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Le père d’André Saper était revenu de la guerre amputé des deux jambes et avec un bras

: « Les gens qui n’étaient pas du quartier disaient « Les abattoirs ». Pour nous, comme il n’y

en avait qu’un, d’abattoir, c’était l’abattoir ». André est scolarisé à l’école Condorcet. A 14

ans, il passe le certificat d’études et travaille chez M. Amouroux, un ébéniste de son quartier,

rue Thérèse. Mais cet ébéniste ferme et André trouve une place chez… un pâtissier,

aujourd’hui disparu, M. Castagner, de la rue des Étuves. Ce qui ne l’empêche pas de jouer au

football, en junior au SOM cette fois. En raison des blessures de son père, André était pupille

de la nation. Cette situation administrative lui donne le droit de choisir sa caserne pour

accomplir ses obligations militaires. On le retrouve donc à Montpellier et bien sûr, footballeur

à la caserne : « Il y avait deux professionnels du SOM dans notre équipe : Jackie Rodier et

René Mandaron.

Ensuite ce sera l’Algérie (pour 30 mois). A son retour, André se lance dans le bâtiment et les

revêtements de sol, pour l’entreprise Martin, qui existe toujours, au Boulevard du Jeu de

Paume, jusqu’en 1969. Il joue alors au football à l’ASPPTT. Vis à vis de son métier, il décide

de se mettre à son compte et ouvre le magasin Sol-Pilote, en plein faubourg Figuerolles, à

l’emplacement du premier local des cycles Valéro. Son associé, Michel Durand, tombe

malade et ils vendent alors le magasin. André devient chef d’agence à Midi-Peintures et y

restera jusqu’à la retraite. C’est pendant cette longe période (en 1960) que le célèbre Père

Coursindel vient proposer à André de participer à la création du SOF, le Stade Olympique de

Figuerolles. Joueur et trésorier, André ne ménagera pas sa peine jusqu’à la dissolution du

SOF, après la mort du Père Coursindel (1964).

En 1971, il rebondira en créant l’AS Figuerolles. Cette équipe va connaître de grands

moments, tel celui de la super-coupe. Deux coupes se déroulaient en même temps : celle de la

ville de Montpellier et la coupe Fontenoy. L’équipe Nicollin gagne l’une, l’AS Figuerolles

gagne l’autre (on ne pouvait participer aux deux). Louis Nicollin décide alors d’organiser la

super-coupe, qui départagerait les deux vainqueurs. Vous vous en seriez doutés, c’est

Figuerolles qui gagne. C’est alors l’époque d’un football comme on le rêve, celui dans lequel

les équipes sont composées des jeunes du quartier, qui jouent à un très bon niveau, et où

l’argent et les transferts ne dominent pas la situation. Mais l’AS va rencontrer une difficulté

majeure. Le niveau de ses joueurs ne cessait de monter, ce qui se concrétisait par des

promotions au sein des divisions. Mais alors, l’équipe devait jouer sur un stade qui soit aux

normes dues à son rang. Elle se trouvait face à un dilemme car sans stade c’était la

rétrogradation. La solution qui sembla la meilleure fut de fusionner avec le club de Lavérune,

alors sous la présidence du coiffeur Dominique Casino, muni du précieux stade. Mais

l’entente ne va durer qu’un an, car les joueurs n’étaient pas du même niveau, et les dirigeants

du club de Lavérune souhaitaient faire jouer les leurs en priorité, même s’ils étaient moins

bons. C’est alors qu’André Saper se consacre sagement à son autre passion : la philatélie…

3-37 Nori

Se faire reconnaître en tant qu’artiste n’est pas aujourd’hui chose facile, dans ce monde de

l’art au relationnel complexe et relativement opaque, aux codes obscurs et élitistes. Tout

éloignait donc, comme nous allons le voir, un artiste « interstitiel » d’une quelconque

notoriété. Et pourtant, comme dans un conte de fées, ne voilà-t-il pas qu’il a exposé, vendredi

et samedi, à l’endroit qui compte parmi les ateliers d’artistes underground de l’Hérault,

l’Atelier du Nord, quartier Figuerolles à Montpellier.

Nori, notre sculpteur aux multiples talents, est né en Algérie en 1974. Depuis quatre ans

maintenant, il réside en France et y travaille essentiellement comme carreleur. Il nous arrive

de la banlieue d’Oran, ou sa vie a commencé par une tragédie. En effet, il y est l’aîné d’une

famille de cinq enfants et il a à peine 16 ans lorsque son père décède d’un cancer. Un an

après, ce sera sa mère qui succombera à son tour. C’est à lui que revient alors la charge

d’élever et de nourrir ses trois sœurs et son frère. Il choisit par force et contre l’avis de ses

professeurs de quitter l’école et de s’associer à l’un de ses voisins pour devenir pêcheur

professionnel. Il pratique la pêche sous-marine et la pêche au filet. Il chasse également, autour

de la ferme que ses parents lui ont léguée. Ses sœurs mariées, il laisse la ferme paternelle à

son petit frère et décide de partir vers l’Europe. Avec un regret, celui d’avoir dû vendre le

vieux fusil de chasse de son père, un jour où il faisait faim…

Pour Nori, ce sera d’abord l’Espagne, puis la France. Il s’installera en ménage à Montpellier,

au plan Cabanes. Sa compagne, d’origine allemande, a des enfants, et Nori adore jouer avec

eux. A la pâte à modeler, entre autres. C’est alors que son amie, étonnée par la qualité des

miniatures que leur réalise Nori, lui achète de l’argile, et l’encourage à continuer. Nori

continue. Il sculpte, laisse sécher, peint, vernit, avec « n’importe quelle peinture » nous

explique-t-il. Et pour tous les amis qui passent, c’est le coup de foudre : « Je vendais tout, pas

son travail est étonnant, précis dans le détail. Et le tout sans avoir jamais appris. Nori

lui-même ne sait pas d’où lui vient ce talent : « J’essaie, et j’y arrive, voilà tout ! ». Il avoue ne

rien connaître des outils traditionnels utilisés pour le travail de la terre, ne pas avoir de four,

ne pas avoir les moyens de rien acheter de tout cela. Mais il ne s’en est pas tenu à l’argile.

Avec des chutes de bois, ramassées au hasard, il fabrique des maisons miniatures, colle,

sculpte, et… les vend ! A la demande de ses amis, il réalise des œuvres sur commande. Leurs

animaux familiers, des chiens, des chats, des chevaux, mais aussi, parfois, leur maison, avec

le jardin et tout l’environnement… Mais alors, il faut lui fournir une photographie, qui servira

de canevas. Il s’essaie ensuite à la peinture et là aussi, c’est le succès. Incroyable personnage,

qui travaille discrètement dans un petit garage, quand ses obligations professionnelles le lui

permettent.

Bien sûr, Nori fait partie de l’école des « peintres naïfs », avec son style qui se caractérise

pour le soin qu’il apporte aux détails, les belles couleurs vives, et son choix de sujets

populaires, de la vie quotidienne (ici, des maisons, des animaux). Il n’empêche qu’il est

intéressant de voir comment peut naître un artiste « interstitiel » et de réfléchir sur la nature de

ce succès atypique, constructif parce que valorisant. Pour les clients, le bonheur d’acquérir de

petits objets sympas qui ne sont pas en plastique ni fabriqués en série à l’autre bout du monde.

Pour l’artiste, allez savoir… En tout cas, il nous a donné l’image d’un homme heureux,

étonné de tout ce qu’il trouvait en lui et qui était à sa disposition pour entrer en contact avec

les autres. Ses créations sont à saisir, parce que le vrai monde prend sa revanche sur Nori. En

effet, il est également un excellent carreleur et son patron lui laisse de moins en moins de

temps libre. Alors les œuvres d’art ? C’est une affaire à suivre.

Nori, sans papiers, sera arrêté sur dénonciation. Une forte mobilisation empêchera son

expulsion. Il est toujours à Figuerolles, mais jusqu’à quand…