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Chapitre 3 : Mise au point d’un procédé de fabrication de pastilles UO2 dopé niobium

3.3 C HOIX ET OPTIMISATION DU PROCEDE

3.3.3 Influence du mode de mélange

3.3.3.3 Caractérisations

Compte tenu que la granulométrie de la poudre NbO est la plus éloignée de celle d’UO2 et que celle de NbO2 présente la distribution granulométrique la plus large, l’impact de la technique de mélange a été étudié sur la composition (UO2 + NbO2 + NbO). La teneur du dopant (NbO2 + NbO) est fixée à 1 % massique au total avec une proportion équimolaire du couple rédox.

3.3.3.3.1 Rapport O/U et surface spécifique

Le rapport O/U a été mesuré par thermogravimétrie. Le traitement thermique appliqué est constitué d’une montée en température de 10°C.min-1 sous air jusqu’à un palier à 900°C pendant 1 h. UO2 s’oxyde alors en U3O8 et le rapport est déterminé en fonction de la prise de masse de l’échantillon. La surface spécifique est déterminée par la méthode BET.

Quelle que soit la technique de broyage/mélange mise en œuvre, le rapport O/U et la surface spécifique de la poudre dopée, obtenus après mélange, évoluent de manière identique. Ainsi, la poudre s’oxyde légèrement, le rapport O/U passant de 2,20 à 2,25 et la surface spécifique passe de 2,91 à 3,0 ± 0,03 m2.g-1.

Nous nous attendions à une plus forte augmentation du rapport O/M et de la surface spécifique dans le cas du broyeur planétaire, technique supposée beaucoup plus énergétique. L’impact des deux technologies de mélange-broyage apparait donc équivalent pour les deux caractéristiques mesurées. L’augmentation relativement faible de la surface spécifique pour le broyeur planétaire semble indiquer une faible efficacité du broyage en milieu humide sur cette poudre UO2.

3.3.3.3.2 Morphologie de la poudre

Des micrographies des mélanges UO2 – NbOx ont été réalisées par MEB (en électrons secondaires) et sont reportées sur les Figure 43 et Figure 44. Les deux poudres sont sensiblement similaires, avec des agglomérats de tailles comprises entre 5 et 25 µm. A plus fort grossissement, nous remarquons que les grains élémentaires de chaque poudre ne présentent pas de différence significative de taille (< 1 µm) et qu'ils sont fortement liés (présence d’agrégats). Ces observations, couplées avec la faible évolution de la surface spécifique, montrent donc que les agrégats n’ont été que partiellement détruits.

Le type de mélangeur utilisé (broyeur planétaire ou mélangeur à turbine) ne modifie donc pas la morphologie de la poudre obtenue après mélange d’UO2 et NbOx.

Figure 43 : Micrographies de poudres UO2 – (NbO2+NbO) après mélange au broyeur planétaire

Figure 44 : Micrographies de poudres UO2 – (NbO2+NbO) après mélange au mélangeur à turbine

3.3.3.3.3 Comportement en densification

Afin de mieux définir l’impact du mode de mélange des poudres sur les pastilles frittées, nous avons étudié le comportement en densification de ces dernières par des essais de dilatométrie (mesure du

jusqu’à la fin d’un premier palier de 2 h à 450 °C. Il se poursuit ensuite sous argon ultra pur jusqu’à la fin du traitement thermique qui comprend donc la montée en température de 450°C à 1700°C, le palier de 4 h à 1700°C puis le refroidissement. Les motivations qui ont conduit au choix de ce cycle thermique particulier sont expliquées ultérieurement au paragraphe 3.3.4.

Tous les frittages ou traitements thermiques ont été réalisés soit dans le dilatomètre soit dans un four de frittage dont les caractéristiques sont détaillées en Annexe 10. De même, la composition des gaz (Ar/5% H2 et ArUP) utilisés lors de ces traitements est détaillée en Annexe 11.

Les cinétiques de densification de pastilles UO2 dopé à 1% massique de (NbO2 + NbO) selon les deux modes de mélange (broyeur planétaire ou mélangeur à turbine) sont présentées sur la Figure 45.

Figure 45 : Retrait relatif axial de pastilles UO2 seul ou dopé à 1 % m de (NbO2 + NbO) en fonction du temps et du mode de mélange (MT : Mélangeur à Turbine ; BP : Broyeur Planétaire)

Les cinétiques de densification des pastilles dopées sont similaires jusqu’à environ 1600°C. Elles peuvent être découpées en quatre zones, matérialisées par les pointillés verticaux sur la Figure 45.

- La première zone (20 – 800 °C) est attribuée à la dilatation du matériau sous l’action de la température.

- La deuxième zone correspond à la densification des pastilles et s’étend de 800 à 1250 °C environ. Le début de densification (vers 800 °C) et la vitesse de densification des deux pastilles dopées sont identiques. Cette densification progresse vite (courbe très pentue) et pourrait être révélatrice de la présence d’une phase liquide [Bernache, 1993], hypothèse qui sera confirmée par la suite (Cf. § 4.2.3).

- La troisième zone, commençant à 1250 °C, marque le début d’un phénomène très marqué de dé-densification (expansion de 5 à 6 % linéaire).

- La dernière zone, où les allures des deux courbes divergent, commence à partir de 1700 °C. UO2 MT présente en effet une re-densification lors du palier à 1700°C d’environ 5 % dth (après avoir atteint une densité d’environ 76,0 dth), alors que le retrait d'UO2 BP se stabilise. Les densités finales des pastilles restent tout de même proches : 80,4 ± 0,5 % dth pour l'échantillon MT et 82,1 ± 0,5 % dth pour BP. L'incertitude de mesure sur la densité

géométrique est relativement élevée du fait de la présence de défauts macroscopiques dans la pastille.

Nous concluons que les deux modes de mélanges testés ici (broyeur planétaire et mélangeur à turbine) ne conduisent pas à des cinétiques de densification sensiblement différentes. En effet, très peu de différences sont observées entre les deux courbes en dessous de 1600°C et, malgré un écart de comportement observé au-dessus de 1600°C, les pastilles présentent finalement des densités finales voisines.

Le phénomène important de dé-densification observé à température élevée sera analysé plus en détail au paragraphe 3.3.4.2.2.

3.3.3.3.4 Microstructure

Deux poudres d’UO2 + 1 % m (NbO2 + NbO), obtenues à partir de chacun des deux modes de mélange, ont été frittées selon le même cycle thermique que celui de la dilatométrie (Figure 46) :

Figure 46 : Cycle de frittage appliqué aux comprimés UO2 + 1 % m (NbO2 + NbO) obtenus par un mélange soit au broyeur planétaire, soit au mélangeur à turbine

La Figure 47 montre la présence de très nombreuses porosités intra- et intergranulaires, dont certaines de très grandes tailles. Elles sont réparties de manière homogène sur l'ensemble des pastilles. Les grains ont sensiblement la même taille quel que soit le procédé de mélange des poudres mis en œuvre : 45 ± 10 µm pour la pastille MT (mélangeur à turbine) et 46 ± 10 µm pour la pastille BP (broyeur planétaire). Un grossissement granulaire apparaît donc lors du frittage des pastilles dopées ; la taille de grains de pastilles UO2 standard étant d’environ 10 µm. Nous observons également sur toute la pastille une hétérogénéité dans la taille des grains : celle-ci varie entre 25 ± 5 µm et 95 ± 20 µm. De plus, nous remarquons sur toutes les pastilles que les grains sont plus gros autour des grosses porosités, avec une taille moyenne de 78 ± 15 µm.

(a) (b)

Figure 47 : Microstructures obtenues au microscope optique des pastilles UO2 + 1 % m (NbO2 + NbO) mélangées (a) au mélangeur à turbine et (b) au broyeur planétaire

Pour conclure, les poudres, de composition UO2 + 1 % m (NbO2 + NbO), mélangées soit au broyeur planétaire soit au mélangeur à turbine, conduisent après frittage à des céramiques très peu denses et dont la porosité et la taille de grains sont du même ordre de grandeur. La présence des oxydes de niobium (NbO2 et NbO initialement introduits) se traduit également par un grossissement granulaire marqué, quel que soit le mode de mélange des poudres utilisé. Ce dernier n’a pas d’influence notable sur la microstructure des pastilles frittées.

3.3.3.3.5 Composition chimique

Des analyses par MEB, associées à la microanalyse par spectroscopie de rayons X en dispersion d'énergie (EDX) ont été réalisées pour étudier la composition chimique des pastilles dopées en niobium ; et se faire une idée de l’homogénéité de la répartition du niobium dans UO2. Les micrographies d'une céramique issue d'une poudre UO2 + 1 % m (NbO2 + NbO) mélangée au broyeur planétaire et frittée sous argon ultra pur pendant 4 h à 1700°C sont présentées ici (Figure 48).

Figure 48 : Micrographie et cartographies EDX d’une pastille issue d'une poudre UO2 + 1 % m (NbO2 + NbO) mélangée au broyeur planétaire frittée à 1700°C sous Ar ultra pur

Une phase gris foncé est observée sur la micrographie MEB en électrons secondaires, en particulier au niveau des joints triples des grains d’UO2 (cercle bleu sur la Figure 48). La forme de cette phase précipitée est caractéristique de la présence d’une phase liquide pendant le frittage (mouillage des grains). Cette observation est en accord avec la vitesse de densification élevée relevée sur les courbes dilatométriques précédentes. La présence de précipités au sein des échantillons frittés est attendue car la solubilité du niobium dans UO2 est estimée entre 0,3 et 0,5 % m de Nb2O5 [Harada, 1996 – Assmann, 1981 – Song, 1999] et le dopage est ici de 1 % massique. Ces précipités sont constitués principalement de niobium et d’oxygène, mais du tungstène est également détecté, provenant probablement d’une pollution lors de l’étape de mélange au broyeur planétaire (bol et billes en WC). Cela est confirmé par le fait que l'échantillon UO2 + 1 % m (NbO2 + NbO) ayant subi l’étape de mélange avec le mélangeur à turbine ne présente aucune trace de tungstène alors que les autres éléments (U, O et Nb) sont bien présents aux mêmes endroits (U et O au niveau de la matrice, Nb et O au niveau des précipités aux joints de grains).

Pour conclure, quel que soit le type de mélange utilisé (broyeur planétaire et mélangeur à turbine), des précipités composés d’oxyde de niobium sont observés aux joints de grain. La forme de ces précipités suggère qu'ils sont issus d'une phase liquide transitoire prenant place lors du frittage. La présence de tungstène est détectée dans la pastille préparée par mélange au broyeur planétaire, ce qui peut être attribué à une pollution liée au media de broyage.

3.3.3.4

Conclusion

Au vu de l’ensemble des analyses décrites ci-dessus, les deux méthodes de mélange des oxydes de niobium dans la poudre d’UO2 apparaissent sensiblement équivalentes aussi bien au niveau de la qualité du mélange (homogénéité) qu’au niveau des propriétés du matériau final (rapport O/U et surface spécifique du mélange pulvérulent, comportement en densification, densité et microstructure). La seule nuance observée réside dans la pollution au tungstène apportée par le broyeur planétaire. Notre choix se porte donc préférentiellement sur le mélangeur à turbine, non polluant, et qui de surcroît fonctionne en milieu sec ce qui est favorable dans la perspective d’une potentielle industrialisation du procédé.

Les prochains mélanges seront donc réalisés au mélangeur à turbine pendant 45 minutes avec des vitesses de rotation de 3000 tr.min-1 pour l’hélice et de 60 tr.min-1 pour le pot.