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5 LES ÉLÉMENTS PROPOSÉS PAR LA RÉFORME

5.3 Le pôle social

Depuis plus d’une année maintenant, le monde se trouve dans la tourmente de la crise économique (Radio-Canada.ca, 2009c). Cependant, dans tout ce tourbillon de dollars qui s’envolent, emportant même les géants de la finance avec la faillite de trente-deux banques seulement pour 2009, il y a aussi la crise forestière (Radio-Canada.ca, 2009c). Cette dernière crise, elle aussi prévisible depuis fort longtemps (CÉGFPQ, 2004), risque non seulement d’emporter d’autres géants, tels qu’AbitibiBowater, mais aussi des milliers d’emplois de travailleurs qui eux, n’avaient pas de siège à Wall Street. Ces travailleurs opéraient néanmoins l’un des cœurs économiques du monde (Radio-Canada.ca, 2009d; MRNF, 2008b).

Il est facile de l’oublier, mais le but de la réforme et d’assurer un maintien de l’intégrité des écosystèmes est aussi de préserver, à long terme, des dizaines de milliers d’emplois. En somme, rétablir une paix sociale entre les acteurs de la forêt et la population du Québec (MRNF, 2008d).

5.3.1 Améliorer la reconnaissance des compétences et la valorisation des emplois forestiers

Avec 131 000 travailleurs dans le secteur des produits ligneux seulement, l’importance du maintien des emplois actuels est bien sûr un enjeu primordial (MRNF, 2008b). Cependant, préserver ces emplois dans une optique de court terme, sans mettre en œuvre des mesures afin de reconnaître la valeur et l’apport des travailleurs et professionnels de la

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forêt à la société, ne permettrait probablement pas de remplir les écoles de formation et d’assurer une relève suffisante.

L’un des moyens pour reconnaitre la valeur des travailleurs serait de sécuriser leurs emplois. Sur ce point, le document de travail propose de stabiliser une bonne partie des volumes ligneux de la grande entreprise par des garanties d’approvisionnement, ainsi que le maintien d’un volume entre 25 000 et 100 000 m3 pour les petites et moyennes entreprises. Ainsi, l’État désire sécuriser les entreprises de transformation et leurs créanciers, permettant le maintien de leur développement, ou à tout le moins, la persévération de leurs activités.

Avec les volumes non garantis, le gouvernement souhaite la création d’un Bureau de mise en marché des bois (BMMB) qui aurait comme mission l’établissement du juste prix des bois et d’autres produits forestiers. Pour cela, le Bureau effectuerait la mise en vente d’un volume adéquat et représentatif de la diversité des produits forestiers sur des marchés libres et compétitifs. Aussi, bien que le document de travail ne se prononce que peu sur les volumes qui seraient mis en marché, l’étude de Del Degan Massé Experts-Conseils (2008) a évalué qu’à la lecture stricte du livre vert (MRNF, 2008d), 13 % des volumes publics seraient disponibles pour le marché libre. Ainsi, ce volume permettrait à de nouvelles entreprises d’avoir accès aux bois de la forêt publique, permettant davantage d’innovation et par conséquent, la création d’emplois.

Au-delà des travailleurs, il y a aussi les professionnels de la forêt, ceux qui effectuent la planification stratégique et opérationnelle. Ainsi, depuis plusieurs années, l’OIFQ (2008a) demande que les ingénieurs forestiers aient davantage de responsabilités à l’égard des différents diagnostics qu’ils doivent poser. Cela permettrait plus d’adaptabilité les pratiques d’aménagement et reconnaitrait les compétences des professionnels à l’égard de la gestion des territoires forestiers. En somme, l’OIFQ et plusieurs autres demandent la GPOR (voir le chapitre 3). Sur ce volet, le document de travail propose la création des SAF, qui adapteraient au contexte local pour une période de cinq ans les orientations, objectifs et cibles régionales et nationales de la SADF. Les SAF auraient aussi le mandat de la planification opérationnelle et de l’attribution de contrats d’aménagement forestier à des entreprises certifiées ou respectant un SGE. En somme, le MRNF déléguerait des responsabilités aux aménagistes, qu’ils soient dans les CRRNT ou les SAF.

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Cependant, pour que la délégation de gestion soit acceptée par le public, dont le niveau de confiance à l’égard des aménagistes et du gouvernement est plutôt bas, il faut que ces acteurs des forêts soient imputables de leurs actes. Ainsi, le document de travail souligne que les SAF devraient effectuer le suivi des travaux sylvicoles réalisés par les entreprises d’aménagement, et exiger des correctifs si les résultats ne sont pas conformes aux objectifs. De plus, sur une base annuelle, les SAF auraient à rendre des comptes à l’Assemblée nationale et au Vérificateur général par le dépôt d’un bilan des opérations d’aménagement incluant un rapport de vérification d’un organisme indépendant sur la certification ou le SGE en ADF.

Il faut aussi souligner que la notion de possibilité serait modifiée afin de ne plus calculer des volumes absolus, mais plutôt des volumes théoriques par superficie. Ainsi, les entreprises d’aménagement n’auraient plus à récolter des volumes, mais à aménager des superficies.

5.3.2 Favoriser l'intégration des communautés et des individus aux processus de gestion

Au cours des dernières décennies, l’utilisation des forêts s’est diversifiée et le nombre d’usagers de la forêt a grandement augmenté (CÉGFPQ, 2004). Ainsi, gérer les forêts afin d’accroître le rendement ligneux pour l’industrie de la transformation ne peut plus être la seule voie envisageable. Tous les utilisateurs doivent être considérés dans une optique d’harmonisation et de GIR, incluant les différentes communautés qui vivent de la forêt, l’industrie du tourisme, du plein air et surtout, les Premières nations.

Ici aussi, le MRNF mise sur l’adaptation de la Stratégie d’aménagement durable des forêts (SADF) par les SAF, dont la mission inclurait la gestion intégrée. Il faut aussi souligner que deux des critères d’aménagement durable du CCMF (2003), qui seraient intégrés à la SADF, touchent l’harmonisation par la prise en compte des enjeux sociaux, dont deux sous-critères sur les droits et connaissances des communautés autochtones.

Toujours sur les Premières nations, le MRNF s’est engagé à ne pas régionaliser dans un but de se délester de ses obligations de consultation envers les Autochtones. Aussi, un membre autochtone siégerait au sein du conseil d’administration de chaque SAF.

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De plus, sur l’administration des Sociétés d’aménagement, il faut ajouter que quatre membres du milieu régional et d’un membre de la Table régionale de la faune siégeraient à ces conseils.

Concernant l’harmonisation d’usages en contradiction, tels que les activités d’observation de la faune et la coupe forestière, le gouvernement délimiterait un zonage de la forêt, avec différents niveaux d’intensité d’aménagement forestier.

Ainsi, le territoire forestier productif se verrait découper en zones destinées à la production ligneuse et d’autres non destinées à cette fin. De plus, les zones de productions intégreraient des zones de sylviculture intensive (ZSI) (voir la figure 5.2). Aussi, afin de délimiter adéquatement les ZSI, le Ministère consulterait différents organismes et demanderait aux Conférences régionales des élus de se prononcer sur le choix des zones où le rendement ligneux serait priorisé. Parallèlement, le MRNF créerait des forêts de proximité dont l’objectif serait le développement de projets socioéconomiques locaux ou régionaux. Aussi, il semble que la gestion de ces derniers territoires se verrait déléguée aux régions, localités, communautés autochtones ou personnes morales.

Aussi, il est important de souligner que lors de la commission parlementaire d’octobre 2008 (Commission de l'économie et du travail, 2008), Mme Julie Boulet, alors la ministre intérimaire du MRNF, avait ouvert la porte à des audiences publiques sur la future

Stratégie d’aménagement durable des forêts (SADF). Ainsi, le Bureau des audiences

publiques en environnement (BAPE) devrait réaliser une consultation nationale sur les orientations, objectifs et cibles de la SADF.

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Figure 5.2 : Découpage du territoire forestier québécois

5.3.3 Promouvoir l'éducation et la formation des individus et des communautés

La commission Coulombe (2004) et le Sommet sur la forêt (SASFQ, 2007a) l’avaient souligné, une réforme passe par l’éducation et la responsabilisation du public, ainsi que sur une main-d’œuvre adéquatement formée aux bonnes pratiques environnementales.

Ainsi, l’enseignement aux plus jeunes permet d’introduire en eux un intérêt pour les forêts. Un intérêt permettant plus tard une relève de la main-d’œuvre et des professionnels. Aussi, la vulgarisation de l’information sur la gestion et la mise en valeur des forêts pourrait assurer une réconciliation de la population avec les acteurs forestiers. Finalement, il ne faut pas négliger la responsabilisation des Québécois à l’égard de la consommation responsable, particulièrement en ce qui a trait aux produits forestiers certifiés.

Sur ce volet de l’éducation, le Ministère mise sur la SADF et l’intégration des critères du CCMF (2003), où deux indicateurs touchent l’information du public, sa sensibilisation et

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son taux de satisfaction à l’égard de la gestion. De plus, dans un cadre de GIR, les Sociétés d’aménagement (SAF) devraient établir un processus de consultation du public en supplément de la concertation des acteurs des milieux régionaux et locaux.

Concernant la formation des travailleurs, il faut soulever que les SAF ne devraient accorder les contrats d’aménagement qu’à des entreprises certifiées ou qui intègreraient un système de gestion environnementale (SGE). De plus, les SAF s’assureraient que les aménagements effectués sont conformes aux objectifs et cibles. Ainsi, les entreprises auraient avantage à bien former leurs employés sur les bonnes pratiques en matière d’aménagement durable des forêts et d’approche écosystémique.

De plus, le gouvernement favoriserait les entreprises les plus innovantes pour l’octroi de nouvelles garanties d’approvisionnement après 2013. Aussi, l’innovation passe souvent par la formation de la main-d’œuvre.