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Chapitre 3 : Une «seigneurie monastique»

3.1 Un parloir seigneurial (1680-1772)

3.1.2 Le paiement des cens et rentes

Ce parloir seigneurial, aussi surprenant soit-il, ne se limite pas aux actes de concession. Au contraire, malgré l’obligation de percevoir les cens et rentes sur la seigneurie31, c’est au monastère de Québec que les Ursulines réclament le paiement. Entre 1680 et 1772, tous les actes mentionnent que le censitaire « leur portera au monastère de St-Joseph » ou, dans quelques cas, à « tout autre endroit qui lui sera indiqué32 ». Toutefois, rien ne prouve qu’un autre lieu ait même existé. Il est possible que les religieuses aient ajouté cette clause par précaution. En ce qui concerne la date de paiement, les religieuses varient entre deux dates, soit le 1er novembre et le 11 novembre. Ainsi, elles maintiennent la tradition de la Saint-Martin d’hiver (11 novembre), qui correspond à la date à laquelle lamajorité des seigneurs reçoivent leurs censitaires33. Dans le cas des Ursulines, il est possible que la variation entre deux dates soit un moyen de ne pas engorger le parloir du monastère.

Contrairement aux actes de concessions, dont le déroulement et les préliminaires demeurent mystérieux, nous avons un peu plus d’informations concernant la récolte des

30 Les servitudes sont ce que les seigneurs se réservent, par exemple le bois, les minerais, etc. que les

censives pourraient contenir. Certaines de ces servitudes sont simplement la contrepartie des exigences du roi à l’égard des seigneurs, notamment en ce qui concerne le bois de chêne pour la construction navale.

31 Benoît Grenier, Brève histoire du régime seigneurial au Québec, op. cit., p. 77.

32Nous n’avons pas trouvé les raisons de l’appellation « monastère de Saint-Joseph », mais il s’agit bel et

bien du monastère de Québec. Considérant que le bateau ayant amené les premières religieuses en Nouvelle-France se nommait le « Saint-Joseph », il est possible que les religieuses aient gardé cette appellation pour leur monastère. Il ne s’agit toutefois que d’une hypothèse que rien ne confirme. BAnQ-Q, m.not. Chambalon, le 13 octobre 1692 : concession des Ursulines de Sainte-Croix à François Biron en la seigneurie de Sainte-Croix.

cens et rentes. Du moins, nous avons trouvé quelques témoignages qui y réfèrent. Par exemple, dans Les Ursulines de Québec: depuis leur établissement jusqu'à nos jours, publié en 1864, les religieuses écrivent qu’« on ne voit plus arriver à la porte du Monastère à la St. Martin, la troupe des chapons vifs en plumes, pieds et poings liés mais gosier libre, et dont la prise de possession par nos Mères devait offrir un spectacle assez curieux34 ». Deux ans plus tard, dans le tome 4 de cette « Histoire », les religieuses font référence aux censitaires de Sainte-Croix, se rappelant qu’elles ont « rencontré avec plaisir, sur nos registres de religieuses converses, de précieux sujets venus de ces quartiers, sujets qui ont grandement contribué par leur dévouement et leurs vertus35 ». Dans un premier temps, ces deux extraits témoignent de la mémoire de la venue de censitaires au monastère pour le paiement de cens et rentes. Dans un second temps, en faisant référence aux registres des sœurs converses, le second extrait témoigne du fait que les recettes sont récupérées par ces dernières. Ces informations, bien qu’intéressantes, doivent toutefois être considérées avec prudence. Il s’agit de témoignages ultérieurs, écrits au XIXe siècle, et l'on ne possède pas de documents formels attestant du paiement des cens et rentes à l’époque donnée. En effet, les sources se contentent généralement d’énumérer les sommes payées ou dues sans faire allusion aux modalités ni aux lieux paiement.

Ainsi, il peut y avoir eu des écarts entre les conditions énumérées dans les actes et la réalité et nous ne pouvons prétendre que tous les censitaires s’y sont présentés. Il est possible que, bien avant 1772, les religieuses aient nommé un délégué chargé de

34 Sainte-Marie (mère), Saint-Thomas (mère) et George Louis Lemoine, Ursulines de Québec depuis leur

établissement jusqu’à nos jours, op. cit., p. 130.

35 Catherine Burke Saint-Thomas (mère) et George Louis Lemoine, Ursulines de Québec depuis leur

récupérer les cens et rentes pour ensuite les acheminer au monastère. Toutefois, aucune mention n’est faite dans les sources consultées…

D’ailleurs, tout comme la concession des terres, cette procédure change vers la fin du XVIIIe siècle. Dans un acte de 1772, il est mentionné que le paiement doit être fait « au jour que lesdits seigneuresses bailleurs feront faire leurs recepte dans ladite seigneurie36 ». La situation se représente en 1786, lorsqu’il est mentionné que les cens et rentes sont « à payer aux dites seigneuresses, à leurs successeurs, ou à leurs officiers37 ». Après cette date, les paiements au monastère ne semblent plus être une option. Les actes qui suivent font alors référence à des « receptes », des officiers et même, le 10 avril 1797, à un manoir seigneurial38. Toutefois, nous n’avons trouvé aucun autre document qui fait référence à un manoir. Il est possible que les religieuses fassent référence à la maison d’un procureur, d’un habitant de confiance ou autre, qui serait considéré comme tel. Il est également possible que le lieu exact ait été établi verbalement ou crié à la sortie de l’église.

L’étude des actes de concessions, ainsi que d’autres documents connexes, permet de constater que les religieuses s’intéressent et s’impliquent dans leur seigneurie de Sainte-Croix. Pour ce faire, elles mettent en place des solutions qui permettent d’allier leur rôle de moniales à celui de seigneuresses. Grâce au « parloir seigneurial », elles répondent au rôle seigneurial qui leur revient, tout en respectant la nature de leurs conditions monastiques.

36 AMUQ, Acte de concession de Joseph Hamel à François Legendre pour les Ursulines de Québec, Fonds

temporel des Ursulines de Québec, PDQ/PQ/MQ/ 1N /3, 4, 2, 2, 23 — Gestion des terrains, 25 janvier 1772.

37 Ibid.

38 AMUQ, Acte de concession des Ursulines à Antoine Boucher, Fonds temporel des Ursulines de