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P REMIER TITRE U NE ARBITRABILITÉ SUBJECTIVE SANS

Première partie L’arbitrabilité des contrats publics doit-elle être sans limites ?

P REMIER TITRE U NE ARBITRABILITÉ SUBJECTIVE SANS

LIMITES

?

80. Un principe constitutionnel colombien établit que les autorités publiques ne peuvent faire que ce que la loi et la constitution les autorisent à faire.196 L’Etat et l’administration ont besoin d’une autorisation préalable de la loi pour soumettre un litige à l’arbitrage. C’est une règle de capacité nécessaire à la validité de la convention d’arbitrage.197

81. Les notions de capacité et de compétence en matière de contrats

publics. Peut-on parler de capacité des personnes morales de droit public ? La

capacité n’est-elle pas réservée aux personnes physiques ? Selon que l’on s’intéresse aux personnes morales de droit privé ou aux personnes morales de droit public, l’on se réfère au concept de représentation ou de compétence. Les personnes morales, en tant que fiction juridique, ont besoin de personnes physiques qui agissent pour elles. Ainsi, une société a besoin d’un représentant légal et les collectivités publiques de fonctionnaires ou d’élus.

Kelsen définit la capacité d’action comme «l’aptitude d’un individu à provoquer par sa conduite des effets de droit. Etant donné que l’on ne peut pas entendre par là des « effets » au sens causal, on devrait dire que la capacité d’action consiste dans la faculté conférée par l’ordre juridique à un individu de provoquer par sa conduite des conséquences de droit, c'est-à-dire les conséquences que l’ordre juridique attache à cette conduite. »198

196 Constitution. Article 6 : Les particuliers ne sont responsables devant les autorités que pour avoir

enfreint la constitution et la loi. Les fonctionnaires publics sont aussi responsables pour la même cause ainsi que pour dépasser ou omettre l’étendue de leurs fonctions.

Constitution. Article 121 : Aucune autorité ne peut exercer de fonctions différentes à celles qui lui sont attribuées par la constitution et la loi.

197 BERNARD HANOTIAU. L'arbitrabilité et la favor arbitrandum: un réexamen, Journal du droit

international privé, 4, 899 - 966 (1994). Spéc. p.899.

Le dictionnaire de droit administratif définit la compétence comme « l’habilitation légale à agir pour les autorités administratives ou à trancher un litige pour les autorités juridictionnelles. La compétence des autorités administratives pour élaborer des actes unilatéraux, conclure des contrats est, en principe, préalablement déterminée par des textes législatifs ou réglementaires. Plus exceptionnellement, certaines dispositions constitutionnelles définissent les compétences des autorités administratives les plus importantes […] ».199

Alain Lefoulon explique que si la capacité civile est une « capacité pour soi » et est

propre aux personnes physiques en droit privé, la compétence est une capacité reconnue aux organes d’une personne morale. Dès lors, la notion de compétence n’a rien de spécifique au droit administratif. C’est une notion commune à l’étude et au fonctionnement des personnes morales, qu’elles soient publiques ou privées.200 Florian Linditch explique que « capacité et compétence coexistent et concourent

à former la situation juridique des personnes morales de droit public, et le droit de passer des contrats, celui de posséder un domaine, celui encore d’agir en justice sont difficilement explicables par le recours à la seule notion de compétence. »201 Ainsi, « loin d’être une notion subsidiaire en droit public, au motif que la matière serait dominée par la notion de compétence, la capacité juridique vient s’inscrire au tout premier plan des vecteurs de l’action administrative ».202

82. Pour Kelsen, les notions de capacité et de compétence ont en commun d’être des habilitations.203 En effet, les règles de compétence sont fixées par l’Etat lorsqu’il distribue les tâches administratives aux différentes autorités administratives. Ainsi, le cocontractant de l’administration, personne publique ou privée, et le fonctionnaire ou le représentant de l’entité publique qui stipule la convention d’arbitrage doivent être capables de compromettre. Cette capacité de

199 AGATHE VAN LANG. GENEVIÈVE GONDOUIN. VÉRONIQUE INSERGUET-BRISSET.

Dictionnaire de droit administratif (Armand Colin - Dalloz 1999). p. 65.

200 ALAIN LEFOULON. La notion de compétence des agents administratifs en droit français Thèse

doctorale, Rennes, (1970). Spéc. n°22. Cité par NORBERT FOULQUIER. Les droits subjectifs des

administrés. Emergence d'un concept en droit administratif français du XIX au XX siècle, Paris, Dalloz. (2003). p. 477.

201 FLORIAN LINDITCH. Recherche sur la personnalité morale en droit administratif, Paris, L.G.D.J.

(1997). p. 185.

202Ibidem. p. 203.

la personne publique s’apprécie par rapport à l’autorisation légale préalable de l’entité publique à compromettre ainsi que de la compétence du fonctionnaire pour stipuler la convention d’arbitrage.

83. Le rôle de l’administration et de l’Etat en matière d’arbitrage. A

travers la convention d’arbitrage, les parties au litige décident librement d’écarter la compétence des juges étatiques pour se soumettre à la justice arbitrale. Or, si l’administration et l’Etat peuvent compromettre, c’est bien l’Etat qui définit le régime juridique de l’arbitrage. Pour autant, quand l’Etat décide de se soumettre à l’arbitrage, il n’agit pas en tant qu’Etat souverain. La notion que nous retiendrons pour l’Etat est donc celle de personne morale de droit public titulaire de droits et d’obligations.204 En droit interne elle se présente sous la forme de l’administration publique et en droit international comme sujet du droit international. La notion d’Etat souverain – puissance publique ne serait pas pertinente car l’Etat souverain est le créateur de l’ordre juridique,205 tandis que l’Etat – administration206 se soumet aux juridictions et à l’autorité des lois.

204 « Les rapports logiques entre les concepts d’Etat et d’Administration n’en sont pas moins délicats à préciser. Ceci tient au fait que, à la différence des organes d’une société commerciale, ceux de l’Etat constituent eux-mêmes une personne morale. D’où le paradoxe : l’Etat et l’Administration sont tous deux des personnes morales, et pourtant ces personnes, dont l’une est constituée de l’ensemble des organes de l’autre, ne sont pas vraiment distinctes l’une de l’autre : elles ne pourraient pas par exemple contracter l’une avec l’autre. L’explication semble résider dans le fait qu’elles ne sont pas considérées comme des personnes par le même ordre juridique : l’administration est une personne morale dans le droit de l’Etat, et n’a pas de rôle propre dans le domaine international ; l’Etat est une personne morale en droit international public mais ne peut jouer un rôle en droit interne puisqu’il est le créateur de celui-ci (Kelsen dirait : puisqu’il est le droit interne). PIERRE MAYER. La neutralisation du pouvoir normatif de l'Etat en matière de contrats d'Etat, Journal

du droit international, 5- 78. (1986). Note n° 7, p. 10.

205 Voir HANS KELSEN, Théorie pure du Droit. Op. cit. Etat : ordre juridique – Etat : personne juridique.

p. 281-310.

206 Pierre Mayer explique ce phénomène dans les termes suivants : « Dans la sphère interne, le concept opératoire est celui d’Administration ; c’est cette dernière qui entre en rapport juridique avec les particuliers, et qui constitue le sujet du droit administratif – et parfois le sujet du droit privé, lorsqu’elle agit iure gestionis. […] La distinction de l’Administration et de l’Etat permet, dans la sphère interne de résoudre le problème classique de l’« autolimitation » de l’Etat. Le droit qui régit les rapports entre l’Administration et les personnes privées ne saurait émaner de l’Administration et les personnes privées ne saurait émaner de l’Administration ; une règle ne peut en effet être dite juridique que si elle est hétéronome par rapport à ceux auxquels elle s’applique. Mais, l’administration est soumise, comme les personnes privées, au droit qui émane de l’Etat » Op. cit. p.10.

84. La notion d’arbitrabilité subjective s’est développée en raison de la participation des Etats et de ses démembrements à des procédures d’arbitrage. Compte tenu de l’attribution de la personnalité morale aux organes de l’Etat, des personnes publiques distinctes de l’Etat ont été condamnées par des sentences arbitrales internationales à indemniser des cocontractants étrangers. Compte tenu de la faible capacité économique des entités condamnées ainsi que de leur désir d’échapper à la condamnation proférée par le tribunal arbitral, les créanciers de ces personnes morales de droit public ont assumé différentes positions afin d’obtenir une indemnisation devant les juridictions internes. Cette situation a donné lieu, d’abord, aux solutions jurisprudentielles et légales (premier chapitre), et ensuite, aux conventions internationales (deuxième chapitre).

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