La Cité Gély se transforme. Nous lui devions bien un petit historique. Il faut savoir que cette
cité a été construite entre 1958 et 1965, en cinq tranches. D’une densité de 85 logements à
l’hectare, elle concernait près de 2500 habitants, soit en 1965, l’équivalent du quart de la
d’employés parmi les locataires de la cité à l’époque. Deux références sont à la base de notre
article, tout d’abord, l’étude menée en 1979 par l’École d’Architecture de Montpellier
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ensuite le témoignage d’une famille des tout premiers habitants de cette cité.
Au moment de l’étude de l’école d’architecture, la Cité Gély comportait 414 logements
distribués en 21 immeubles sur une surface totale de 45 500 m
2dont 16,4 % bâti et 17,9 %
considérés comme des espaces verts. Les immeubles y sont disposés en U et ne présentent
aucun signe de différentiation. On n’y a pas pris en compte l’alignement sur rue.
Les façades sont constituées de panneaux préfabriqués identiques, conçus dans un souci
permanent de rentabilisation et d’économie de moyens. On abandonne donc le côté quasi
artisanal de l’HBM Zuccarelli au profit d’une production systématisée et largement
simplifiée, peut-on encore lire dans le mémoire de l’école d’architecture. « Le logement
définit une spécialisation des pièces dans l’habitat. Une dualité jour/nuit, privé/public
apparaît. L’ensemble vestibule, repas, living, loggia indépendante introduit une dimension de
représentation (montrer son niveau de vie, sa réussite) au détriment de l’être ensemble que
représentait la pièce réservée à la cuisine familiale du HBM. Cette organisation de l’habitat
veut cristalliser un mode de vie bourgeois : on passe de l’intimité à la représentation. On
sépare le privé du social ».
La construction de la Cité Gély marque le début d’un collage hétéroclite et opportuniste
d’objets architecturaux passe-partout, lit-on aussi plus loin. Dans ce type de projet, l’îlot (le
pâté de maison) à disparu. Il n’est plus là pour organiser l’espace, les immeubles n’ont plus
d’ordre : à l’arrière de l’un, correspond le devant de l’autre. C’est donc seulement à l’intérieur
du logement que la vie a cours. L’espace du logement déborde sur l’espace semi-public (cages
d’escalier), l’espace public, lui, se dégrade au fil du temps, il ressemble maintenant davantage
à un terrain vague qu’à des pelouses. Tout se passe comme si l’appropriation, le marquage de
l’espace, ne pouvait se faire qu’au travers de la dégradation ou du détournement. C’est à ce
prix pour la collectivité que les tranches de population y créeront leurs interstices, leurs lieux
de vie.
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Un témoignage, celui d’Esther Bénézeth qui est née en 1928. Elle emménage la tour, à la Cité
Gély, en 1964. « On était les premiers à occuper l’appartement qui venait juste d’être terminé.
On avait obtenu ce logement parce que mon mari travaillait chez Renault. A ce moment-là,
des entreprises avaient aidé les HLM à financer les constructions. En contrepartie, ces
entreprises avaient obtenu la possibilité de faire bénéficier leurs employés de ces HLM. Ainsi,
dans cette tour, pour Renault, c’était quatre appartements. Nous en avons profité parce que
c’était avantageux ». Esther a gardé un excellent souvenir de son passage à la Cité Gély,
même si quatre ans après, à peu près au moment où se construisait la chapelle de la
Résurrection, la famille décide d’aller faire construire à Saint Jean de Védas. « On a voulu
avoir notre espace à nous, mais pourtant on était bien ici. Notre appartement était au sixième,
et de là on voyait la mer, les bateaux ! C’était très calme, à l’époque, comme un village ; les
appartements étaient assez grands, il y avait des enfants partout. Le seul défaut, c’est que
c’était un peu bruyant… ». Et puis, il y a eu l’ascenseur, qui a été mis en fonction avec du
retard : « Pour monter les meubles au sixième, je vous dis pas ! ». Sans oublier la « bonne
odeur » du chauffage individuel au mazout, et les anecdotes liées aux enfants comme la pose
de moquette pour qu’ils puissent jouer aux billes à l’intérieur, ou quand son grand fils a
décidé de brancher sa voiture téléguidée à piles sur le secteur et a ainsi fait disjoncter toute la
tour ! « Il y avait un certain confort convivial à vivre là, reconnaît Esther. On avait tout à
proximité, les écoles, les commerces, le CES du terrain Gély. Au début, un cadre magnifique,
avec de grands et beaux arbres, qu’on a vu peu à peu abattre avec tristesse. Mais nous, on
aimait la campagne, mon mari, la pêche et la chasse, ensemble, les champignons et les salades
sauvages. Tous les week-ends, on partait à l’aventure ! ».
2-42Le Marché du Plan Cabanes
Après que le marché du Plan Cabanes ait été muté place Salengro, le 16 mars 2005, en bons
Figuerollogues il nous fallait écrire son épitaphe. Si nous connaissons la date de l’arrêté qui
officialise sa délocalisation (2007), il nous manquait sa date de naissance. Une enquête
compliquée. En fait, nous n’avons trouvé rien de très sûr dans la mémoire vivante. Certains
disaient qu’il était là depuis plus de cent ans, d’autres qu’il se tenait jadis le long du Cours
Gambetta, et c’était surtout des gens dont on se souvenait le plus : la Marseillaise et ses
cagaraoulettes (petits escargots à la coquille globuleuse, blanche rousse ou rose, parfois
poissonnière, ou encore les volailles de la Devèze (une ferme de Lauret, près de Saint Mathieu
Dans le document
Le quartier Figuerolles à Montpellier : imaginaire et lien social
(Page 103-106)