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La mise en œuvre d’un conseil à l’exploitation implique de définir de manière précise la démarche méthodologique et pédagogique qui sera utilisée. L’utilisation du même outil peut conduire à des dynamiques complètement différen-tes suivant la manière dont il est utilisé. Par exemple, l’a-nalyse des marges brutes par culture par un vulgarisateur d’une société cotonnière débouche très souvent sur la né-cessité de respecter l’itinéraire technique recommandé pour le coton afin de maximiser la production.

Utilisée dans un autre cadre, elle peut amener à identifier différentes manières de conduire la culture du coton en fonction des moyens dont dispose le paysan (sans forcé-ment chercher à maximiser le rendeforcé-ment), à prendre en compte la sécurité alimentaire de la famille, à préférer des cultures bénéfiques pour la fertilité des sols ou à identifier d’autres cultures de rente pouvant être plus rentables dans la zone que le coton.

Les méthodes pédagogiques doivent s’appuyer sur des démarches participatives, favorisant l’apprentissage des participants. Un tel choix suppose de :

Valoriser les savoirs paysans, afin d’ancrer le conseil dans le vécu des paysans, parce que les connaissances et ex-périences des autres producteurs permettent généralement de répondre aux questions posées par les participants au dispositif de conseil. De ce fait, les démarches de conseil doi-vent favoriser les dynamiques de groupe (échanges d’opi-nions entre participants pendant les réud’opi-nions de groupe, ré-flexion sur les pratiques et les conditions de leur mise en œuvre, valorisation des expériences paysannes qui appor-tent des éléments de réponse, visites de terrain dans les ex-ploitations des participants ou d’autres producteurs, etc.). Préciser le rôle du conseillercar ce n’est pas, comme dans beaucoup de dispositifs de vulgarisation pyramidaux, le vulgarisateur qui détient seul les connaissances, qui effec-tue un diagnostic externe et propose « la solution ». Le conseiller est la personne qui apporte des informations et un réseau de relations pour construire avec les savoirs pay-sans de nouvelles connaissances, qui stimule et anime un processus de réflexion, qui accompagne la décision en fa-cilitant l’expression des avantages, inconvénients et risques de chaque solution. Il s’agit d’initier une dynamique de co-apprentissage entre les producteurs et les conseillers. Raisonner l’utilisation des outils, afin de favoriser un

proces-sus d’apprentissage et de promouvoir l’autonomie des parti-cipants. Il n’est pas neutre de préciser qui collecte les don-nées (le paysan ou le conseiller ?), qui analyse les dondon-nées (le paysan, le conseiller ou un informaticien ?) et où (au champ, au village ou au bureau du conseiller ?). Il importe de privilé-gier un travail de collecte et d’analyse par les paysans (avec un appui du conseiller) et dans le milieu où ils vivent, même si une telle option peut paraître coûteuse en temps (déplace-ment du conseiller, temps de formation et suivi, etc.) et peu compatible avec des analyses fiables (erreurs dans les rele-vés, fautes de calcul, etc.), et la mobilisation des outils et des concepts simples de la gestion. Il convient donc de concevoir des outils qui certes répondent aux demandes paysannes mais qui soient aussi adaptés aux capacités des paysans. Adapter les thèmes retenusafin de favoriser une

progres-sion dans l’apprentissage et une utilisation effective des ou-tils, tout en gardant de la souplesse pour répondre à un be-soin mal identifié au départ.

Conseil individuel et/ou conseil en groupe ?

Le conseil en groupe présente plusieurs avantages :

1. La dynamique de groupe (échanges d’informations entre paysans, comparaison des résultats individuels, travail de réflexion collectif, etc.) est porteuse de changements ; au Burkina Faso, les paysans ont traduit en dioula la démar-che de conseil d’exploitation par Hakili Jekulu que l’on peut traduire par « groupes d’échanges d’idées ».

2. Le travail en groupe réduit le coût du conseil.

3. La relation entre le conseiller et les paysans est facilitée car le rôle principal du conseiller est d’assurer une animation au sein du groupe sans être la personne qui a réponse à tout. Même s’il s’agit d’un travail en groupe, il faut souligner que la démarche de conseil porte sur l’exploitation agricole de cha-cun des participants qui analyse sa propre situation et prend des décisions au niveau de son exploitation en comparant avec d’autres situations.

Comment construire les groupes ?

Les groupes peuvent être formés de manière diverse et autour :

d’un centre d’intérêt ou d’un problème partagé concernant la production cotonnière, laitière, maraîchère, etc. ;

d’une catégorie sociale (chef d’exploitation, jeunes dépen-dants, femmes, etc.) ;

de membres volontaires d’organisations paysannes ;

d’une appartenance à un même terroir.

La constitution de groupes homogènes permet d’aborder en profondeur des questions spécifiques, sachant que les pay-sans savent hiérarchiser leurs centres d’intérêt.

La constitution de groupes hétérogènes (en taille, en équipe-ment) facilite les échanges sur des aspects plus stratégiques de l’exploitation (gestion de la trésorerie, choix du niveau d’in-tensification du système de culture, diversification, etc.). Souvent, les gestionnaires des dispositifs de conseil privilé-gient au début un travail avec des groupes hétérogènes avec une forte dimension de formation, puis s’orientent vers la cons-titution de groupes spécialisés quand les demandes paysan-nes se précisent.

Le conseil individuel a lui aussi des avantages :

1. La confidentialité des données est plus facilement préser-vée : très souvent, les personnes n’apprécient pas que soient divulgués leurs revenus. Au sein des groupes, il faut veiller à préserver cette confidentialité pour les points sen-sibles.

2. L’évaluation des besoins de financement (mobilisation de l’épargne et négociation d’un emprunt) pour réaliser un in-vestissement (tracteur, moulin, etc.) nécessite un appui personnalisé.

3. Le conseiller peut mieux connaître les réalités paysannes en travaillant en profondeur sur quelques cas précis. Dans plusieurs situations, les gestionnaires des dispositifs de conseil associent conseils en groupes et conseils individuels afin de répondre à des demandes paysannes différentes. Plus les stratégies des producteurs se différencient ou plus l’ex-périence acquise par un producteur dans une démarche de conseil est longue, plus le conseil individuel peut prendre de l’importance. P. Kleene Semis d’une graminée (Bracharia) dans une bande anti-érosive.