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Un outil de compréhension du contexte de conclusion de l’accord collectif

Dans le passé, certains négociateurs avaient déjà recours au préambule et les pratiques étaient diverses et variées. En effet, le législateur ne détermine pas avec précision le contenu du préambule car il prévoit seulement qu’il doit présenter « de manière succincte ses objectifs et son contenu »155. Le reste de son contenu est donc laissé à l’entière discrétion des partenaires sociaux. Dans un premier lieu, tout l’intérêt d’un préambule réside dans le fait qu’il peut être un outil permettant de comprendre le contexte qui a poussé les partenaires sociaux à négocier un accord collectif.

Les partenaires sociaux définissent généralement le contexte légal de conclusion de l’accord collectif. En l’espèce, la plupart des accords relatifs au dialogue social visent les récentes réformes du code du travail. Etant donné que les accords étudiés ont été conclus à partir des ordonnances « Macron » du 22 septembre 2017, ils visent en particulier ces ordonnances et la loi de ratification du 29 mars 2018. Par conséquent, il est possible de comprendre que l’une des raisons qui poussent les partenaires sociaux à négocier sur le dialogue social depuis les ordonnances « Macron » du 22 septembre 2017 est la modification des règles législatives et réglementaires en la matière.

Ensuite, les partenaires sociaux font souvent référence au déroulement des négociations qui ont conduit à conclure l’accord relatif au dialogue social. Il est parfois précisé que les accords ont été conclus après une tentative de révision des accords préexistants qui s’est soldée par un échec ou directement après une dénonciation de ces accords. Par exemple, l’accord de la société Canon France156 énonce dans son préambule qu’aucun avenant de révision de son accord du 31 août 2012 n’a pu être signé malgré les multiples réunions qui se sont déroulées. De ce fait, la direction de Canon France a notifié aux organisations syndicales la dénonciation de l’accord et elle les a conviés à négocier un accord de substitution. Ces précisions permettent de comprendre que la société Canon France disposait déjà d’un accord sur l’adaptation du dialogue social et que le présent accord relatif au dialogue social conclu le 30 avril 2018 vient le remplacer.

Certains préambules font également état de toutes les réunions de négociation ou groupes de réflexions qui ont précédé la conclusion de l’accord. Cela peut donner une idée de la stratégie de négociation mise en place. L’accord de la société Médiapost SAS157 vise expressément dans son préambule toutes les réunions de négociation qui se sont déroulées avant de déboucher sur

155Il sera revenu ultérieurement sur ce point.

156 Accord relatif au dialogue social, Canon France, 30 avril 2018. 157 Accord sur le dialogue social, Médiapost SAS, préc.

la conclusion du présent accord sur le dialogue social. Il mentionne les trois types de réunion qui ont eu lieu avec les dates précises :

- Tout d’abord, une négociation s’est déroulée avec l’ensemble des partenaires sociaux dans le cadre de réunions plénières.

- Ensuite, les organisations syndicales se sont réunies sans la direction de l’entreprise dans le cadre de réunions préparatoires.

- Puis, la direction a négocié individuellement avec chacune des organisations dans le cadre d’entretiens bilatéraux.

Autre exemple, l’accord du groupe Renault158 énonce dans son préambule que les négociations relatives au dialogue social ont été précédées de cinq groupes de réflexion paritaire. Cette réflexion a conduit les parties à mettre en place un accord de méthode afin d’organiser les négociations. Dès lors, il peut être noté que d’une entreprise à une autre, la stratégie de négociation est différente.

En dernier lieu, les partenaires sociaux mentionnent ponctuellement que l’accord collectif relatif au dialogue social se substitue aux accords préexistants ayant le même objet. Cette stipulation qui se retrouve parfois dans le préambule peut également faire l’objet d’une clause spécifique au sein de l’accord. Par exemple, elle pourrait être contenue dans un article intitulé « Portée de l’accord » qui mentionnerait que le présent accord « met fin aux stipulations conventionnelles, usages et engagements unilatéraux ayant le même objet ou la même cause »159. Certains accords procèdent d’ailleurs ainsi160. En effet, l’accord de la société Carrefour Hypermarchés SAS161 contient une clause relative à la portée de l’accord. Elle mentionne que les dispositions de l’accord remplacent les clauses contraires et différentes des précédents accords d’entreprise et d’établissement actuellement en vigueur. Elle précise également que certaines stipulations des précédents accords restent en vigueur en les nommant précisément. Ce type de stipulation permet d’améliorer la lisibilité et la compréhension du socle conventionnel applicable dans l’entreprise. A défaut de telles précisions, l’article 9 de l’ordonnance « Macron » n°2017-1386 du 22 septembre 2017 précise uniquement que les

158 Accord relatif au dialogue social et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités

syndicales, Renault SAS, préc.

159 Cabinet Flichy Grangé Avocats., « Mise en place du CSE : modèle d’accord », Liaisons soc.

Quotidien, 2019, 17726.

160Accord relatif à la mise en place des nouvelles institutions représentatives du personnel, PSA

Automobiles.

161 Accord sur le dialogue social et la mise en place des comités sociaux et économiques d’établissement,

stipulations des conventions et accords collectifs, quel que soit le niveau, qui concernent les anciennes IRP cessent de produire effet à compter de la date du premier tour des élections professionnelles permettant de mettre en place le CSE.

Certains préambules définissent uniquement le contexte de conclusion de l’accord collectif. Par exemple, le préambule de l’accord collectif de l’entreprise Stef Transport Alpes162 se limite à présenter la réforme portée par les ordonnances « Macron » instituant le CSE et les différentes réunions qui ont conduit à la conclusion de l’accord. Il vise le fait que la loi laisse la possibilité aux entreprises d’adapter les règles de fonctionnement et les attributions du CSE dans le respect des règles d’ordre public. En effet, comme énoncé lors de l’introduction, la loi « El Khomri » du 8 août 2016 avait mis en place une organisation triptyque pour les dispositions relatives au temps de travail et de repos et au compte épargne temps. Les ordonnances « Macron » du 22 septembre 2017 étendent cette pratique, notamment pour la partie qui concerne le CSE. Ainsi, le code du travail présente tout d’abord les règles qui sont d’ordre public, le champ ouvert à la négociation collective et les règles légales supplétives. Ces dernières peuvent d’ailleurs inspirer les partenaires sociaux dans la rédaction de leurs accords et il sera revenu ultérieurement sur ce point. En somme, le préambule de cet accord ne contient ni objectifs ni présentation du contenu, alors qu’il peut être un outil afin de les présenter.