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Une période de transition commune à tous les expérimentateurs

L’ensemble des personnes rencontrées décrivent un temps d’adaptation à la cigarette électronique. Ces descriptions sont très similaires, quels que soient le profil, l’âge ou les motivations des utilisateurs. Ce temps de rencontre et d’apprivoisement d’une nouvelle pratique est relativement court (une quinzaine de jours selon les personnes interrogées). Très souvent, le tabac est encore présent, même si sa consommation diminue très rapidement :

Oui il y a eu un chevauchement mais qui a duré sur un paquet de cigarettes. J’avais un paquet de clopes plein, j’avais ma cigarette électronique, je me forçais quand même, il y avait un peu de volonté, je me forçais à être sur la cigarette électronique et le soir je m’allumais une cigarette voire 2 et c’est tout. Mais voilà, le paquet n’a pas fait longtemps, peut-être une semaine. (Nicolas, 30 ans)

C’est aussi à ce moment-là que le choix des modalités d’achat s’opère : exclusivement par Internet pour certains et pour des raisons souvent économiques (mais aussi par méfiance ou hostilité à l’égard des commerçants et vendeurs de ce

produit), exclusivement en boutique où l’on vient chercher un conseil pour d’autres, chez un buraliste pour une partie, souvent les plus jeunes utilisateurs.

L’utilisateur découvre le matériel, fait des tests. Cette phase de « réglages » signe son engagement dans cette nouvelle pratique. Elle lui permet d’identifier les différents types de matériel, les dysfonctionnements, les différents e-liquides, d’expérimenter différents dosages en nicotine. Elle vise à « trouver un équilibre satisfaisant » : en fonction de ses habitudes de fumeur (roulées ou industrielles, tabac blond ou cigarillos, nombre de cigarettes fumées par jour, budget…), les besoins seront différents et influeront sur : le choix de batteries avec plus ou moins d’autonomie (un petit modèle discret aura peu d’autonomie et inversement), l’esthétique de l’objet, la puissance des batteries, l’intérêt plus ou moins prononcé pour la production de vapeur, la sensation de hit95 plus ou moins forte, l’apport en nicotine, les goûts des e-liquides…

Au terme de cette première période, de nouvelles habitudes de consommation s’installent et les trajectoires diffèrent : arrêt brutal du tabac, diminution du tabac et maintien d’un usage « mixte » (« vapo-fumeurs ») ou abandon de l’objet au terme d’un temps allant de quelques semaines à quelques mois.

Pour certains la conversion est immédiate. Ainsi le tabac disparaît complètement de la vie d’Alex, gros fumeur depuis 20 ans, dès qu’il commence à vapoter. La cigarette électronique s’y substitue dès le premier jour et il n’a pas repris une cigarette de tabac depuis 3 ans :

Ça a été assez vite parce qu’au bout d’une semaine je me suis dit ah ouais c’est bien, j’ai pas envie de reprendre de clope, ça sent pas la clope dans l’appart’, ça sent pas la clope sur les vêtements. Déjà je trouvais plein d’avantages et déjà pour moi la clope était en disgrâce. Mais ça a été super rapide, en une semaine je me suis dit la clope plus jamais de ma vie. C’était fini.

Il raconte les ajustements qu’il a dû faire, un peu « à l’aveugle » (il achète son matériel sur Internet et se fie uniquement aux forums d’usagers qu’il passe du temps à étudier), durant les premières semaines :

La première fois que tu passes de la clope à la cigarette électronique et que tu vapotes, c’est des sensations qui n’ont rien à voir. C’est pas du tout la même chose.

16 mg les 2-3 premiers jours c’était trop fort. Et puis ça fuyait de partout, je m’en suis mis sur les doigts, sur les lèvres, j’ai le cœur qui est parti là, je me suis dit oulala je suis en train

95 Sensation procurée par le passage de vapeur dans la gorge. Voir lexique en annexe.

de me mettre un truc bien comme il faut là. J’avais les pupilles dilatées, mal au crâne, le cœur qui s’emballait, j’ai essayé de rester calme.

Et puis toute la première semaine j’ai eu du mal à dormir, parce que c’était trop fort, c’était trop dosé ! Donc je suis tout de suite passé à 11 mg et je suis resté moins d’un mois à 11 parce que je trouvais que c’était encore trop fort. Donc j’ai essayé assez vite de passer à 6 en me disant on verra bien, si je suis en manque j’ai la fiole de 11 mg. Et en fait ce que j’ai fait c’est un mélange entre 11 et 6 de manière à avoir 9 ou 8 à peu près.

Ton inquiétude c’était d’être en manque et de retomber dans la clope ?

Ben ouais, c’est ça le risque. Et puis en plus les premiers jours t’as quand même envie d’une clope hein. J’avais pas envie d’une clope dans la journée continuellement mais j’aurais pu me dire bon ça me fait chier ce truc, je vais me prendre une vraie clope. Mais j’ai tenu en me disant que je n’étais pas au bout de l’essai que j’étais en train de faire.

(Alex, 42 ans)

Trajectoire matérielle

La trajectoire matérielle courante du vapoteur débutant est souvent la suivante : on commence par acheter un « kit de base », peu cher, peu complexe, qui permet de se familiariser et de s’initier au fonctionnement, mais aussi au vocabulaire et à l’univers de la cigarette électronique. Ce « produit d’appel » reste pour une partie des utilisateurs le seul modèle acheté (c’est le cas pour Amélie, Mary et Sylvie). Mais parce qu’il se montre vite défaillant (fuites, dysfonctionnements, effets considérés comme insatisfaisants, entretien contraignant et fragilité du matériel), une partie des utilisateurs achètent rapidement des modèles plus perfectionnés, plus chers et peuvent aller jusqu’à investir dans les Mods et « reconstructibles »96. Ces objets requièrent une certaine expertise (manipulation, connaissance des composants, adhésion à un univers, dimension identitaire… etc) et ont pour particularité une taille souvent imposante, des formes très éloignées de la cigarette classique. En cela ils ne répondront pas aux attentes d’utilisateurs qui ne souhaitent pas exhiber un matériel imposant.

Cette vidéo postée en octobre 2013 par un vapoteur bordelais (« Quoi acheter quand on débute la cigarette électronique ? ») retrace assez clairement et en images ce parcours : https://www.youtube.com/watch?v=TV4vGNOnlnU&feature=em-subs_digest-vrecs

96 Ces défaillances techniques constituent aussi des freins à la poursuite du vapotage et la reprise même temporaire du tabac fumé (Jo-Willfried, Marie). Voir plus bas.

Vapoter en continu : la sensation de perdre le contrôle de sa