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1.7. Le diagnostic

1.7.3. Outils de diagnostic de stade de la maladie utilisés actuellement

La THA évolue classiquement en 2 stades. Le premier stade correspond à la prolifération et

la dissémination du parasite dans le sang et la lymphe et le second stade correspond à

l’envahissement du SNC par le parasite. Le diagnostic de stade est une étape extrêmement

importante car elle conditionne la réussite thérapeutique, le traitement étant stade dépendant.

Actuellement, le diagnostic de stade ne peut être posé qu’à la suite d’une ponction lombaire

et l’examen du LCR. La ponction lombaire est un acte délicat, invasif et douloureux qui est

réalisé, sur le terrain, dans des conditions d’asepsie bien loin des standards des pays du Nord

(Figure 16). La procédure consiste à prélever à l’aide d’une aiguille du LCR au niveau des

espaces intervertébraux entre la 3

e

et la 4

e

ou entre la 4

e

et la 5

e

vertèbre lombaire. Dans le

cas d’une ponction lombaire de routine chez l’adulte, on prélève entre 8 et 15 mL de LCR

(Johnson and Sexton, 2017).

Julien BONNET | Thèse de doctorat | Université de Limoges | 2017

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Figure 16 : Réalisation d’une ponction lombaire dans le cas d’un diagnostic de stade de la THA,

asepsie réalisée par simple application d’alcool sur la peau (photo Dr Sylvie Bisser).

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Le véritable test diagnostic spécifique du stade 2 de la maladie est la confirmation de l’invasion

neurologique par le parasite qui se traduit par la découverte de trypanosomes dans le LCR du

patient, c’est le gold standard (Meirvenne, 1999). Toutefois la parasitémie dans le LCR peut

être très faible et donc la détection du parasite manque de sensibilité. L’OMS a mis en place

d’autres critères pour le diagnostic de stade de la maladie, basé sur la numération de

leucocytes infiltrés dans le LCR (cytorachie) en réponse à une invasion de SNC par le parasite.

Une cytorachie supérieure à 5 cellules/µL de LCR, sans confirmation de la présence du

trypanosome dans le LCR, est révélatrice du stade 2 de la maladie (Tableau 2).

L’augmentation de la cytorachie comme critère de stade 2 et la valeur exacte de la cytorachie

sont sujets à controverse et ont donné lieu à des adaptations différentes selon les pays (Lejon

et al., 2003, 2005; Kennedy, 2008, 2010).

Tableau 2 : Critères OMS pour le diagnostic de stade de la THA.

(WHO, 2013)

Numération leucocytaire ou cytorachie

0-5 cellules/µL de LCR 6 cellules/µL de LCR

Absence de trypanosome Stade hémolymphatique Stade nerveux

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1.7.3.1 Détection du parasite

La mise en évidence du parasite dans le LCR est le seul élément qui permet de classer un

patient atteint de THA en stade 2, c’est le « gold standard » (Meirvenne, 1999). En pratique,

la recherche de trypanosomes se fait sur chambre de comptage (sur lame de type Malassez,

Fush-Rosenthal ou Neubauer) pendant la numération leucocytaire. C’est une technique qui

est rapide et peu coûteuse mais qui présente une sensibilité faible. La faible sensibilité de ce

critère, dûe à la faible parasitémie surtout dans le cas d’un stade nerveux précoce, peut être

augmentée par centrifugation du LCR (Mumba Ngoyi et al., 2013). Le LCR doit être centrifugé

immédiatement après la ponction afin que le parasite soit encore vivant et mobile ce qui facilite

sa mise en évidence. La centrifugation ne doit pas excéder les 10 minutes et 3000 rpm (environ

1000 g) et peut être réalisée en tube à hématocrite, dans un tube collecteur de mAECT ou

simplement dans une pipette pasteur dont l’extrémité est obturée à la flamme (Miézan et al.,

2000).

1.7.3.2 Numération leucocytaire

La numération leucocytaire ou cytorachie lorsqu’elle est augmentée est le signe d’une

inflammation du système nerveux central. Dans le cas du stade 2 de la THA, cette cytorachie

se compose essentiellement de lymphocytes B (Greenwood et al., 1976). On peut aussi

retrouver dans le LCR de grands plasmocytes remplis de vacuoles contenant des IgM

nommées cellules de Mott, révélatrices du stade 2 de la THA (Greenwood and Whittle, 1980).

A l’état normal, le LCR ne contient que très peu de leucocytes (< 3/mm

3

de LCR). Il ne doit

donc pas être dilué pour le comptage. La réalisation de la ponction lombaire peut entrainer

des lésions au niveau des vaisseaux sanguins à l’endroit de la piqûre entrainant un LCR

hémorragique pouvant gêner le comptage. La numération est réalisée sur chambre de

comptage de type Fush-Rosenthal ou Neubauer le plus couramment (WHO, 2013). Une

attention particulière doit être prise quant au volume de LCR utilisé ; toute erreur pouvant

entrainer un mauvais diagnostic de stade. Des chambres de comptage jetables ont été

développées pour retenir un volume de LCR déterminé et donc limiter ce type d’erreur (Mumba

Ngoyi et al., 2013). Enfin, le seuil de normalité de la cytorachie est variable en fonction de

l’âge : une cytorachie allant jusqu'à 20 cellules/µL est considérée comme normale chez l’enfant

de 1 à 4 ans ; une cytorachie allant jusqu'à 10 cellules/µL est normale jusqu'à la puberté

(Kjeldsberg and Knight, 1993).

Il est actuellement considéré par l’OMS, qu’un patient présentant une cytorachie supérieure

ou égale à 6 éléments par µL de LCR, se trouve en stade 2 de la maladie, que la présence du

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trypanosome soit confirmée ou non. A l’inverse, les patients présentant une numération

leucocytaire comprise entre 0 et 5 éléments et en l’absence de trypanosome sont considérés

en stade 1 de la maladie (Tableau 2). Dans le cas de la THA à T. b. gambiense, de

nombreuses études remettent en cause ce seuil de 5 cellules/µL de LCR et revendiquent

l’existence d’un troisième stade entre le stade 1 et le stade 2 (Lejon et al., 2003; Kennedy,

2008; Njamnshi et al., 2017). Ce stade intermédiaire serait défini par une cytorachie comprise

entre 6 et 20 éléments/µL de LCR sans présence de trypanosome, ou bien par la présence de

trypanosomes dans le LCR sans augmentation de la cytorachie (≤ 6 élément par µL de LCR)

(Lejon et al., 2003). Plusieurs publications font état de patients en stade intermédiaire traités

avec succès à la pentamidine (Pépin and Milord, 1994; Doua et al., 1996). L’existence de ce

stade intermédiaire n’est actuellement pas prise en compte par l’OMS et par les autorités de

santé des pays touchés par la THA.

1.7.3.3 Protéinorachie

Il y a quelques années, l’OMS recommandait le dosage de protéines totales dans le LCR pour

permettre de discriminer le stade 2 de la maladie. Une augmentation de la protéinorachie est

révélatrice d’un dysfonctionnement de la BHE. Dans son rapport de 1983, l’OMS définit un

seuil de protéinorachie à 370 mg/L (par méthode colorimétrique) permettant de discriminer le

stade 2 de la THA (Lejon and Büscher, 2005). Toutefois, une étude de Bisser et al (2002) a

montré que la quantité de protéines dans le LCR de patient atteint de THA pouvait être

extrémement variable. Lejon et al ont montré en 2003 qu’une concentration supérieure ou

égale à 750 mg/L était révélatrice d’un dysfonctionnement de la BHE marquant l’entrée en

stade 2 de la THA. La concentration totale en protéines a donc été proposée comme outil de

diagnostic de stade et présente une sensibilité de 85,7% et une spécificité de 82,4%.

Cette méthode de diagnostic n’est plus utilisée actuellement en raison de la complexité du

dosage, la rendant inutilisable sur le terrain. Par ailleurs, la présence de protéines en grande

quantité est révélatrice d’un dysfonctionnement de la BHE et pas spécifiquement de la THA.

Le dysfonctionnement de la BHE peut avoir de multiples causes comme par exemple une

hémorragie cérébrale, une malformation caverneuse cérébrale, une microcéphalie, la maladie

d’Alzheimer, la maladie de Nasu-Hakola, la maladie d’Alexander (Zhao et al., 2015;

Schoknecht and Shalev, 2012). De plus, dans le cas de le THA, l’augmentation du taux

d’immunoglobulines dans le sang, dès le stade 1 de la maladie, va déjà induire une

augmentation de la protéinorachie.

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L’utilisation du dosage des IgM dans le LCR fait partie des marqueurs de stade proposés pour

la THA. L’augmentation du taux d’IgM intrathécal au cours de l’inflammation est corrélée à la

présence du parasite et à un dysfonctionnement de la BHE (Bisser et al., 2002; Lejon et al.,

2003). Un test d’agglutination a été conceptualisé en 2002 et fait l’objet d’évaluations plus

poussées ( Lejon et al., 2002).