• Aucun résultat trouvé

PACM et effluents papetiers

Dans le document en fr (Page 88-92)

Chapitre I: Contexte scientifique

I. 3.10.2.4 Cas des PACMs

I.3.13. PACM et effluents papetiers

La France est le cinquième producteur mondial de pâte à papier. Il existe en France une centaine d’usines qui produisent de la pâte à papier, ou encore diverses sortes de papiers et cartons. Parmi ces usines, 34 utilisent exclusivement des fibres vierges issues du bois, mais pour des besoins de respect de l’environnement, de plus en plus d’usines se tournent vers le

recyclage de déchets papetiers. En effet, pour produire leur pâte à papier, 34 usines en France utilisent exclusivement des fibres recyclées alors que 29 utilisent un mélange de fibres vierges et recyclées ce qui fait une moyenne de 60% de papeteries en France qui ont intégré la notion de recyclage dans leur production.

De la gestion des forêts au renforcement des normes de rejets, l’industrie papetière est l’un des secteurs les plus concernés par la préservation de l’environnement. A travers une utilisation intensive de l’eau, les impacts environnementaux des rejets par ces usines dans les milieux naturels peuvent être importants. En effet, la production du papier nécessite de grandes quantités d’eaux pour extraire des différentes matières premières (bois, fibres recyclées…), les fibres de cellulose nécessaires à la formation de la pâte à papier, mais aussi pour le processus de fabrication du papier en lui-même. On observe néanmoins en fonction du type de papier produit des disparités au niveau des consommations d’eau et de leur degré de pollution en fin de processus. Ainsi, la production du papier pour ondulé consomme 1 à 12 mètres cubes d’eau avec une forte concentration des rejets en fin de processus de 25 à 35 kg de DCO par tonne de papier. Les papiers couché, journal et emballages krafts quant-à eux consomment 10 à 20 mètres cubes d’eau avec 5 à 12 kg en DCO/tonne. Les gammes les plus élevées de 20 et 40 mètres cubes d’eau consommée avec une plus faible pollution des rejets entre 7 et 15 kg de DCO/tonne de papier produit sont observées avec les papiers tissus et pour impression. Cette DCO provient notamment de la décomposition de polysaccharides tels que l’amidon, les hémicelluloses ou la cellulose, ainsi que des additifs (liants, agents de collage et de rétention…) utilisés lors du processus de fabrication du papier. Les effluents en fin de processus vont ainsi contenir des composés organiques solubles ou insolubles plus ou moins biodégradables.

Il existe un large éventail de procédés utilisés actuellement pour le traitement des effluents papetiers: biofiltration, lagunage aéré, lit bactérien, boues activées, méthanisation… Le choix d’une méthode plutôt qu’une autre par une usine dépend de la concentration de ses effluents. Ces méthodes sont très efficaces car elles permettent des abattements en demande biochimique en oxygène (DBO) entre 90 et 99%. Les méthodes les plus répandues pour le traitement des effluents papetiers sont celles par boues activées et par méthanisation. Comme évoqué plus haut (Cf paragraphe I.3.12.2.), dans le premier cas l’aération consomme beaucoup d’énergie, entre 1 et 2 kW par mètre cubes d’effluent traité, et génère en fin de processus des volumes de boues importants qui induisent des coûts supplémentaires pour leur traitement et leur élimination. Dans ce processus, les micro-organismes contenus dans les effluents responsables de l’épuration utilisent l’essentiel de l’énergie issue de la dégradation des molécules organiques pour leur division cellulaire. Il serait intéressant de récupérer une partie de cette énergie pour d’autres utilités. La méthanisation permet d’obtenir du méthane comme biogaz réutilisable après traitement pour la production d’énergie thermique (vapeur de sécherie), mais sa conversion en électricité via la combustion n’est pas très efficace (He et al. 2008). De plus, elle n’est applicable qu’aux effluents très concentrés (Huang et al. 2009).

Avec le développement du recyclage de vieux papiers et la diminution de l’utilisation d’eau fraîche, les eaux de procédé sont de plus en plus concentrées en matières organiques et en micro-organismes, ce qui est propice à la formation de biofilms dans les installations. L’industrie papetière doit ainsi faire face à de sérieux problèmes de formation de biofilms sur les machines, avec comme conséquences à redouter la diminution de la qualité du papier, des taux de production et de la durée de vie des équipements due à la biocorrosion (Kolari et al. 2001; Kolari et al. 2003). Pour venir à bout de ces problèmes, les industriels sont à la recherche de méthodes plus efficaces et moins coûteuses de traitement des effluents en amont afin de réduire la formation des biofilms.

Toutes les raisons citées ci-dessus ont conduit les chercheurs à réfléchir à l’opportunité qu’offre la technologie PACM pour le traitement des effluents papetiers. Elle permettrait de réduire les besoins énergétiques nécessaires par exemple dans le cas des traitements biologiques aérobies. Huang et Logan (2008b) ont été les premiers à utiliser les effluents papetiers dans des PACMs. Ils ont obtenu pour des cycles d’alimentation fed-batch de 500 h, en utilisant le surnageant d’un effluent provenant d’un décanteur primaire comme seul inoculum et substrat, une puissance de 144 mW/m2 ; cette valeur passait à 672 mW/m2 lorsque l’effluent était complété avec 100 mM d’une solution tamponnée de phosphate pour améliorer sa conductivité (Huang et Logan 2008b). Les mêmes auteurs, en 2009, avec le même effluent mais avec un mode d’alimentation continu, ont obtenu une densité de puissance maximale de 210 mW/m2 pour un temps de rétention hydraulique (TRH) de 6 heures (Huang et al. 2009).

Mathuriya et Sharma en 2009 ont utilisé les effluents papetiers dans un système de PACM à deux compartiments avec de l’oxygène dissous dans une solution tamponnée de phosphate (100 mM) à la cathode. Ils ont réalisé deux études : la première utilise à l’anode, deux souches bactériennes du genre Clostridium (Clostridium acetobutylicum et thermohydrosulfuricum) cultivées dans des milieux très chargés avec la cellulose comme substrat. Les auteurs comparent différents scénari de complémentations de l’effluent avec différents substrats et médiateurs. Lorsque l’effluent brut dilué 4 fois avec de l’eau distillée est utilisée comme seul substrat, ils obtiennent entre 4,26 et 4,91 mA de courant (la surface des électrodes n’est pas précisée) (Mathuriya et Sharma 2009b). Dans la seconde étude, avec le même système les auteurs comparent les performances de différents effluents industriels, dont l’effluent papetier, complémentés avec 1g/L de glucose. Dans ce cas, l’effluent papetier présente les plus faibles résultats à savoir 1,6 A/m2 de densité de courant et un abattement de DCO de 48%. Les auteurs attribuent cette faible performance à la présence de cellulose qui n’est pas facilement biodégradable (Mathuriya et Sharma 2009a).

Plus récemment en 2011, deux études ont été réalisées avec les effluents papetiers dans des systèmes de pile à deux compartiments utilisant de l’hexacyanoferrate à la cathode. Patil et al (2011a) comparent la génération d’électricité en fonction de différentes sources d’effluents dont un effluent papetier. Le biocatalyseur est une culture pure d’Enterobacter aerogens. Les auteurs obtiennent 22,35 mA/m2 et 27 mW/m2 lorsque l’effluent papetier est

utilisé seul. Les performances n’évoluent pas plus avec l’addition de différents médiateurs : 24,26 mA/m2 et 34,604 mW/m2 avec le rouge neutre et 28,12 mA/m2 et 42,65 mW/m2 avec le bleu toludine (Patil et al. 2011a). Kassongo et Togo (2011), utilisent le même système avec une espèce bactérienne différente (Enterobacter cloacae) et obtiennent 24 mW/m2 avec l’effluent papetier brut et 13 mW/m2 avec l’effluent additionné de la culture bactérienne (Kassongo et Togo 2011).

Toutes ces études présentent des performances en densités de courant ou de puissance assez faibles lorsque l’effluent papetier est utilisé comme seul substrat et inoculum. Les systèmes les plus réalistes d’un point de vue de traitement d’effluent sont les systèmes de Huang et Logan dans lesquels ils utilisent une cathode à air, mais les densités de puissance restent faibles: 144 mW/m2 en batch et 210 mW/m2 en alimentation continue (Huang et Logan 2008a, b).

Par rapport aux mécanismes mis en jeu, les PACMs pourraient être en concurrence directe avec la méthanisation car les deux procédés permettent de récupérer de l’énergie du traitement de l’effluent, mais la PACM pourrait être appliquée aux effluents faiblement concentrés.

Conclusion

La seule application actuelle de la technologie PACM au-delà du cadre du laboratoire concerne les PACMs exploitant les sédiments marins pour alimenter en énergie des dispositifs de contrôle électronique (Lovley 2008). Les PACMs présentent des avantages opérationnels et fonctionnels par rapport aux technologies classiques car elles permettent un pourcentage de conversion élevé de l’énergie chimique contenue dans le substrat en électricité. Elles opèrent à température ambiante, n’ont pas besoin d’une aération forcée, l’apport d’O2 étant réalisé de façon passive, ont un potentiel d’application dans des zones qui

manquent d’infrastructures électriques et peuvent aussi opérer avec divers combustibles partant des carbohydrates simples tels que l’acétate ou le glucose jusqu’aux plus complexes tels que l’amidon (Mathuriya et Sharma 2009a). De nombreuses souches bactériennes ont été citées dans la littérature comme étant électro-actives, celles qui reviennent le plus souvent sont : Geobacter, Schewanella et desulfuromonas. Une récente revue publiée en 2009 récence les principales souches électro-actives connues (Logan 2009). Les métabolismes de ces micro-organismes ne sont pratiquement pas étudiés.

Les PACMs pourraient ouvrir des opportunités pour le traitement des effluents des usines de production de papier mais les performances obtenues jusqu’à présent dans ce cas restent faibles. Le challenge serait donc d’essayer d’améliorer ces performances.

Dans le document en fr (Page 88-92)

Documents relatifs