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Chapitre I INTRODUCTION

C. Transport des substrats hydrophobes

D.2. Oxydation des acides gras

Les acides gras, toxiques pour la cellule, sont immédiatement activés en thioester de Coenzyme-A par des acyl-CoA synthétases (ACS). Chez Y. lipolytica, deux acyl-CoA synthétases (ACS I et ACS II) spécifiques des acides gras à longue chaîne ont été identifiées (Kamiryo et al., 1977; Mishina et al., 1978). L’ACS I est localisée dans différentes fractions cellulaires et semble impliquée dans la synthèse des lipides alors que l’ASC II est présente

dans les peroxysomes, siège de la principale voie de dégradation des acyl-CoA, la -oxydation (Figures 8 et 11).

Dans les cellules eucaryotes, la -oxydation des acides gras peut avoir lieu dans deux compartiments cellulaires : les mitochondries et les peroxysomes. Les acides gras à longue chaîne carbonée sont raccourcis dans les peroxysomes puis dégradés dans les mitochondries (Osmundsen et al., 1991). Chez les levures, la -oxydation des acides gras a lieu exclusivement dans les peroxysomes (Hiltunen et al., 1993). Cependant, une très faible activité -oxydative mitochondriale a été détectée chez C. tropicalis (Dommes et al., 1983). D’autre part, Blin-Perrin et al. ont suggéré une organisation différente pour certaines espèces de levures du genre Sporidiobolus (Blin-Perrin et al., 2000).

Le peroxysome est donc le lieu où se déroule la -oxydation majoritaire chez les levures. La -oxydation correspond à quatre réactions successives au cours desquelles la chaîne carbonée de l’acyl-CoA est réduite de deux atomes de carbone (Figure 11). L’acyl- CoA dont la chaîne carbonée est réduite de deux unités, retourne alors dans la spirale de la - oxydation et est de nouveau réduit de deux atomes de carbones au niveau de sa chaîne aliphatique.

L’acyl-CoA subit ainsi plusieurs cycles de -oxydation jusqu’à sa dégradation complète en acétyl-CoA ou en propionyl-CoA (si le nombre de résidus carbonés formant la chaîne est impair). Ce mécanisme en spirale peut être arrêté plus tôt selon les propriétés physico- chimiques de l’acyl-CoA, la longueur de la chaîne carbonée, la concentration du substrat, la présence de CoA, d’acétyl-CoA ou selon le ratio NAD+/NADH.

D.2.1.

Oxydation des acides gras saturés

Chez S. cerevisiae, le processus de la -oxydation débute par l'oxydation de l'acyl-CoA en trans-∆2-énoyl-CoA par une seule acyl-CoA oxydase, codée par le gène POX1 (ou FOX1) (Dmochowska et al., 1990), en produisant du peroxyde d'hydrogène (Figure 11). Celui-ci est détoxifié par la catalase peroxysomale, codée par le gène CTA1 (Cohen et al., 1985; Skoneczny et al., 1988). FAD FADH2 H2O + 1/2 O2 H2O2 Catalase 3-cétoacyl-CoA thiolase Acétoacétyl-CoA thiolase 3-hydroxyacyl-CoA déshydrogénase 2-enoyl-CoA hydratase

2-trans-enyol-CoA

H2O

3-hydroxyacyl-CoA

NAD+ NADH + H+

3-cetoacyl-CoA

Acyl-CoA(-C2) + Acetyl-CoA

O2

Thioester-CoA

Acide gras

HSCoA HSCoA Acyl-CoA oxydase Acyl-CoA synthétase II FAD FADH2 H2O + 1/2 O2 H2O2 Catalase 3-cétoacyl-CoA thiolase Acétoacétyl-CoA thiolase 3-hydroxyacyl-CoA déshydrogénase 2-enoyl-CoA hydratase

2-trans-enyol-CoA

H2O

3-hydroxyacyl-CoA

NAD+ NADH + H+

3-cetoacyl-CoA

Acyl-CoA(-C2) + Acetyl-CoA

O2

Thioester-CoA

Acide gras

HSCoA HSCoA HSCoA HSCoA Acyl-CoA oxydase Acyl-CoA synthétase II

Figure 11. Voie de la -oxydation des acides gras saturés chez les levures.

Les substrats sont activés par estérification en CoA avant la -oxydation. L'acyl-CoA est alors converti en 2- trans-enoyl-CoA par une acyl-CoA oxydase et une hydratase multifonctionnelle catalyse l'hydratation du 2- trans-enoyl-CoA en 3-hydroxyacyl-CoA et l'oxydation suivante en 3-cétoacyl-CoA. Dans la réaction finale de la

-oxydation, la 3-cétoacyl-CoA thiolase catalyse le clivage du 3-cétoacyl-CoA pour produire de l’acyl-CoA et de l'acétyl-CoA. Ce cycle est répété avec la réduction de deux unités de carbone jusqu'à ce que l'acide gras soit complètement oxydé (Adapté de Theodoulou et al., 2006).

Les étapes de la trans-∆2-énoyl-CoA hydratase et de la D-3-hydroxyacyl-CoA déshydrogénase NAD+-dépendante produisant du 3-céto-acyl-CoA sont catalysées par une protéine bifonctionnelle codée par le gène FOX2 (Hiltunen et al., 1992). Le NAD+ exigé pour cette réaction n'est pas obtenu à partir du cytosol, car la membrane peroxysomale est imperméable aux NAD(H) (van Roermund et al., 1995). Le NAD(H) est de nouveau oxydé par une malate déshydrogénase peroxysomale (Mdh3p). Le clivage final du cétoacyl-CoA conduisant à la formation de l'acétyl-CoA et/ou au raccourcissement de l'acyl-CoA, est catalysé par une cétoacyl-CoA thiolase codée par le gène FOX3 (ou POT1) (Einerhand et al., 1991; Igual et al., 1991). La disruption des gènes POX1, FOX2 ou FOX3 entraîne l’incapacité des cellules à se développer sur acides gras comme seule source de carbone (Dmochowska et

al., 1990; Igual et al., 1991; Hiltunen et al., 1992).

Chez Y. lipolytica, cinq gènes (POX1 à POX5) codant des acyl-CoA oxydases (Aox1 à Aox5) ont été initialement identifiés (Wang et al., 1999) puis l’analyse du génome a révélé, récemment, un sixième gène (POX6) (Fickers et al., 2005). Y. lipolytica se différencie, de par son nombre important de gènes POX codant des acyl-CoA oxydases (6 gènes), des autres levures comme C. tropicalis (3 gènes) (Baumgartner et al., 1999), C. maltosa (2 gènes) (Al- Feel et al., 1992) et S. cerevisiae (1 gène) (Abumrad et al., 1999). Ceci suggère une spécialisation fonctionnelle au sein de cette famille multigénique. Des analyses de mutants et d’enzymes purifiées ont montrées que deux acyl-CoA (Aox2 et Aox3) sont spécifiques, respectivement, des acyl-CoA à chaîne longue et à chaîne courte ( Wang et al., 1999; Luo et

al., 2000; Luo et al., 2002). Les autres acyl-CoA présentent soit une faible activité envers un

large spectre de longueur de chaîne (Aox4 et Aox5) soit aucune activité détectable (Aox1).

Des souches mono- et multi-disruptées pour ces gènes ont été construites, notamment les souches MTLY35, MTLY36 (délétée pour pox2,3,5) et MTLY37 (délétée pour pox2,3,4,5). Les souches MTLY35 et MTLY36 présentent une croissance ralentie sur acides gras contrairement à la souche MTLY37 qui est incapable de croître sur acides gras (Wang et al., 1999). Des études de mutagenèse montrent que la sélectivité de substrat de l’Aox3p (spécifique des chaînes courtes) peut être transformée en acyl-CoA oxydase spécifique des acides gras activés à longue chaîne, par le changement d’un seul acide aminé (Luo et al., 2002; Mlickova et al., 2004). Les acyl-CoA oxydases seraient importées sous la forme d’un hétéropentamère dans les peroxysomes (Titorenko et al., 2002).

Les dernières étapes de la -oxydation sont catalysées par deux types d’enzyme : une enzyme multifonctionnelle et une thiolase (Figure 11). Contrairement aux acyl-CoA oxydases qui sont codées par de nombreux gènes, l’enzyme multifonctionnelle portant les activités hydratase et déshydrogénase (gène MFE2) et la 3-cétoacyl-thiolase (gène POT1) sont respectivement codées par un seul gène.

Toutefois, pour les substrats à chaîne courte, c’est une acétoacétyl-CoA thiolase qui serait impliquée. En effet, une acétoacétyl-CoA thiolase peroxysomale (gène PAT1) inductible, en présence de décane, fut clonée par complémentation dans un mutant incapable de croître sur décane. Cette enzyme présente une forte similarité avec les enzymes correspondantes chez

C. tropicalis et S. cerevisiae (codée par ERG10) (Tanaka et Fukui, 1989). Comme chez

d’autres levures, le gène codant une seconde acétoacetyl-CoA thiolase a été identifié dans la séquence du génome de la souche E150 de Y. lipolytica (Fickers et al., 2005).

Le produit final de l'oxydation des acides gras, l'acétyl-CoA (ou le propionyl-CoA) alimente le cycle du glyoxylate qui est lié au cycles des acides tricarboxyliques et du méthylcitrate, localisés dans la mitochondrie (Tanaka et Fukui, 1989; Barth et al., 2003). Deux voies d’exportation de l'acétyl-CoA des peroxysomes ont été décrites (van Roermund et

al., 1995). Dans la première voie, l'acétyl-CoA est transporté dans les mitochondries en tant

qu’acétyl-carnitine. Le gène CAT2 code une acétyl-carnitine acyl-transférase localisée dans les peroxysomes et les mitochondries (Elgersma et al., 1995). Alternativement, l'acétyl-CoA peut être métabolisé par l'intermédiaire du cycle du glyoxylate, produisant quatre unités de carbone à partir de deux acétyl-CoA. Les intermédiaires de cette voie incluent l'isocitrate et/ou le succinate, qui peuvent être importés dans les mitochondries (van Roermund et al., 1995). Des expériences de génétique indiquent qu’au moins une de ces voies doit être en activité pour soutenir l'oxydation des acides gras dans les peroxysomes chez les levures (van Roermund et al., 1995).

D.2.2.

Oxydation des acides gras insaturés

Les levures oxydent également les acides gras insaturés et polyinsaturés avec des doubles liaisons cis en position impaire ou paire. Des données récentes indiquent que les levures peuvent également dégrader les acides gras trans-insaturés (Gurvitz et al., 2001).

Pendant la -oxydation des acides gras cis-insaturés en position impaire, tels que l'acide oléique (18:1∆9), un intermédiaire, le 2,5 diénoyl-CoA, est formé. Après un cycle

d’oxydation, une double liaison 3-cis est créée et isomérisée par une ∆3-cis-2-trans-énoyl- CoA isomérase, permettant à l'oxydation de se poursuivre. Une forme peroxysomale de cette enzyme est codée par le gène ECI1 chez S. cerevisiae (Geisbrecht et al., 1998; Gurvitz et al., 1998). Les cellules, dont le gène ECI1 est disrupté, ne peuvent pas utiliser l'acide oléique comme seule source de carbone. L'expression hétérologue de l’ADNc codant une enzyme mitochondriale de rat restaure le phénotype sauvage du mutant ∆eci1 (Gurvitz et al., 1998).

Eci1p est également exigée pour la dégradation des acides gras présentant un nombre impair de double liaison en trans, indiquant que c'est une ∆3-cis/trans-2-trans-énoyl-CoA isomérase (Gurvitz et al., 2001). Une enzyme additionnelle, la ∆3,5-,2,4-diénoyl-CoA isomérase, impliquée dans une voie alternative du métabolisme du 2,5 diénoyl-CoA, est codée par le gène DCI1 chez S. cerevisiae (Gurvitz et al., 1999).

L'oxydation des acides gras présentant des doubles liaisons en cis en position paire produit un intermédiaire, le 2 trans-4-cis-diénoyl-CoA. Des oxydations supplémentaires sont nécessaires pour réduire cet intermédiaire en 3-énoyl-CoA par une 2,4-diényol-CoA réductase NADPH-dépendante, et sont suivies de l’isomérisation en 2-énoyl-CoA par la ∆3-cis-2-trans- ényol-CoA isomérase (Eci1p). La croissance des mutants ∆eci1 sur des acides gras

comportant des doubles liaisons en cis en position paire ou impaire est altérée (Gurvitz et al., 1998). En revanche, le gène SPS19 qui code la 2,4-diénoyl-CoA réductase, est requis pour la croissance sur acide pétrosélinique (18:1∆6), mais par sur acide oléique (18:1∆9). Ceci

confirme son rôle essentiel dans le métabolisme des acides gras présentant des doubles liaisons en position paire (Gurvitz et al., 1997). La dégradation des acides gras présentant des doubles liaisons en trans en position paire n'exige pas Eci1p, Sps19p, ou Dci1p (Gurvitz et

al., 2001).

Il est peu probable que Sps19p, la 2,4-diénoyl-CoA réductase, utilise du NADPH issu du cytosol (van Roermund et al., 1995). Le NADPH nécessaire semble provenir d’une activité inductible par l’acide oléique, l’activité isocitrate déshydrogénase peroxysomale codée par le gène IDP3 (Henke et al., 1998; van Roermund et al., 1998).

Les cellules, dont pour le gène IDP3 est disrupté, ne se développent pas sur des acides gras qui comportent au moins une double liaison en position paire (c’est-à-dire 18:1∆6 ou

18:2∆9,12) mais maintiennent leur croissance sur acide stéarique (18:0) et acide oléique

(18:1∆9) (Henke et al., 1998; van Roermund et al., 1998). Hypothétiquement, Idp3p

fonctionnerait dans le cadre d’une navette redox à travers la membrane peroxysomale pour maintenir les niveaux de NADPH dans l'organite (van Roermund et al., 1998)