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Chapitre 1 : Etude bibliographique

I.5 La transition résistive ou « quench »

I.5.1 Définition et caractéristiques

Phénoménologie du quench

Le quench est un phénomène provenant d’un défaut d’homogénéité thermique : la zone critique (à cause d’un mauvais refroidissement ou d’un dépôt localisé d’énergie) devient résistive et génère une dissipation de chaleur par effet Joule. Cette chaleur se transmet de proche en proche par conduction aux conducteurs voisins (longitudinalement et transversalement). La zone résistive s’élargie générant de plus en plus de dissipation et faisant augmenter la température du conducteur. Le quench continue à se propager jusqu’à ce qu’un évènement stoppe la dissipation d’énergie. Cet événement peut-être la transformation totale de l’énergie magnétique en chaleur, l’enclenchement de systèmes de protection permettant la décharge partielle de l’énergie à l’extérieur de l’aimant ou encore l’endommagement et la rupture de l’aimant à cause d’une température ou d’un gradient thermique trop élevé. Lorsque la supraconductivité est perdue localement, on parle alors de la transition résistive qui est la conséquence de cette perte. On utilise le terme «quench» lorsque cette transition résistive se propage de manière irréversible dans le bobinage. Si au contraire cette zone résistive se résorbe (car l’énergie dissipée est évacuée par le système de refroidissement), on parle alors de la récupération de l’état non dissipatif. Un quench est souvent la conséquence d’un dépôt localisé d’énergie (dégradation du refroidissement, rayonnement, mouvements des conducteurs, courants induits, …) faisant augmenter localement la température au-delà de la température critique sous le courant et le champ magnétique de fonctionnement. Le supraconducteur expulse progressivement le courant entre cette température dite température de partage et notée Tcs (pour température de

« current sharing ») et la température critique notée Tc (pour laquelle le courant critique est

nul). Ce phénomène, bien que pouvant intervenir n’importe où, se déclare le plus souvent à l’endroit où les marges sont les plus faibles (en zone de forte induction magnétique par exemple).

La vitesse de propagation d’un quench

Un des paramètres importants d’un quench est sa vitesse de propagation. Ce paramètre est la vitesse 𝑣 à laquelle le front résistif se propage dans la zone supraconductrice. On peut visualiser ce phénomène sur la Figure 1-28. A la frontière entre la partie résistive et la partie supraconductrice, la température augmente à cause de la dissipation thermique dans la zone résistive et de la conduction de la chaleur dans les zones voisines. Lorsque la température dépasse la température critique, le supraconducteur devient normal et cette

Figure 1-28 : Front de propagation du quench (M. Wilson : Superconducting

45 frontière entre les deux états progresse le long du conducteur. On définit la vitesse de propagation comme la vitesse à laquelle cette frontière avance le long du conducteur. Une formule donnant une approximation de la vitesse de propagation peut être obtenue à partir de l’équation de la chaleur 1-7. Le terme du membre de gauche de cette équation traduit l’augmentation de la densité d’énergie du matériau (𝑪𝒄𝒅 est la chaleur spécifique

volumique du bobinage). Le premier terme de droite exprime la conduction de la chaleur dans le bobinage (𝝀𝒄𝒅 est la conductivité thermique du conducteur). Le second traduit la

génération de chaleur par effet Joule dans la partie résistive (𝝆𝒄𝒅 est la résistivité du conducteur et 𝑱𝒄𝒅𝟎 est la densité de courant dans le bobinage). Le troisième terme représente les dissipations thermiques autres que celles par effet Joule (mécaniques ou magnétiques principalement). Enfin le dernier terme correspond au refroidissement du bobinage. 𝒇𝒑 correspond à la fraction du périmètre 𝑷𝑫 exposé au réfrigérant, 𝑨𝒄𝒅 est la

section du conducteur et 𝒈𝒒 est le flux échangé par convection avec le fluide cryogénique. Les propriétés thermiques sont moyennées sur la section du bobinage.

𝑪𝒄𝒅(𝑻) ∗ 𝝏𝑻 𝝏𝒕 = 𝜵[𝝀𝒄𝒅(𝑻) ∗ 𝜵𝑻] + 𝝆𝒄𝒅(𝑻) ∗ 𝑱𝒄𝒅𝒐 𝟐 (𝒕) + 𝒈 𝒅(𝒕) − ( 𝒇𝒑∗ 𝑷𝑫 𝑨𝒄𝒅 ) ∗ 𝒈𝒒(𝑻) 1-7

En considérant le cas d’un conducteur droit (cas de la Figure 1-28) qui n’est pas refroidi et

pour lequel les seules sources de chaleur sont les dissipations joules dans le bobinage, l’équation 1-7 peut alors être simplifiée pour obtenir l’équation 1-8.

𝝏 𝝏𝒙(𝝀𝒄𝒅(𝑻) ∗ 𝝏𝑻 𝝏𝒙) − 𝑪𝒄𝒅(𝑻) ∗ 𝝏𝑻 𝝏𝒕+ 𝝆𝒄𝒅(𝑻) ∗ 𝑱𝒄𝒅𝟎 𝟐 (𝒕) = 𝟎 1-8

En considérant que le front résistif ayant une température 𝑇𝑡 se propage à la vitesse 𝑣 , on

peut faire un changement de repère 𝜖 = 𝑥 − 𝑣 ∗ 𝑡. L’équation précédente devient alors : 𝝏𝟐𝑻 𝝏𝝐𝟐+ 𝒗 ∗ 𝑪𝒄𝒅(𝑻) 𝝀𝒄𝒅(𝑻)∗ 𝝏𝑻 𝝏𝝐+ 𝝆𝒄𝒅(𝑻) 𝝀𝒄𝒅(𝑻)∗ 𝑱𝒄𝒅𝟎 𝟐 (𝒕) = 𝟎 1-9

La solution à l’équation 1-9 qui permet une continuité de la frontière à la température 𝑻𝒕 permet de définir la vitesse de propagation adiabatique avec 𝑻𝒐𝒑 la température de fonctionnement. Cette solution est obtenue en considérant des propriétés thermiques variant peu avec la température :

𝒗𝒂𝒅𝒊𝒂 = 𝑱𝒄𝒅𝟎 𝑪𝒄𝒅(𝑻𝒕)∗ √

𝝆𝒄𝒅(𝑻𝒕) ∗ 𝝀𝒄𝒅(𝑻𝒕)

𝑻𝒕 − 𝑻𝒐𝒑 1-10

Le choix de la température 𝑇𝑡 dépend du conducteur. Dans le cas d’un conducteur simple, la température critique (Tc) peut être utilisée. Dans le cas d’un conducteur multi

filamentaire ou d’une céramique à haute température critique, on peut utiliser 𝑇𝑡 = 𝑇𝑐𝑠2+𝑇𝑐 où 𝑻𝒄𝒔 est la température de partage sous la densité de courant 𝑱𝒄𝒅𝟎 [30]. L’influence de la température sur la vitesse de transition avec la température apparaît dans la formule 1-10 en utilisant la loi de Wiedemann-Franz.

46 Dans un bobinage, la zone résistive se propage aussi transversalement (entre les spires). Le calcul de la vitesse transversale se fait comme pour la vitesse longitudinale et on peut en déduire le rapport des vitesses 𝜶 par l’équation 1-11 où 𝝀𝒕𝒓𝒂𝒏𝒔 (conductivité

thermique transversale) tient compte de tous les éléments du bobinage (conducteur, stabilisant et isolant). 𝛼 =𝒗𝒕𝒓𝒂𝒏𝒔 𝒗𝒍𝒐𝒏𝒈 = √ 𝝀𝒕𝒓𝒂𝒏𝒔 𝝀𝒍𝒐𝒏𝒈 1-11

Dans la réalité les propriétés des matériaux varient avec la température. Cette variation est significative si l’on considère les SHTC pour lesquels (𝑇𝑐− 𝑇𝑐𝑠)~10 𝐾 à 60 𝐾. La formule suivante peut alors être utilisée même si la formule 1-10

semble donner une bonne approximation des vitesses en considérant les propriétés des matériaux à la température 𝑇̃ = 𝑇𝑡+𝑇𝑜𝑝 2 [3]: 𝒗𝒂𝒅𝒊𝒂= 𝑱 ∗ √ 𝝆𝒏(𝑻𝒕) ∗ 𝝀𝒏(𝑻𝒕) [𝑪𝒏(𝑻𝒕) −𝝀 𝟏 𝒏(𝑻𝒕) ∗ ( 𝒅𝝀𝒏 𝒅𝑻 )𝑻 𝒕 ∗ ∫ 𝑪𝑻𝑻𝒐𝒑𝒕 𝒔(𝑻)𝒅𝑻] ∗ ∫ 𝑪𝑻𝑻𝒐𝒑𝒕 𝒔(𝑻)𝒅𝑻 1-12

Dans cette équation les indices 𝑛 et 𝑠 correspondent respectivement à l’état normal et à l’état supraconducteur.

Cette vitesse de propagation est un paramètre important. Plus la vitesse est élevée et plus le quench va se propager rapidement dans l’ensemble du bobinage. Cet aspect est très intéressant d’un point de vue de la protection d’un aimant puisqu’il permet de déterminer le volume dans lequel l’énergie sera dissipée. Plus ce volume est important et moins la température du point chaud sera élevée. De plus, une grande vitesse de propagation permet l’apparition de tensions importantes dans un aimant et favorise donc la détection rapide du quench. Compte tenu de la faible vitesse de propagation de la transition résistive dans un conducteur SHTC, il faut toujours détecter très rapidement la transition et donc arriver à mesurer des signaux relativement faibles.

Les différences entre les SBTC et les SHTC

La vitesse de propagation est l’un des comportements qui différencie les SBTC des SHTC. En effet la vitesse de propagation typique des SBTC est de 1 m/s à 100 m/s (dépendant du conducteur et des conditions de fonctionnement) alors que celle des SHTC est plutôt de l’ordre de 1 mm/s à 100 mm/s. Ces 1 à 5 ordres de grandeurs sur la vitesse de propagation sont à l’origine des difficultés actuelles à protéger les aimants SHTC. L’optimisation du bobinage pour augmenter au maximum cette vitesse de propagation est l’un des enjeux actuels dans l’utilisation de ces nouveaux matériaux. Quelques exemples de vitesses de propagation mesurées sont donnés dans le Tableau 1-3.

47 Aimant Conducteur Vitesse mesurée publication Aimant d’ATLAS

Câble Rutherford NbTi/Cu stabilisé par

de l’aluminium pur

7 m/s  20 m/s [31, 32] LHC Quadrupole Câble Rutherford

NbTi/Cu 3 m/s  80 m/s [33]

20 cm sample YBCO (54K) 2 mm/s8 mm/s [34]

34 cm sample YBCO

(78K,82K,86K) 8 mm/s40 mm/s [35]

Tableau 1-3 : Exemples de vitesse de propagation de quench

Cette différence provient principalement de la forte variation des propriétés thermiques à basse température. En effet les SHTC ont des températures critiques supérieures à 77 K pour la plupart, et des températures de partage souvent supérieures à 30 K. Or la propagation d’un quench est un phénomène thermique guidé par la capacité des matériaux à transmettre un signal thermique. Les matériaux SHTC sont principalement constitués de stabilisant (souvent du cuivre) et de renfort mécanique. La vitesse de propagation est proportionnelle à √𝜆𝐶𝑐𝑑

𝑐𝑑 (formule 1-10). Si l’on regarde la capacité thermique et la conductivité thermique du cuivre (ANNEXE 1), on peut calculer une chute de ce facteur de 3 ordres de grandeurs entre 4 K et 30 K et de 4 ordres de grandeurs entre 4 K et 85 K (Cuivre RRR100 sans champ magnétique). Cette estimation permet d’expliquer en partie la faible vitesse de propagation dans les SHTC.