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Chapitre II : La traduction dans la culture irakienne et le système éducatif en Irak

2.4 Période moderne : au début du XX ème siècle

Le pays a été fortement influencé par l’important mouvement de traduction qui a eu lieu au dix-neuvième siècle en Egypte à l’époque de la Renaissance arabe. Les Egyptiens assumaient la traduction en arabe de nombreuses œuvres européennes dans différents domaines. L’école de traduction en 1836 en Egypte; qui est devenue l’École des langues puis un bureau de traduction (1841-42), était la première école de traduction dans le monde arabe. À cette époque, la traduction avait à jouer son rôle dans l'établissement d'une langue conventionnelle. Sous l'influence du rationalisme, propre à ce siècle, et conformément aux canons littéraires en vigueur, le texte étranger est plus que jamais adapté aux codes esthétiques et moraux du public ciblé, c'est-à-dire que le texte traduit est comme expliqué de manière rationnelle, purifié, rendu conforme à la rhétorique généralement admise, autrement dit: modernisé.

En Irak, on ne peut souligner une activité de traduction qu’avec la contribution du Père Anastase Al Karmali (1866-1947) : c’était un linguiste, traducteur et professeur. Il est né d’un père libanais qui s’est installé à Bagdad. Anastase a suivi ses études à l’école Al- Akaba ' Al- Karmaliyin (L’école des Pères Carmes), puis des études à l’école Al- Attifa Al- Kahului, il en sort diplômé en 1882. A débuté sa carrière en tant que professeur de langue arabe à l’école Al-Aba Al- Karmaliyin qu'il a déjà fréquenté. Il a commencé la publication d'articles dans les journaux bien connus à l'âge de 16 ans. Il a quitté Bagdad à l'âge de 20 ans (1886) pour Beyrouth où il a travaillé comme enseignant dans Kulit Al-

Aba ' Alyasu'iyun (Le Collège des Pères Jésuites) et dans le même temps, il a poursuivi

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Il s'est ensuite rendu en Belgique en 1887 pour poursuivre ses études, et a rejoint un monastère près de Liège où il a pris le nom d’Anastase Mari Al- Karmali. Il s'est ensuite rendu à Montpellier en France en 1889 pour étudier la philosophie, la théologie, exégèse biblique et l'histoire du christianisme, et il y est resté jusqu'à ce qu'il devienne Prêtre en 1894. Il a ensuite quitté la France pour l'Espagne et y est resté un certain temps. Il y a visité les monuments islamiques. Il est enfin retourné en Irak pour devenir responsable de l’école Al- Akaba' Al- Karmaliyin, où il a enseigné à la fois en arabe et en français en plus de la prédication.

Anastase parlait parfaitement, d’un côté sa langue maternelle qui était l’arabe ; le français, le latin et le grec. Il connaissait en plus: le syriaque, l’hébreu, l’abyssin, le truc, l’anglais, l’italien et l’espagnole. Il a effectué 37 travaux de traduction (16 travaux de français, 2 d’anglais, 3 d’Italien et 16 dans d’autres langues) et plus de 1300 articles divers. Ses travaux ont été publiés entre 1898 et 1936 dans son livre (‘’Arḍ Al Raffydyn’’ La Mésopotamie) et dans les journaux (‘’Dar-Al Salam’’ La Maison de Paix, ‘’Lwǵat Al Arab’’ La langue arabe et ‘’Al Mašriq’’ Lever du Soleil). (Ibrahim Abdulaziz 2005 :41- 48) Ses contributions aux études de langue arabe sont remarquables parce qu’il s'est rendu compte que les dictionnaires traditionnels de langue arabe n'ont pas la liste de tous les termes arabes mentionnés par les poètes et les auteurs de l’Antiquité. Ainsi, il entreprit de créer un dictionnaire en 1883 pour couvrir ce manque. Il a appelé d'abord son dictionnaire " le supplément de Lisan Al-Arab ", puis a changé le titre en " Al- Musa'id " (L’assistant). En 1911, il a fondé une revue intitulée " Luǧat Al -Arab " (La langue des Arabes). En tenant compte de ses contributions à la traduction. Il a publié à Bagdad en 1932 son célèbre ouvrage « Aǧlaț Al Naha : ouiin alâqdamin (Les fautes des anciens grammairiens); et l’ouvrage ‘’ Nichou’a Al Luǧat alaria wa nemou’aha wa iktihaliha’’ L’émergence de la langue arabe, sa croissance et sa vieillesse, qui a été publié au Caire en 1936 ; et son ouvrage’’ Al Nequd Alarabia’’ Les monnaies arabes ; et l’ouvrage’’ Elm Al Namyat’’ La Numismatique. Il a une vision considérable de l’emprunt dans la traduction concernant la question de la morphologie arabe.

En effet, il avait critiqué les anciens linguistes arabes, qui ignoraient les autres langues, sur ce sujet en posant huit conditions pour faire la translitération d’un mot étranger vers la langue arabe. Il a rejeté la préconisation des certains linguistes arabes, d’arabiser certains mots tel Al Manjâniq qui vient certainement du latin Magganou. Il a protesté aussi contre la traduction par translittération d’un mot comme ‘’ positivisme’’ issu de la

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doctrine d’Auguste Comte, par ‘’ Al kontai’’ ou ‘’ bozitifsm’’. Il a refusé de recourir à l’arabisation du mot mais l’a traduit ; il l’a donc traduit par le mot arabe Al Tahassus qui a un sens figuré, en arabe, de conscient ou de sensible. Dans ce sens, il est d’accord pour traduire le mot’’ Encyclopédie’’ par Dayrat Al Mâ’ariff’’ au lieu de faire une translittération, et ainsi que d’autres mots comme Epopée, les mots religieux, physique, détente, calorie, imperméable, baromètre, parachute, brouette, cygne, histoire, etc. Ses contributions aux bibliothèques ont aussi laissé des impacts dans la vie culturelle et académique irakienne notamment en traduction : il est considéré comme le premier irakien à prendre une participation dans une approche moderne des bibliothèques. Il est devenu le premier directeur ou bibliothécaire de la « Maktabat Al Salam » la Bibliothèque de la paix à Bagdad en 1920. Par la suite, il a été une des nombreuses personnes qui ont participé à l'élaboration de la collection de la Bibliothèque en donnant des imprimés de sa collection privée, tandis que d'autres en langues étrangères sont restés dans la bibliothèque du monastère. La Bibliothèque de la paix a été rebaptisée la Bibliothèque publique de Bagdad, et en 1961 est devenu la base pour la création de la Bibliothèque nationale de l'Irak. Peu de temps avant sa mort, un généreux don de 2500 livres et 1500 manuscrits des Carmes ou la bibliothèque personnelle d’Al- Karnali a été donné à la bibliothèque du Musée de l'Irak. Il a été sélectionné parmi les vingt meilleurs linguistes dans le monde qui siégeaient dans L’Académie de la langue arabe du Caire en 1932.

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