- M. Reynes, vous avez joué un rôle important à Figuerolles. Lequel ?
- J’ai été maire de la commune libre de 1952 à 1962, jusqu’au jour où elle s’est éteinte, elle a
pas été dissoute, on n’a pas démissionné, elle s’est arrêtée faute de combattants.
- Figuerolles, c’était une commune ?
- Non, non, Figuerolles appartenait à Montpellier. La commune libre de Figuerolles, c’était
comme la commune libre de Montmartre ; c’était postiche, c’est tout.
- On va revenir à cette histoire, ça a été crée par une bande de farandoleurs ? C’était pour faire
quoi au départ ?
- C’est M Roucoules qui avait lancé l’affaire. Je veux vous dire une chose : ça marchait. Un
centime, c’était un centime pourquoi quand on organisait une fête, il y avait le maire et les 18
conseillers municipals, ou municipaux, comme vous voulez, et quand on rentrait à la porte
d’entrée, il y avait quelqu’un qui vendait les billets et maire ou pas maire, conseiller ou pas
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Radio Clapas (de l'occitan clapas, tas de pierre), est une radio à couleur musicale dominante jazz émettant dans la région de Montpellier. Elle est l'une des plus anciennes toujours en activité (depuis 1978).
conseiller, tout le monde payait sa part. Vous comprenez ? Y’avait pas de resquilleurs. Tout le
monde payait, du plus petit au plus grand, tout le monde payait.
- Comment vous êtes-vous organisés ?
Oui, oui. … Là où on ramassait beaucoup d’argent c’était à la cavalcade. Quand on a crée la
première cavalcade, vous savez, il y avait quatre types qui passaient dans la rue de chaque
côté avec des draps de lit et laissez moi vous dire que ça pleuvait l’argent. Y avait tout
Montpellier, tout le Cours Gambetta, ça pleuvait.
- Il n’y avait pas de cavalcade avant ?
C’est nous qu’on l’a crée, la cavalcade, après la guerre. La première cavalcade qui s’est faite
après la guerre de 40, c’est la commune libre qui l’a faite avec des morceaux de bois, des
morceaux de ficelle, on a fait quatre chars et il y avait du monde comme ça !
- Vous avez dit : on faisait des élections. Expliquez-nous.
- Ah oui, y avait des gens qui venaient voter et en plus de ça, la différence entre les élections
de maintenant et la nôtre à Figuerolles, c’est que chez nous, pour voter, il fallait payer. Alors
ils venaient, le père, la mère, se faire inscrire. Ça coûtait, je vous parle en anciens francs, 60
Francs par personne, ça faisait 120 Francs le couple. Mais je peux vous dire qu’il y en avait
qui avaient dix enfants qui vivaient à Figuerolles et ces dix enfants avec 120 Francs ils s’en
allaient avec un goûter et un petit jouet chacun.
- C’était le jour des élections, ça ?
Ah non c’était le jour de l’arbre de Noël. Y avait d’abord un repas pour les vieux. A la Noël,
on faisait un grand repas, y avait cent personnes et c’était un 4 étoiles et là y assistaient M
Boulet, le maire de Montpellier, M. Bernard qui était conseiller général du canton, pourquoi à
cette époque, y avait que 3 cantons. Figuerolles était le troisième canton Y avait des types
bien qui venaient à ce repas.
- Vous aviez une certaine reconnaissance par rapport au maire de Montpellier, par rapport au
conseiller général…
- Par rapport au maire. Y a beaucoup qui sont venus à Figuerolles, pleurer pourquoi on a fait
la quinzaine commerciale à Figuerolles, nous, sans la ville, on le faisait par nous mêmes, y
avait du monde et ça, ça embêtait un peu les gens de la ville de Montpellier. Nous, on le
faisait et on le faisait aux frais de la princesse, on ne touchait pas de subvention comme le
comité des fêtes de Montpellier par exemple, ou les commerçants. Nous, on n’avait rien, on
faisait par nous-même le disque des auditeurs qu’il fallait payer. C’était mon frère qui s’en
on le passait pas gratuitement. Figuerolles, c’était un village à ce moment là. Dans le coin
comme ça, on connaissait tout le monde.
- Quand le quartier a pris de l’ampleur, le maire de Figuerolles existait encore ?
- Non, en 62, ça s’est arrêté. Ça s’est arrêté en 62 pourquoi il manquait des fonds, on avait
plus de salle, on avait plus rien. Pourquoi pour organiser des fêtes il fallait des salles, des
terrains et il fallait demander au maire mais comme le maire qui s’appelait M. Delmas, il
refusait tout à la commune libre de Figuerolles, on a été obligé de s’arrêter. Mais tant que le
maire s’appelait M. Zuccharelli ou M. Boulet, on avait ce qu’on voulait et on faisait de
l’argent pour faire profiter les malheureux. Et M. Delmas il n’a pas accepté qu’on fasse
profiter les malheureux pourquoi il nous traitait de communistes, que c’était faux. M. Delmas.
Il peut… Je suis à sa disposition. On a jamais fait de la politique à la commune libre.
- On a parlé de politique. Est ce qu’il n’y a jamais eu la tentation d’en faire ?
- Justement on a eu beaucoup de monde, c’est parce qu’on a vu qu’on s’intéressait pas à la
politique. Il est venu des partis politiques, qui sont venus nous proposer d’être sur une liste,
comme j’étais maire de Figuerolles, je leur ai demandé s’ils me prenaient pour un comique.
Ils ne m’ont pas acheté.
- Quel était le territoire de la commune libre, où étaient les frontières ?
- Non, non, y avait pas de frontière, c’était plutôt les gens d’en haut que d’en bas. Mais elle
partait du plan Renouvier jusqu’en haut. Il y en avait du plan Renouvier qui étaient inscrits à
la commune libre, c’était pas la majorité mais on en avait un qui était inscrit à la commune et
c’était le plus populaire de Figuerolles, c’était le père Bonnet. A Figuerolles, le père Bonnet,
on l’appelait Saint Vincent de Paul pourquoi, y avait Maître Bernard qui était du domaine de
la Paille, quand il parlait du père Bonnet, il disait : Cet homme , on le pend par les pieds, on le
secoue, on le secoue et rien ne tombe pourquoi, quand il avait 20 sous, il le donnait aux
pauvres. C’était un saint homme, il était adoré dans tout Figuerolles.
- Entre votre conseil municipal qui était fait plus ou moins de farandoleurs au départ et cet
homme, ça s’est bien passé ?
- Il avait compris ce qu’était la commune libre. Après, avec son remplaçant, ça s’est bien
passé. L’abbé Coursindel. C’était pareil. Il venait à la commune libre au loto, il venait partout.
C’étaient des hommes sincères. Nous on s’en foutait. Je suis été invité à aller bénir des salles
à l’église !
- A bénir ?
- J’étais athée, j’ai toujours été athée et j’ai répondu présent pourquoi je disais je représente la
commune libre et je représente rien autre chose. J’avais mes idées à part quand j’allais voter
pour les vraies élections, je votais mes idées mais là, je m’occupe de la commune libre ou je
m’occupe pas. Quand j’allais à l’église il y avait M. Ricome qui s’occupe de la commune
libre, un conseiller municipal vrai de la ville de Montpellier, il m’a dit on va là bas à l’église,
je lui ai dit : eh bé je viens. Quand on a béni les salles, tout le monde était là à faire des
prières, j’avais les mains dans le dos, je rigolais pourquoi, j’y crois pas, je suis pas croyant et
quand tout a été fini Monseigneur Tourel est venu me serrer la pogne et m’a dit « vous, vous
êtes un homme sincère » pourquoi il a vu que je rigolais.
- Il vous fallait arriver à récolter des fonds pour aider les plus pauvres. Vous y arriviez ?
- On envoyait pas des millions, on organisait des fêtes, des bals, des soirées dansantes pour
faire des sous. Il fallait être aidé, on a dit à M. Zuccharelli il nous faut l’esplanade. Il nous a
dit : « ne vous faites pas de mauvais sang, les employés municipaux viendront clôturer
l’esplanade ». On a clôturé l’esplanade pour faire plaisir au maire de la commune libre. Alors
on faisait des sous.
- Aux élus, vous ne demandiez pas d’argent, vous demandiez des locaux ?
- On ramassait l’argent, on donnait pas un rond à la ville. Mais le maire avait compris, on a
fait une course de taureaux au stade Sabathé, j’ai décroché le téléphone et M. Zuccharelli m’a
dit : « les employés municipaux viendront ». La fête a duré 2 jours ; je vous garantis, on a fait
des sous qu’on a distribué à tout le monde. Tout l’argent qu’on ramassait, on le donnait il ne
restait jamais un sou dans la caisse. Et ça a pris de l’ampleur…
- Qu’est ce qui vous unissait tous ?
La camaraderie, on appelle ça. Histoire de rigoler, on s’est laissé prendre à la rigolade, on est
devenu sérieux. On rigolait. Quand on faisait des repas au milieu de Figuerolles ? On mettait
le tonneau de vin que les paysans nous donnaient, 120 ,140 litres avec le robinet, chacun
venait avec sa bouteille. C’était de la rigolade. En même temps c’était sérieux. A Pâques, on
donnait un goûter aux vieux, avec du jambon, du beurre, du saucisson, ils emmenaient ça à
leur maison.
Dans le document
Le quartier Figuerolles à Montpellier : imaginaire et lien social
(Page 42-45)