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Chapitre 2 : Le combustible UO2, seul ou dopé

2.1 L E DIOXYDE D ’ URANIUM

2.1.5 Le frittage

2.1.5.2 Paramètres influents du frittage

Le frittage des pastilles d’UO2 s’effectue classiquement à 1700°C sous atmosphère réductrice (H2 ou Ar/H2) [Kutty, 2002]. Les principaux paramètres influents au premier ordre sont la vitesse de chauffe, la durée et la température du palier et la nature de l’atmosphère de frittage. Dans les paragraphes suivant, nous allons étudier l’influence de chacun de ces paramètres sur les propriétés du combustible UO2.

2.1.5.2.1 Atmosphère de frittage

L’atmosphère de frittage utilisée pour le frittage des comprimés UO2 est d’une importance déterminante pour la qualité finale des pastilles. Elle est caractérisée par la pression partielle d'oxygène (PO2). Selon que cette atmosphère soit inerte (ex : argon), oxydante (ex : mélange CO/CO2) ou réductrice (ex : mélange Ar/H2 ou H2), le dioxyde d’uranium présentera différents degrés d’oxydation (U4O9, U3O8…) ou des écarts à la stœchiométrie variables (UO2±x). La composition de l’atmosphère de frittage peut également influencer la microstructure finale (taille des grains).

Une étude de Kutty sur le comportement en densification d’UO2 [Kutty, 2002] présente les résultats d’essais sous six atmosphères différentes : CO2, N2 commercial, N2 + 1000 ppm O2, Ar/8% H2, Ar et vide. Elles peuvent être classées de la plus réductrice à la plus oxydante de la manière suivante :

L’atmosphère de frittage joue sur la stœchiométrie du produit final UO2 fritté (Tableau 2). Dans les conditions de l’expérience de Kutty (avec O/Udépart = 2,15), plus l’atmosphère de frittage est réductrice plus le rapport O/M tend vers 2,00. UO2 stœchiométrique n’est obtenu qu’en atmosphère neutre ou en présence d’hydrogène. Dans tous les cas, s’il y a la présence d’oxygène dans l’atmosphère, les conditions sont trop oxydantes pour arriver au rapport O/M = 2,00.

Tableau 2 : Densités et rapports O/U des pastilles d’UO2 après frittage sous différentes atmosphères [Kutty, 2002]

La température de frittage n’est pas mentionnée dans la publication.

Par ailleurs, cette étude montre que la cinétique de densification d’UO2 est presque identique sous Ar, Ar/8% H2 et sous vide moyen (100 < P < 0,1 Pa). Ce résultat est décrit par les courbes dilatométriques de la Figure 19 représentant le retrait ou la densité en fonction de la température. Le gonflement observé au début du frittage (entre 350 et 500°C) sous atmosphère CO2 peut être attribué à l’oxydation en surface d’UO2 en U3O7 [Kutty, 2001]. Cette expansion s’explique par la réaction de formation

d’une nouvelle phase sur la surface externe de la pastille et les oxydations conséquentes des couches internes dues aux fissures provoquées par le changement de phase.

Ces courbes illustrent également le fait que le début de densification se fait à température plus basse pour des atmosphères oxydantes et inertes (~ 700°C) que pour des atmosphères réductrices (~ 950°C). En effet, en atmosphère oxydante, la présence d’oxygène favorise la diffusion volumique et donc la densification à des températures plus faibles. Les atmosphères oxydantes permettent donc des températures de frittage (palier) plus faibles que celles employées pour les atmosphères réductrices.

Figure 19 : Courbes de retrait (à gauche) ou de densité (à droite) de pastilles d’UO2 dans différentes atmosphères en fonction de la température [Kutty, 2002]

Par ailleurs, la croissance des grains est plus significative dans une atmosphère oxydante (CO2) que dans une atmosphère réductrice (H2) [Ndiaye, 2012 – Assmann, 1986]. En effet, l’augmentation des coefficients de diffusion en conditions oxydantes permet un grossissement granulaire marqué car la fermeture rapide des pores n’empêche pas la migration des joints de grains.

Certains auteurs s’attachent à interpréter les mécanismes de frittage en fonction de l’atmosphère avec les défauts présents dans la structure cristalline (lacune, interstitiel…) [Frackiewicz, 2010].

Des cycles de frittage plus élaborés avec changement d’atmosphère ont également été étudiés afin d’optimiser simultanément plusieurs paramètres comme la température de palier et la taille de grains. Certains procédés en atmosphères oxydante puis réductrice permettent de fritter à une température ne dépassant pas 1200°C[Kobayashi, 2005 – Yang, 2008]. Ils sont cependant plus complexes à mettre en œuvre. Des cycles de frittage comprenant deux changements d’atmosphère ont également été réalisés afin de maximiser la densité et/ou la taille de grains. Harada [Harada, 1997] a par exemple élaboré un procédé de frittage en trois étapes : atmosphères réductrice/oxydante/réductrice (Figure 20). La densité est plus élevée et la croissance de grains est plus importante lorsque la PO2 est augmentée alors que tout le cycle de frittage se passe à plus faible température (1200 < T < 1500°C) que pour les procédés classiques (~ 1700°C, atmosphère réductrice (Cf. § 2.1.42.1.5.2)).

2.1.5.2.2 Température de frittage et vitesse de chauffe

La température influence forcément le frittage puisque la densification se fait par diffusion (en volume ou aux joints de grains), qui est un phénomène thermodynamiquement activé [Bernache, 2005]. Le mécanisme de densification dominant peut alors changer avec la température. En général, la diffusion en volume et aux joints de grains est favorisée aux températures élevées et contribue à la consolidation et à la densification. La diffusion superficielle est favorisée aux basses températures et privilégie seulement la consolidation [Bernache, 1993].

Le comportement en densification varie aussi avec la vitesse de chauffe. Le retrait en fin de frittage diminue quand celle-ci diminue. La vitesse de chauffe peut aussi jouer sur la température de transformation de phase. Par exemple, une étude sur la transformation de phase des alumines de transition en alumine α [Azar, 2009] montre un écart d’environ + 130°C pour la fin de la transformation de phase entre des vitesses de chauffe de 0,05 et 10°C.min-1. Plus la vitesse de chauffe augmente, plus la température de fin de transformation est élevée et plus le frittage est favorisé. Cependant, si la vitesse de chauffe est trop élevée, des phénomènes parasites comme le piégeage des organiques (lubrifiant, porogène…) ou même le piégeage de la porosité (qui n’aura pas le temps de s’évacuer) peuvent être induits.

En résumé, la température de palier et la vitesse de chauffe influent sur la densité après frittage ainsi que sur la microstructure finale [Bernache, 2005].

2.1.5.2.3 Caractéristiques et préparation de la poudre

Les caractéristiques propres des poudres comme la morphologie, la taille de grains ou la pureté ont une influence sur le frittage ; de ce fait leurs conditions de préparation jouent un rôle très important.

Caractéristiques spécifiques de la poudre

La granulométrie, qui englobe à la fois la forme, la taille des grains et sa distribution ainsi que le facteur d’agglomération de la poudre initiale (taille des agglomérats par rapport à la taille des particules élémentaires), sont des paramètres essentiels pour le comportement au frittage d'une poudre. Lorsque les grains présentent une forme irrégulière ou lorsque le facteur d’agglomération est grand, la vitesse de densification diminue. Les poudres les moins agrégées/agglomérées atteignent alors les densités les plus élevées [Liu, 1999].

Lors du frittage, les particules initiales se rassemblent et se collent entre elles jusqu’à se souder et former de plus grosses particules, entrainant une diminution de leur surface spécifique. La cinétique de frittage est également sensible à la taille des particules. Ainsi, une poudre fine ou à grande surface spécifique fritte plus vite qu’une poudre compacte plus grosse [Bernache, 1993], mais elle est en général plus difficile à comprimer et présente un retrait plus grand au frittage. En effet, plus la surface spécifique de la poudre est élevée, plus sa réactivité est grande. Au contraire, des gros grains favorisent la diffusion en surface et non la diffusion en volume et aux joints de grains car le potentiel de densification est plus important du fait de la réduction de surface qui est plus importante. Ainsi, la vitesse de densification diminue lorsque la taille de grains augmente. Par suite les gros grains favorisent plutôt une simple consolidation qu’une densification [Bernache, 2005].

Préparation de la poudre

La préparation des poudres peut potentiellement modifier les propriétés des matériaux frittés, en particulier la microstructure. Par exemple, selon une étude sur la monazite (phosphate de lanthane de formule LaPO4) [Bernache, 2005 – Lucas, 2003], les échantillons préparés par deux voies différentes présentent après frittage des microstructures totalement différentes. L’échantillon synthétisé par voie solide/solide à haute température présente de gros grains poreux (porosité intra granulaire) alors que celui préparé par précipitation présente de petits grains denses. Ce résultat est dû à la formation de métaphosphates La(PO3)3 qui en se décomposant forment une phase liquide. Cette phase liquide explique la microstructure à gros grains pour les échantillons préparés par voie humide car la présence d’une phase liquide favorise le grossissement granulaire (Cf. 2.1.5.3).

2.1.5.2.4 Temps de frittage

Le temps de frittage est fortement lié à la température de frittage. Les transferts de matière observés lors du frittage sont essentiellement dus à des phénomènes de diffusion, thermiquement activés. La vitesse du frittage augmente donc rapidement avec la température [Meyer, 1994]. De ce fait, plus la température est élevée, plus le temps de frittage peut être court. Les temps de frittage les plus courts sont en général favorables à la densification [Balakrishna, 2001], ce qui est en accord avec le fait qu’une température élevée favorise la densification.

2.1.5.2.5 Densité des comprimés

La forme cylindrique de la pastille frittée est donnée à la poudre lors de l’étape de pressage qui conduit à un comprimé suffisamment solide pour être manipulé. La mise en forme de l’objet n’est toutefois pas le seul objectif du pressage, elle sert également à compacter la poudre qui va passer typiquement de 20 – 30 % dth à 50 – 60 % dth après compaction. Cette action a pour effet de rapprocher physiquement les grains les uns des autres afin que le frittage puisse être plus efficace (augmentation du nombre moyen de voisins par grain). Il existe en effet une densité seuil (et donc une pression de compaction seuil) à partir de laquelle le frittage sera réellement efficace et pourra conduire à un taux de densification maximal.