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II. Liquéfaction

II.4.1 Paramètres d’états

La densité est sans doute le paramètre d’influence le plus important dans le comportement mécanique des sables. Son influence sur la sensibilité à la liquéfaction est par conséquent grande. L’influence de la densité initiale sur la liquéfaction (statique et cyclique) a été étudiée par de très nombreux auteurs : (Casagrande 1940) ; (Castro 1969) ; (Bahda 1997) ; (Benahmed 2001) ; (Castro et Poulos 1977) ; (Kramer et Seed 1988) ; (Konrad, Flavigny, et Meghachou 1991) ; (Canou et al. 2000) ; (Gajo, Piffer, et De Polo 2000) ; (Vaid et Sivathayalan 2000) ;… La Figure 28 présente les résultats d’essais triaxiaux drainés monotones réalisés sur du sable d’Hostun à différentes valeurs de densités relatives (IDC), dans la thèse de Benahmed (Benahmed 2001).

Les résultats sont présentés sur deux graphes : le graphe de gauche présente l’évolution du déviateur des contraintes en fonction de la déformation axiale. On constate que plus l’indice de densité est élevé, plus la courbe contrainte-déformation présente un pic important en petites déformation, avant de suivre un comportement asymptotique à mesure que la déformation augmente.

Le graphe de droite présente l’évolution de la déformation volumique en fonction de la déformation axiale. On voit sur ce graphe que la réponse des quatre échantillons les plus lâches (pour des indices de densité compris entre -0,02 et 0,24) est exclusivement contractante. Pour les deux échantillons les plus denses (IDC = 0,53 et IDC = 0,73), la réponse du sable passe par une courte phase de contractance en petite déformation, puis devient dilatant sur le reste du chargement monotone drainé. A noter que le point d’état caractéristique, c’est-à-dire le passage de l’état contractant à dilatant, apparait pour une déformation axiale d’autant plus petite que l’échantillon est dense, c’est-à-dire qu’on a « raccourcissement » de la phase de contractance avec la densification du matériau granulaire.

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Figure 28 : Résultats d'essais triaxiaux drainés mettant en évidence l'influence de la densité sur le comportement drainé de sable d'Hostun (Benahmed 2001)

Les graphes des Figure 29 et Figure 30 présentent les résultats d’essais triaxiaux non drainés sur le même sable que précédemment.

Les graphes de la Figure 29 présente l’évolution du déviateur des contraintes en fonction de la déformation axiale, pour différentes valeurs de densités (après consolidation), et pour une contrainte de consolidation isotrope initiale de 100 kPa. On retrouve les trois types de comportements identifiés précédemment, c’est-à-dire : un comportement de liquéfaction pour les échantillons les plus lâches (IDC = -0.02 et IDC = 0.07), avec établissement d’un niveau de résistance résiduelle très faible et le développement de grandes déformations, caractéristiques de l’état stable. De la liquéfaction limitée, caractéristique des densités moyennement lâche (IDC

= 0,16 et IDC = 0,24). On remarque que les pics de contraintes sont d’autant plus élevés que la densité est élevée. Enfin, les échantillons les plus denses (IDC = 0,73 et IDC = 0,92) ne présentent aucun signe de radoucissement. La résistance croit continument jusqu’à une valeur élevée, où l’essai est arrêté par limitation du dispositif expérimental.

Figure 29 : Résultats d'essais triaxiaux non drainés réalisés sur du sable d'Hostun - Evolution du déviateur des contraintes en fonction de la déformation axiale pour différentes valeurs de densités

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L’évolution de la pression interstitielle en fonction de la déformation axiale (Figure 30) permet de mettre en évidence les réponses différentes observées en fonction de la densité initiale. Les échantillons de sable lâche (contractant), correspondants aux indices de densité -0,02 et 0,07 voient leur pression interstitielle augmenter continument, jusqu’à atteindre une valeur très élevée proche de la pression de confinement. C’est un comportement typique de liquéfaction, correspondant au caractère fortement contractant observé en conditions drainées (Figure 28). Pour les indices de densités correspondants à des états moyennement lâches, on retrouve le comportement intermédiaire de liquéfaction limitée, avec une phase initiale d’augmentation de la pression interstitielle puis une diminution en grandes déformations, à mettre en parallèle avec le regain de résistance observé sur la Figure 29. Enfin, le caractère dilatant des échantillons les plus denses (IDC = 0,73 et IDC = 0,92) observé en conditions drainés (Figure 28) se traduit ici, en conditions non drainés, par une forte diminution de la pression interstitielle allant vers de fortes valeurs négatives (graphe de droite de la Figure 30).

Figure 30 : Résultats d'essais triaxiaux non drainés réalisés sur du sable d'Hostun - Evolution des surpressions interstitielles en fonction de la déformation axiale pour différentes valeurs de densités

(Benahmed 2001)

Pour résumer, le caractère volumique observé en conditions drainées, contractance ou dilatance, conditionne la génération de surpressions interstitielles en conditions non drainées. Plus le matériau est dense, plus il va montrer une réponse dilatante, ce qui se traduit par des pressions interstitielles générées négatives sous chargement non drainé. Au contraire, les matériaux lâches fortement contractants en conditions drainées vont présenter de fortes générations de surpressions interstitielles sous chargement non drainés, induisant une plus grande susceptibilité aux instabilités de liquéfaction.

Concernant le comportement cyclique, étant donné qu’il est fortement lié au comportement monotone (« comportement enveloppe »), la conclusion sur l’influence de la densité relative est la même. Plus l’échantillon est dense, plus la contrainte appliquée pour provoquer la rupture doit être élevée (ou le nombre de cycles). Ces résultats ont été déjà montrés par de nombreux auteurs ((Castro et Poulos 1977) ; (Benahmed 2001) ; (Vaid, Chern, et Tumi 1985) ; (Vaid et Sivathayalan 2000) …)

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Vaid et ses collègues (Vaid, Chern, et Tumi 1985) présentent des résultats d’essais cycliques de cisaillement simple réalisés sur des échantillons à différentes densités relatives, sur du sable d’Ottawa. Ces résultats sont présentés en Figure 31. On voit bien que plus la densité augmente, plus il faut une grande contrainte de cisaillement appliquée pour, dans le cas présent, atteindre une déformation de 5% en 10 cycles.

Figure 31 : Résultats d'essais de cisaillement cyclique sur du sable d'Ottawa - Mise en évidence de l'influence de la densité relative sur la résistance à la liquéfaction (Vaid, Chern, et Tumi 1985)

b. Forme des grains et granulométrie

La forme des grains, et donc par extension leur provenance influe sur leur réponse à la liquéfaction. Des auteurs tels que Benhamed (Benahmed 2001) ont comparé deux sables dont la forme des grains était différente. Elle a notamment comparé d’une part le sable de Hostun, dont les grains sont plutôt anguleux, et le sable de Fontainebleau d’autre part, dont les grains ont une forme plus arrondie. Ses résultats montrent que le sable de Fontainebleau a une sensibilité à la liquéfaction plus grande que le sable de Hostun. En conclusion, plus la forme des grains du sable est arrondie, plus le matériau sera liquéfiable. Egalement, Castro et Poulos (Castro et Poulos 1977) ont mis en évidence que les matériaux possédant une granulométrie peu étendue et uniforme étaient plus sensibles aux risques de liquéfaction.

c. Structure granulaire

La structure granulaire est un autre paramètre d’influence sur le potentiel de liquéfaction des sables. En laboratoire, la structure granulaire est conditionnée par la méthode de reconstitution des échantillons choisie.

Par exemple, Benahmed et ses collègues (Benahmed, Canou, et Dupla 2004) comparent la méthode de pluviation sèche avec celle du damage humide à travers la réalisation d’essais triaxiaux monotones non drainés. Les deux méthodes permettent d’obtenir des échantillons lâches, ce qui permet la comparaison à indice des vides constant. La méthode de pluviation à sec permet d’obtenir des structures plutôt stables, avec un empilement régulier des grains. Au contraire, la méthode de damage humide favorise la formation de structures très instables, avec

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la présence d’agrégats et de macro-pores, comme identifié dès 1975 par Casagrande (Casagrande 1979). Les deux types de structures sont visibles sur les microphotographies présentées en Figure 32 issues des travaux de Benahmed et ses collègues (Benahmed, Canou, et Dupla 2007).

Figure 32 : Microphotographies du sable d'Hostun mettant en évidence les différentes structures granulaires obtenues en fonction de la méthode de reconstitution (a) agrégats et macropores par damage

humide (b) zoom sur les macropores du damage humide et (c) empilement régulier induit par la pluviation sèche (Benahmed, Canou, et Dupla 2007)

On voit clairement sur la Figure 33 la différence de réponse du matériau, pour une même densité, en fonction de la technique employée pour fabriquer les échantillons. Le graphe de gauche présente l’évolution du déviateur des contraintes en fonction de la déformation axiale, pour l’échantillon reconstitué par damage humide et pour celui reconstitué par pluviation sèche. Les deux échantillons se trouvent dans le même état de densité (lâche).

L’échantillon reconstitué par la méthode de damage humide présente un comportement typique de liquéfaction. Au contraire, l’échantillon reconstitué par la méthode de pluviation sèche présente une réponse caractéristique des sables dilatants. Les chemins de contraintes, présentés sur le graphe de la Figure 33 (b) met clairement en évidence un comportement de liquéfaction typique pour l’échantillon reconstitué par damage humide, avec migration rapide du chemin des contraintes vers l’origine du repère. Le chemin de contraintes correspondant à l’échantillon reconstitué par la méthode de pluviation sèche montre une réponse d’abord contractante, puis dilatante une fois passé le seuil caractéristique, ce qui est un comportement typique de sable dilatant.

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Figure 33 : Résultats de deux essais triaxiaux non drainés monotones réalisés sur du sable d'Hostun - Mise en évidence de l'influence de la méthode de reconstitution (Benahmed, Canou, et Dupla 2004)

On met donc en évidence que la structure granulaire initiale du matériau, conditionnée en laboratoire par la méthode de reconstitution choisie a une forte influence sur la réponse du matériau lorsque soumis à un chargement. La méthode de reconstitution par damage humide donne des structures très instables vis-à-vis de la liquéfaction, avec formation d’agrégats et de macropores. Ces résultats sont confirmés par d’autres auteurs : (Vaid et Sivathayalan 2000) ; (Konrad, Flavigny, et Meghachou 1991) ; (Canou et al. 2000) ; (Noureddine Della et al. 2009); (Mulilis et al. 1977) ; (Benahmed, Canou, et Dupla 2007) ; (Benahmed 2001) ; …

Il est à noter néanmoins l’étude réalisée par Zlatovic et Ishihara sur différents sables limoneux, visant à mettre en évidence les effets de la structure initiale sur les différentes phases de la réponse non drainée des matériaux (Zlatovic et Ishihara 1997), et qui ne confirme pas les précédentes conclusions. Ils comparent trois méthodes de reconstitution : le damage humide, la pluviation sèche et la sédimentation dans l’eau. D’après leurs résultats, la méthode de reconstitution n’a pas d’effets significatifs sur la valeur du pic du déviateur des contraintes. Par contre, la méthode de reconstitution, et donc la structure initiale du matériau influence le comportement post pic. Leurs résultats sur du sable du Nevada semblent indiquer, au contraire des auteurs précédemment cités, que la méthode de pluviation sèche donne des structures plus instables que celles obtenues par damage humide (Figure 34). Néanmoins, les résultats qu’ils obtiennent sur un sable limoneux naturel (Lagunillas), prélevé sur une digue à proximité du lac Maracaibo au Venezuela montrent que c’est le damage humide qui provoque un comportement de liquéfaction, avec rupture en écoulement. La pluviation sèche donne une réponse de liquéfaction limitée, tandis que la sédimentation dans l’eau donne un comportement typique de sables dilatants, comme présenté sur la Figure 35.

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Il semble donc que les effets de la méthode de reconstitution varient en fonction du matériau testé. Comme rappelé par Della et ses collègues (N. Della et al. 2009) les effets de la structure initiale sur le comportement non drainé des sables sont complexes, et par conséquent a fait l’objet de nombreuses recherches, sans toujours parvenir à un consensus global et unique.

II.4.2 Paramètres mécaniques