) de la transition. Le second point est de manière évidente le point fort des SHTC qui sont beaucoup moins sensibles aux perturbations que les SBTC. C’est la raison des nombreux succès des démonstrateurs très hauts champ utilisant des SHTC. Ces démonstrateurs fonctionnent loin du point critique et ne transitent pas. Etant donné la très grande stabilité de ces supraconducteurs, la non protection de certains aimants SHTC peut aussi être une optique intéressante.

VI.3.1 La dégradation très rapide

S’il a été montré que, dans le cas d’un aimant fonctionnant à faible courant et fortement refroidi (cas typique de l’aimant fonctionnant à 77 K et refroidi à l’azote liquide), la dégradation se produit en quelques secondes, ce n’est plus vrai dans le cas qui nous intéresse. Les temps caractéristiques avant la dégradation irréversible de l’aimant sont nettement inférieurs à 1s, voire 0,5 s. Les différents cas expérimentaux étudiés dans cette thèse montrent que la dégradation arrive moins de 400 ms après le début de la transition. Il est donc nécessaire de détecter une éventuelle transition très tôt, et de décharger l’aimant rapidement. Dans le cas de la double galette testée au LNCMI et protégée de manière efficace, le critère retenu pour l’activation de la protection était une différence de tension de 200 mV entre les deux galettes pendant 20 ms. Ce critère a permis de limiter à environ 400 ms le temps entre le déclenchement du quench et la fin de la décharge de la double galette. La tension de détection était élevée pour pouvoir obtenir un maximum d’informations sur la transition. Un tel critère amène à un champ électrique moyen de

149 190 µV/cm (sur une galette comportant 13 m de conducteur). Ce critère est déjà 20 à 200 fois plus élevé que le critère utilisé pour la détermination du courant critique. Si ce champ électrique reste raisonnable, la partie transitée étant très réduite, le champ électrique sur la partie chauffée (14 mm) est nettement plus élevé (110 mV/cm). Un tel champ électrique endommage très souvent des échantillons courts lors de mesures de courant critique. Une estimation rapide de l’énergie dissipée sur la longueur de CH12 montre une dissipation de 4,9 J (925 J/cm3). Cette énergie permet (dans le cas adiabatique) un échauffement de plus de 360 K. En se basant sur les résultats de la simulation (qui tient compte du refroidissement), la température du point chaud atteint 200 K. Cette estimation numérique ne tient pas compte de l’échauffement durant la décharge de la double galette, et la température réelle du point chaud est donc comprise entre 200 K et 360 K. On voit que le critère de protection était suffisant pour ne pas endommager la double galette. L’énergie stockée dans la double galette est estimée à 110 J. La fraction dissipée dans le bobinage est inférieure à 10 %, ce qui est très faible. A titre de comparaison, l’énergie stockée dans l’aimant du détecteur ATLAS est de 1,55 GJ. Dans le cas de défaut où l’énergie n’est pas dissipée de manière homogène (défaut du système de chaufferettes), 84 % de l’énergie est dissipée dans l’une des bobines en une centaine de secondes (11 % dans les autres bobines et 5 % dans la résistance de protection). Cela mène à un point chaud de 212 K. Or il faut 222 J/cm3 pour faire monter la température du conducteur de l’aimant ATLAS de 4,5 K à 200 K. La densité d’énergie dissipée sur la partie chauffée de la double galette SHTC en 0,39 s est donc 4 fois plus importante que celle dissipée dans un cas de défaut de l’aimant du détecteur ATLAS en 100 s. La proportion de l’énergie dissipée dans le bobinage est très faible dans le cas de la double galette. Cette comparaison illustre les problèmes qu’on peut rencontrer dans un aimant SHTC stockant une énergie de plusieurs MJ. L’énergie est déchargée dans un volume très restreint en un temps très court, ce qui nécessite en premier lieu d’arriver à augmenter au maximum le volume du bobinage dissipant l’énergie, et en second lieu de trouver un système permettant la décharge de la quasi-totalité de l’énergie à l’extérieur du bobinage.

De plus, des temps aussi courts nécessitent la visualisation de signaux peu bruités pour pouvoir utiliser un critère de détection très sensible (le critère utilisé pour les aimants des détecteurs ATLAS et CMS est de 100 mV pendant 100 ms, le critère pour les SHTC serait plutôt inférieur à 200 mV pendant une durée inférieure à 20 ms). Le critère optimal pour la détection dépend des conditions de fonctionnement et nécessite une étude approfondie de la transition et des signaux.

Ensuite, il faut pouvoir décharger l’énergie de l’aimant très rapidement. Le temps de décharge étant proportionnel à l’inductance, il est plus aisé dans le cas de galettes ou petits prototypes. Dans le cas de gros aimants ayant une inductance de plusieurs H, une décharge en 200 ms n’est pas possible, à moins de la réaliser sous une tension extrêmement élevée. Or les décharges sont généralement réalisées sous des tensions inférieures à 500 V pour rester dans les gammes classiques d’isolant. Une telle tension implique donc un courant ou une inductance relativement faible pour permettre une décharge en 200 ms. Il faut aussi que l’énergie soit principalement dissipée à l’extérieur du bobinage, ce qui n’est

150 pas le cas dans les gros aimants, et il faut par conséquent revoir les modes de décharge des aimants SHTC.

VI.3.2 Transition localisée et progressive

La transition résistive dans les SHTC se traduit généralement par une augmentation de la température très brusque (>1000 K/s) et très localisée (vQ<500 mm.s-1 ; Lt~100 mm).

Le volume dissipant l’énergie est dans ce cas très restreint (<1 % du bobinage) et le gradient thermique dans le bobinage est alors très important. Ce gradient génère des contraintes différentielles qui s’ajoutent aux contraintes magnétiques dans l’aimant. Si ces contraintes ne sont pas critiques, elles peuvent détériorer progressivement la bobine. Cette détérioration progressive a été observée sur le prototype HTS1. Elle a aussi été mise en évidence expérimentalement [125, 126].

Le volume transité étant restreint, les tensions mesurées sont aussi faibles et nécessitent une instrumentation fine et peu bruitée pour pouvoir être détectées rapidement. Dans le cas de la double galette du CRETA où la vitesse de propagation est inférieure à 80 mm/s (les simulations donnent 78 mm/s), le critère moyen sur la galette était de 190 µV/cm. On a pu voir que ce critère n’était pas un critère sûr (bien que la bobine n’ait pas été endommagée), mais un critère nécessaire à l’étude. Un critère 50 fois plus faible permet de limiter le champ électrique à quelque 10 mV/cm sur la partie chauffée. Cela porte donc le seuil de détection à quelque 10 mV et le temps de maintien du seuil à quelques dizaines de ms.

Cette transition localisée nécessite aussi de prendre en compte les contraintes mécaniques générées dans le bobinage présentant un très fort gradient thermique (passage de Top~4,2-77 K à 250-350 K sur quelques dizaines de mm).

VI.4 Proposition pour l’étude de la protection lors de la conception d’un