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Les piles à combustible microbiennes (PACMs)

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Chapitre I: Contexte scientifique

I. 3. Les piles à combustible microbiennes (PACMs)

I.3.1. Historique (Schroder 2007; Davis et Higson 2007).

Luigi Galvani fut le premier, en 1790, à noter que les pattes de grenouille étaient capables de se crisper sous l’action d’une excitation électrique. Cette découverte a mis en évidence le fait que certains processus biologiques présentaient des facettes bio- électrochimiques ou encore qu’une action électrique était capable d’induire une réaction biologique. Le botaniste Michael Cresse Potter a découvert en 1911 qu’une électrode de platine placée dans des cultures de levures ou d’Escherichia coli était capable de générer une force électromotrice ou une différence de potentiel (Potter 1911). Dans cette communication, Potter arrive à la conclusion que de l’énergie électrique peut être libérée de la désintégration microbienne des composés organiques. Cette observation a été confirmée 20 ans plus tard en 1931 par l’équipe de Cohen à Cambridge qui a développé des batteries à combustible microbiennes en série capables de générer des tensions de plus de 35 V. Bien que ces publications puissent être considérées comme pionnières de la naissance des PACMs, ce n’est que dans les années 60 que le développement des piles à combustible microbiennes s’est accentué lorsque la NASA s’est intéressée à la transformation des déchets organiques en électricité pour ses vols spatiaux. En 1963 les premières piles à combustibles microbiennes furent commercialisées en tant que sources d’énergie dans des radios et appareils en mer, mais les puissances obtenues restaient faibles. Elles furent donc abandonnées car le coût des énergies fossiles était faible et la complexité des processus bio-électrochimiques mis en jeu fut était frein à la compréhension des phénomènes. Pendant ce temps, d’autres technologies de production d’énergies alternatives telles que le photovoltaïque avançaient rapidement.

Au début des années 2000, la pile microbienne a connu un nouvel essor avec les travaux de chercheurs de l’Université du Massachusetts qui ont utilisé un dispositif constitué d’une électrode immergée connectée à une seconde enfouie dans les sédiments marins (Reimers et al. 2001). Ils se sont rendu compte au bout de quelques semaines qu’un courant électrique était créé entre les deux électrodes. Leur ingéniosité a consisté à démontrer que le flux d'électrons était généré par la présence de micro-organismes formant un biofilm sur l'anode. Ces derniers étaient capables d'oxyder des déchets organiques contenus dans les sédiments en évacuant les électrons à l'électrode. En d'autres termes, ces micro-organismes réalisaient une catalyse semblable à celle qui exige dans les piles à combustibles classiques la présence de métaux très coûteux (Tender et al. 2002). De nombreuses recherches se sont dès

lors orientées vers l’utilisation des bactéries sous forme de biofilms pour la catalyse des réactions aux anodes (Shukla et al. 2004; Rabaey et Verstraete 2005; Logan et Regan 2006b; Lovley 2006a; He et Angenent 2006; Watanabe 2008)

Dans le même temps, au sein du Laboratoire de Génie Chimique (CNRS – Université de Toulouse) en collaboration avec le Commissariat pour l’Energie Atomique (CEA) de Saclay, des chercheurs étudiaient la bio-corrosion d'aciers inoxydables en mer. Ils se sont aperçu qu'en favorisant les phénomènes de corrosion induits par les micro-organismes, ils arrivaient à catalyser cette fois une réaction de cathode: la réduction de l’oxygène (Bergel et Féron 2002)

Dans les deux cas, les recherches menées de façon totalement indépendante ont abouti à une véritable avancée scientifique: la découverte que des micro-organismes adhérés à des surfaces conductrices sont capables de connecter leur métabolisme à ces surfaces.

Ces micro-organismes peuvent oxyder une grande variété de molécules organiques, en produisant de l’énergie utile pour leur croissance et le maintien de leur métabolisme. Leur utilisation dans les piles à combustible microbiennes (PACMs) transforme une partie de cette énergie en électricité. On peut par conséquent utiliser comme combustible des PACMs toute sorte de matières organiques des plus simples (glucose, acétate, carbohydrates…) aux plus complexes (cellulose, mélasses…) mais aussi des déchets organiques contenus dans les eaux des stations d’épuration, des déchets agricoles (laiteries, lisiers…), des déchets domestiques et tout type de substrats fermentescibles. Les PACMs permettraient d’assurer une double fonction: produire de l’électricité tout en intensifiant les procédés de traitement des effluents par accélération de la dégradation de la matière organique.

Les PACMs présentent en outre plusieurs intérêts:

les micro-organismes contenus dans l’inoculum remplacent les catalyseurs minéraux aux électrodes souvent relativement chers;

le rendement de conversion de l’énergie chimique contenue dans le substrat en électricité peut être élevé;

les réactions aux électrodes ont lieu à température ambiante;

l’énergie est obtenue en une seule étape avec si la conversion est totale et le rendement se rapproche de 100%, production du dioxyde de carbone à la fin de la réaction de dégradation du substrat. Ce qui n’est pas le cas avec par exemple la méthanogénèse pour laquelle l’énergie est obtenue en deux étapes. En effet, une étape supplémentaire de combustion du méthane produit à la fin de la dégradation du substrat est nécessaire;

la cathode pouvant être passivement aérée dans le cas des piles à oxygène, cette technologie ne nécessite pas d’apport d’énergie pour l’aération;

cette technologie permet l’utilisation de divers substrats comme combustibles allant des composés purs aux substrats plus complexes.

I.3.2. Principe de fonctionnement des PACMs

Le principe de fonctionnement des PACMs offre une nouvelle opportunité pour la production durable d’énergie. Les PACMs peuvent être définies comme des dispositifs électrochimiques qui utilisent l’action catalytique des bactéries organisées en biofilms pour réaliser l’oxydation de composés organiques ou inorganiques en produisant du courant électrique (Manohar et al. 2008; Logan et al. 2006; Schroder 2007). Ces bactéries sont qualifiées d’exo-électrogènes car elles sont capables de transférer des électrons hors de leurs cellules (Oh et al. 2009).

Les PACMs peuvent être complètement microbiennes lorsque la catalyse des réactions aux deux électrodes se fait grâce à des micro-organismes (Figure 4–A) ou semi- microbienne dans le cas où la catalyse à la cathode est réalisée par des catalyseurs minéraux (Figure 4-B).

Très souvent une membrane échangeuse de protons est utilisée (Nafion®) pour séparer l’anolyte 3du catholyte et pour servir de barrière à toute autre substance que les protons (Rabaey et al. 2006). A la surface de la cathode les électrons et les protons se combinent à l’oxygène pour former de l’eau. Souvent une cathode abiotique est mise en œuvre avec des particules de platine comme catalyseur (Mathuriya et Sharma 2009b). D’autres accepteurs finaux d’électrons que l’oxygène tels que l’hexacyanoferrate ou le manganèse (IV) peuvent être utilisés (Logan et al. 2006).

A B

Figure 4: Schémas de piles à combustible. A: totalement microbienne, B: semi-microbienne anodique.

3

Dans les paragraphes qui suivent, nous présentons le principe et les différents mécanismes associés à l’anode microbienne (bioanode) ainsi que le principe des différentes cathodes microbiennes (biocathodes) ou abiotiques qui sont utilisées.

I.3.3. Les bioanodes

La dégradation d’un substrat organique à l’anode entraîne la libération de protons et d’électrons. Par exemple, en considérant l’acétate comme substrat:

− + − + H O CO + H + e

COO

CH3 2 2 Biofilmsélectroactifs 2 2 7 8 Équation 3

Les électrons sont transférés à la surface de l’anode puis circulent à travers le matériau conducteur jusqu’à la cathode via le circuit électrique externe.

I.3.3.1. Mécanismes de transfert d’électrons vers l’anode (Lovley 2006a; Schroder 2007)

Les micro-organismes oxydent différents substrats en produisant des électrons à l’intérieur de leurs cellules. Ces électrons sont ensuite utilisés dans une cascade de réactions via la chaîne de respiration jusqu’au dernier échange avec l’accepteur final d’électrons extracellulaire. Communément il est admis que cet accepteur d’électrons est une molécule soluble comme peut l’être l’oxygène, mais également des acides organiques, des ions minéraux tels que les nitrates, les sulfates ou encore des oxydes métalliques.

I.3.3.1.1. Oxydation abiotique de composés issus du métabolisme bactérien

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