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Chapitre 2. Prélèvements, matériels et méthodes analytiques

6. Outils de modélisation

L’analyse de la composition chimique élémentaire des eaux interstitielles donne des informations sur les processus géochimiques et sur le devenir des ETM dans la colonne sédimentaire. Ces données peuvent également être introduites dans des modèles d’équilibres thermo-chimiques pour prédire la spéciation des éléments en phase aqueuse et la présence éventuelle de certains minéraux d’intérêt afin de mieux appréhender les processus biogéochimiques. Au cours de la thèse, le logiciel Visual Minteq 3.0 (Gustafsson, 2011) a été utilisé avec les bases de données thermodynamiques suivantes : comp_2008.vdb (base de données des composés), thermo.vdb (base de données des espèces inorganiques), genericha08.nic et genericafa.nic (base de données dédiées à la formation des complexes organiques avec les acides humiques et fulviques, respectivement). Quatre espèces dissoutes ont été ajoutées dans les deux dernières bases de données pour simuler les interactions As-MOD (Tableau II-2). Le principe du logiciel Visual Minteq repose sur différents concepts mathématiques qui sont présentés par ci-après.

Les données d’entrée du modèle sont les concentrations totales des différents composés présents dans les eaux interstitielles sans considérer les réactions redox : As(III), As(V), Ca2+, Cl-,

Cr(III), Cr(VI), COD, Fe2+, K+, Mg2+, Mn2+, Na+, NH

4+, NO3-, NO2-, PO43-, SO42-, HS-, Si(OH)4.

Le pH est fixé à la valeur mesurée dans les sédiments. L’alcalinité est est prise en compte dans le calcul en considérant qu’elle est principalement représentée par le carbone inorganique dissous. L’évaluation des effets de la matière organique dissoute (MOD) sur le système modélisé a été réalisée à l’aide du modèle NICA-Donnan en supposant que le COD était composé à 100 % soit d’acides fulviques, soit d’acides humiques (Charriau et al., 2011). Dans les deux cas, la densité de sites complexant est paramétrée avec la valeur par défaut du ratio MOD / DOC (1,2). Les données de sortie sont principalement la spéciation en phase aqueuse de chaque composant, les indices de saturation des minéraux arséniés, chromés, carbonatés, phosphatés, sulfurés et silicatés.

Tableau II-2 : Données sur l’arsenic ajoutées dans les bases de données genericha08.nic et genericafa.nic. Les valeurs de log K proviennent des travaux de Dang et al. (2014). La distinction entre HFA1 et HFA2 est liée aux différences de propriétés acido-basiques.

Complexes organiques dissous Réactions de complexation -log(K)

HFA1-As(III) HFA1- + H

3AsO3 ↔ (HFA1H3AsO3)- -11

HFA2-As(III) HFA2- + H

3AsO3 ↔ (HFA2H3AsO3)- -11

HFA1-As(V) HFA1- + HAsO

42- ↔ (HFA1HAsO4)3- -15

HFA2-As(V) HFA2- + HAsO

42- ↔ (HFA2HAsO4)3- -15

6.1. Calculs de la spéciation en phase aqueuse

Pour l’ensemble des calculs géochimiques, l’hypothèse faite sur le système étudié est qu’il se trouve à l’équilibre thermodynamique. Ainsi, les considérations d’ordre cinétique ne sont pas prises en compte dans les simulations, bien que les facteurs cinétiques jouent un rôle important dans les systèmes naturels. Cette limitation constitue donc une simplification qui peut dans certains cas apporter des biais au niveau des résultats, notamment en ce qui concerne les réactions d’oxydo-réduction. Les composants d’entrée (par exemple Fe2+, H+, CO

32-, PO43-)

sont les composés de base à partir desquelles l’ensemble des espèces du système [par exemple Fe(OH)+, FeCO3 (aq), FeH2PO4+ et FeHPO4 (aq)] va être décrit. L’équation de conservation de

112 la matière permet ainsi de relier l’activité de chaque composé Xj aux activités des différentes

espèces Si :

Xj = ∑ βij × Si Eqn II-1

où ij désigne le coefficient stœchiométrique du composé Xj dans l’espèce Si.

À titre d’exemple pour le composant Fe2+, l’équation de conservation de la matière permet de

relier l’activité totale (Fe2+)

t aux activités des différentes espèces :

(Fe2+)t = (Fe2+) + (Fe(OH)+) + (Fe(OH)2) + (Fe(OH)3-) + (FeH2PO4+) + (FeHPO4)

+ (FeHCO3+)

Eqn II-2

L’équilibre mettant en jeu une espèce en fonction des différents composants est défini par la loi d’action de masse :

Ki = Si ∏ Xj −𝛽𝑖𝑗 Eqn II-3

avec Ki la constante d’équilibre de formation de l’espèce Si et П le produit de tous les

composants Xj du composé Si affectés de leur coefficient stœchiométrique (ij). La constante K

est dépendante de la température et classiquement la variation de K en fonction de la température est corigée par la loi de Van’t Hoff (Allison et al., 1991).

Pour la réaction de formation de FeH2PO4+, on obtient la relation suivante :

K = FeH2PO4 + Fe2+ H+ 2 PO 4 3− Eqn II-4

L’activité d’une espèce chimique est calculée par le produit de sa concentration [Si] et du

coefficient d’activité i. Ce dernier est dépendant de la force ionique (I) de la solution :

I = 1

2∑[𝑆𝑖] × 𝑧𝑖2 𝑛

𝑖

Eqn II-5 dont [Si] et zi correspondent à la concentration et la charge de chaque espèce aqueuse majeure

en solution.

Le coefficient d’activité des espèces dans la solution peut être déterminé par l’équation de Davies (Eqn II-6), l’équation étendue de Debye-Hückel (Eqn II-7) ou l’équation de WATEQ Debye-Hückel (Eqn II-8) :

Log γi = −A × zi2 × ( √I

1 + √I) − 0,3 × I Eqn II-6

Log γi = −A × zi

2 × √I

1 + B × ai × √I Eqn II-7

Log γi = −A × zi

2 × √I

1 + B × ai × √I+ bi× I Eqn II-8

où A et B sont des constantes dépendantes de la température, zi la charge de l’espèce, I la force

ionique, ai le diamètre de l’ion et bi le coefficient spécifique de l’ion. Sans spécification

particulière, pour des espèces chargées, le logiciel Visual Minteq applique l’équation de Davies, applicable lorsque la force ionique est inférieure à 0,5 M (ce qui est notre cas pour les eaux et sédiments de la Marque). L’équation étendue de Debye-Hückel est applicable pour des solutions peu concentrées (I < 0,1 M) et celle de WATEQ Debye-Hückel pour une force ionique pouvant atteindre 1 M (par exemple une eau de mer). pour des espèces neutres, l’équation de WATEQ Debye-Hückel est appliquée et réduite à log(i) = bi x I où bi = 0,1, sauf indication

spécifique (Merkel et al., 2015).

Lors d’un calcul d’équilibres thermodynamiques chimiques, le logiciel Visual Minteq permet la résolution du problème sous la forme d’équations algébriques non-linéaires. Chaque équation algébrique correspond à une expression de bilan de masse spécifique à chaque composé d’entrée. Ceci peut s’exprimer mathématiquement par les équations suivantes :

𝑆𝑖 = Ki∏(𝑋𝑗 βij n

j=1

pour i = 1, m Eqn II-9

Yj = ∑m βij × [Si]

i=1 − [Tj] pour j = 1, n Eqn II-10

Où (Xj) et [Xj] désignent l’activité et la concentration du composé j, (Si) et [Si] l’activité et la

concentration de l’espèce i, Ki la constante d’équilibre pour l’espèce i, [Tj] la concentration

totale du composé j, ij le coefficient stœchiométrique de l’espèce j, m le nombre d’espèces et

n le nombre de composés.

Dans ce cas, l’objectif est de définir Xj, de sorte que la valeur de Yj soit le plus proche de zéro

pour des conditions données (e.g., Ki, i,j et Tj). Afin de résoudre un problème d’équilibres

thermodynamiques, le logiciel part d’une hypothèse initiale pour Xj et ensuite trouve

114 Newton-Raphson. A chaque itération, un ajustement de la valeur de Xj est réalisé. Ceci est

répété jusqu’à un seuil de tolérance (dans notre cas 1 0/

00 ; Shecher and McAvoy, 1992).

6.2. Calculs des indices de saturation

Rappelons brièvement que, pour un minéral de formule XnYp formé ou non au sein des

sédiments, le produit d’activité ionique (PAI) se définit de la manière suivante :

PAI = (X)n × (Y)p Eqn II-11

où (X) et (Y) représentent les activités des espèces X et de Y estimées à partir des calculs thermodynamiques et n, p les coefficient stoechiométriques.

Ce produit ionique permet de quantifier l’état de saturation de l’élément X par rapport au minéral XnYp en opérant une comparaison avec le produit de solubilité Ks de ce minéral. Trois

cas de figure peuvent se présenter :

- si PAI < Ks : le minéral XnYp est instable et peut se dissoudre dans la solution;

- si PAI = Ks : la solution et le minéral XnYp sont à l’équilibre;

- si PAI > Ks : la solution est instable, le minéral XnYp est stable et peut précipiter à partir

de la solution.

Le premier cas se rencontre lorsque : (i) l’activité de l’ion libre en solution est très limitée par des réactions de complexation ; (ii) une phase minérale moins soluble limite l’activité d’un ou plusieurs ions communs ; et/ou (iii) les activités des espèces ne sont pas suffisantes pour atteindre l’état de sursaturation. L’indice de saturation ne permet cependant pas toujours de représenter fidèlement la réalité puisque les notions de cinétiques de précipitation et/ou de dissolution ne sont pas intégrées dans les calculs. En cas de sursaturation, le logiciel Visual Minteq peut permettre aux minéraux concernés de précipiter. Cette option n’a pas été sélectionnée dans notre cas d’étude.