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Démonstration et définition du concept retenue

3 ORIGINES ET DÉFINITIONS DE CONCEPTS CLÉS

3.2 L’approche d’aménagement écosystémique

3.2.4 Démonstration et définition du concept retenue

Les éléments discutés dans les sous-sections 3.2.1 à 3.2.3 concernaient des définitions générales du concept d’aménagement écosystémique. Aussi, il est important de souligner que ce concept n’est pas apparu subitement. Il provient d’une longue réflexion des spécialistes en écologie forestière (Gauthier et al., 2008).

En effet, dans les années 1930, les experts reconnaissaient déjà l’importance de préserver une diversité d’habitats afin de maintenir la diversité de la faune. Au fil des années, le concept d’écosystème a évolué pour intégrer à la définition d’habitat, en plus des communautés de végétaux et d’animaux, l’eau, l’air et les sols, ainsi que le dynamisme de leurs relations dans le temps et à différentes échelles spatiales (Gauthier et al., 2008).

L’introduction de tous ces éléments au concept d’habitat était nécessaire parce que l’ensemble de la biodiversité, qu’elle soit d’ordre génétique, spécifique ou écosystémique, s’est adapté au fil des millénaires à un grand nombre de conditions différentes. Par conséquent, afin de protéger l’intégrité des écosystèmes dans le temps, il apparait aujourd’hui essentiel de préserver un haut niveau de variation des types d’habitats. Cette variation inclut la diversité des gènes, des espèces, des écosystèmes, et ce, de manière représentative pour tous les stades de succession (Gauthier et al., 2008).

Aussi, cette intégrité concerne le maintien du bon fonctionnement des écosystèmes et de leurs rendements. Ce bon fonctionnement comporte la capacité de résistance et de résilience des écosystèmes. La résistance est la faculté qu’a un système à absorber une perturbation et à éviter qu’elle ne prenne pas d’ampleur. La production de toxines par les végétaux contre leurs insectes nuisibles constitue un exemple. Pour sa part, la résilience concerne la capacité des systèmes à récupérer après une perturbation ou un changement et à revenir à l’état initial. Ainsi, la régénération d’une forêt de pin gris après un feu constitue un bon exemple de résilience. Même si la forêt n’est pas exactement la même un siècle après le feu, ses constituants seront sensiblement les mêmes. De plus, ces deux notions sont intrinsèquement liées à la biodiversité (Gauthier et al., 2008).

Ainsi, la définition générale de l’aménagement écosystémique qui sera utilisée pour la suite du présent document sera la suivante :

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« Approche d'aménagement qui vise à maintenir des écosystèmes sains et résilients en misant sur une diminution des écarts entre les paysages naturels et ceux qui sont aménagés afin d'assurer, à long terme, le maintien des multiples fonctions de l'écosystème et, par conséquent, de conserver les bénéfices sociaux et économiques que l'on en retire » (Gauthier et al., 2008, page 27).

Cependant, même à la lumière de ce savoir et de cette définition, il peut demeurer difficile de planifier un aménagement écosystémique. En effet, les connaissances actuelles ne sont pas complètes en ce qui concerne l’ensemble de la biodiversité. De même pour les relations et fonctions que joue chaque élément de l’écosystème (Thiffault et al., 2007). Ainsi, même en adoptant une telle définition scientifiquement reconnue du concept d’aménagement écosystémique, comment aménager de manière écosystémique?

Pour faire face à cette problématique, divers éléments de méthodologie semblent ressortir des différents documents (Gauthier et al., 2008; CÉGFPQ, 2004; MRNF, 2008g, Thiffault et al., 2007). Premièrement, il est nécessaire de considérer de multiples échelles spatiotemporelles, puisque les écosystèmes ne suivent pas de limites administratives ou normées définies. En plus des communautés ou des écosystèmes entiers, l’échelle pourrait aussi intégrer le territoire du bassin versant, de manière à arrimer l’aménagement écosystémique à la Politique nationale de l’eau (ministère de l’Environnement (MENV) 2002).

Puis, il faut estimer un modèle de forêt préindustrielle, correspondant à l’état initial du milieu avant l’avènement des perturbations anthropiques, et ce, en terme de structure et de composition en biodiversité. De même, ce modèle doit intégrer les différents processus de changements conditionnant le milieu, le plus souvent les perturbations naturelles (Gauthier et al., 2008). Cela constitue l’idéal à atteindre par les aménagements forestiers. Ce modèle doit être défini au mieux des connaissances disponibles et doit s’adapter au fil de l’amélioration du savoir, suivant le concept de GPOR qui sera défini en section 3.3.

Aussi, puisque les connaissances sont imparfaites et qu’il est impossible de suivre l’ensemble des espèces des différents écosystèmes aménagés, plusieurs auteurs suggèrent l’approche par « filtre brut/filtre fin » (Gauthier et al., 2008; Thiffault et al., 2007). Le filtre brut constitue la base de l’aménagement écosystémique. Il s’appuie sur la démonstration faite plus haut que la protection d’une variabilité d’habitats s’inspirant de la nature permet de satisfaire la majorité des espèces. Puis, pour les espèces plus sensibles ou celle en situation précaire, il est possible d’ajouter un filtre fin, soit des mesures

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particulières et spécifiques à l’espèce ou à un groupe d’espèces. Aux fins de cette approche, plusieurs cibles ou enjeux écologiques devront être élaborés, et ce, pour chacun des deux filtres ainsi qu’en fonction des écarts connus entre le modèle préindustriel et les territoires aménagés (voir l’annexe 3 pour un exemple de filtre brut/fin) (Gauthier et al., 2008; Thiffault et al., 2007).

Suite aux travaux d’aménagements, il est nécessaire de comparer les habitats résiduels avec des habitats naturels « témoins ». Cela permet d’analyser les écarts et le niveau de variabilité entre les territoires aménagés et les témoins, puis d’adapter les pratiques sylvicoles aux nouvelles connaissances (Gauthier et al., 2008; Thiffault et al., 2007). Cela constitue le fondement de la GPOR défini dans la section 3.3. Il est donc primordial, dans le cadre d’un aménagement écosystémique, de maintenir un pourcentage d’aire forestière intacte non aménagée, soit les témoins. Aussi, ce pourcentage doit être représentatif de l’ensemble de la variabilité naturelle d’origine.