• Aucun résultat trouvé

Un outil pour étudier les déroulements : les proximités-en-acte mises en jeu par les enseignants

CHAPITRE II – PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE

3 L ES PROTOCOLES D ’ OBSERVATIONS ET RECUEIL DE DONNEES

3.2 D ES REGULARITES COMMUNES AUX ENSEIGNANTS SUIVIS

3.2.2 Un outil pour étudier les déroulements : les proximités-en-acte mises en jeu par les enseignants

L’étude effectuée ci-dessus a permis de dégager deux dimensions de l’institutionnalisation. Pour étudier le PI dans les classes, il faut d’une part étudier ce qui relève d’une ou de l’autre dimension, mais aussi identifier ce qui relève du PTG et du PCDR.

Institutionnaliser un savoir ou une méthode est un processus pour lequel expositions de connaissances à l’oral et à l’écrit s’entrecroisent.

Le maître organise des séances de manière à mettre en relation connaissances anciennes et nouvelles. L’activité du professeur dans ce processus est faite d’allers-retours entre ce qui a été fait (sur lequel les élèves vont devoir s’appuyer) et ce qui est à construire. Par ailleurs une des doxas de l’école est de s’appuyer sur le discours des élèves pour construire des

Chapitre II – Problématique et méthodologie traces écrites. C’est ainsi que dans les instituts de formation dans lesquels nous étions en 1996, les formateurs nous conseillaient de ne pas produire de traces écrites a priori mais de les construire avec les élèves en s’appuyant sur leur discours. Sasha et Solène ont entendu le même discours en formation dans un autre institut de formation.

Nous avons établi que les expositions de connaissances à l’écrit étaient rares, en nous appuyant sur notre travail de mémoire et notre expérimentation zéro. Nous allons dans les chapitres 4,5,6 en proposer des explications. Nous avons pensé que ces EC écrites ne semblaient pas être la clé de voute du PI mais pour autant nous postulons que les enseignants suivis exposent des savoirs. Il est alors assez probable que ces expositions des connaissances se réalisent à l’oral. Pour les qualifier nous avons vu que nous pouvons évaluer leur degré de décontextualisation, leur niveau de généralisation. En utilisant d’autres travaux nous pouvons affiner la caractérisation des EC produites en tenant compte des proximités discursives. Ces proximités apparaissent dans le discours des professeurs. Par exemple, ils peuvent alors parler des « fois » et des « plus » pour désigner la multiplication et l’addition. Il est alors hâtif d’en déduire que les enseignants ne connaissent pas les mots plus savants.

Robert et Vandebrouck (2014) ont introduit la notion de proximité-en-acte pour qualifier ce qui, dans le discours ou même dans les décisions des enseignants, peut être interprété par les chercheurs comme une tentative de rapprochement avec les élèves. Robert (2015) explique que les

« proximités-en-acte traduisent une activité de l’enseignant (souvent discursive mais pas seulement) visant à provoquer et/ou exploiter une proximité avec les réflexions ou les connaissances des élèves ; cela est sans doute voulu par l’enseignant, mais plus ou moins explicitement, peut-être même automatiquement, cette proximité est d’ordre cognitif ou non, et concerne ou non tous les élèves » (Robert 2015, p.5)

Ces auteurs distinguent des proximités cognitives et d’autres non mathématiques mais concourant à établir la paix scolaire comme des proximités affectives (encouragements) ou encore langagières (jouant sur divers niveaux de langue), elles peuvent se faire aussi par le biais de répétitions (avec ou sans ajouts), de reprises. Ces interventions qui ne font pas nécessairement avancer le temps didactique témoignent de l’attention et de l’intérêt de l’enseignant pour ses élèves. C’est ainsi que dans les discours des professeurs, il est possible de relever des utilisations de pronoms personnels tels « je » et « nous » comme Solène qui demande « je voudrais que vous me disiez ce que nous avons fait la semaine dernière ». Dans notre projet nous nous intéressons essentiellement aux proximités plus cognitives, c’est-à-dire à tout ce que l’enseignant peut dire ou faire pour rester « proche » de ses élèves du côté du savoir en jeu. Ces proximités s’expriment par exemple lors des reprises ou non de mots utilisés par les élèves, des ajouts de symboles, de vocabulaire après discussions avec ces derniers. Ces proximités permettent d’établir des liens entre les activités réalisées par les élèves et la connaissance en jeu.

En nous appuyant toujours sur les travaux de Robert & Vandebrouck (2014), nous allons identifier dans le discours des enseignants trois types de proximités.

Les proximités ascendantes consistent à s’appuyer sur ce que disent les élèves en substituant ou en ajoutant du vocabulaire, du symbolisme, des niveaux de formulation plus généraux.

Chapitre II – Problématique et méthodologie Par exemple : les élèves disent qu’ils ont reporté trois fois une bande. Le professeur reprend et dit qu’ils ont reporté trois unités.

Les proximités descendantes quant à elles sont celles qui permettent d’ancrer l’ancien dans le nouveau, le professeur articule un discours décontextualisé et recontextualise si besoin. Il rappelle les conditions de l’émergence de la nouvelle connaissance ou un fait saillant qui remobilise les élèves.

Par exemple : le professeur explique que trois fois trois tiers d’une unité font 1 puis recontextualise en expliquant que lorsqu’on reporte trois un tiers d’une bande unité on obtient une bande égale à l’unité.

Bien entendu ce n’est pas toujours aussi transparent que dans les exemples choisis et cela n’existe pas toujours

Les proximités horizontales, reprennent sans ajout du professeur ce qui vient d’être énoncé. Ces proximités ont sûrement un rôle non mathématique même si elles contiennent des mathématiques. Robert (2015) ajoute que « tout se passe comme si cela servait plus à maintenir des interactions qu’à des objectifs purement cognitifs ».

Finalement, pour caractériser les EC, nous allons utiliser les transcriptions des séances filmées. Nous allons découper en épisodes chacune de nos transcriptions quand cela est possible. Puis, nous soulignerons ce qui potentiellement dans le contexte de son émission semble relever d’une EC. Puis nous qualifierons cette EC selon son degré de décontextualisation ou son niveau de généralité et enfin nous pourrons estimer de quelles proximités relèvent l’EC produites.

4 Conclusion.

Nos données sont de différentes natures (audio et écrites). Nous les qualifions de brutes dans le cas des transcriptions, des textes dans les recueils de leçons. Nous avons aussi des données travaillées afin de pouvoir plus aisément les analyser. C’est ainsi que nous avons reconstitué les sommaires des cahiers de leçons. Nous avons aussi écrit sur la base de nos entretiens non enregistrés des notes de synthèses que nous avons fait relire aux enseignants de notre étude. Enfin pour extraire les EC de nos transcriptions, nous avons découpé en plusieurs épisodes les déroulements effectifs puis extrait ce qui correspondait à des EC et enfin reconstitué des textes de connaissances. Nous développerons cette partie de la méthodologie en nous appuyant sur un exemple dans le chapitre 4

Nos données vont nous permettre de comparer des séances sur l’introduction des séances (4 enseignants) au regard des expositions des connaissances induites. Nous pourrons alors établir s’il y a des connexions entre l’activité et les EC.

Enfin nous avons des données indirectes (qui ne sont pas liées avec les activités en classe des enseignants). Nous avons vu que ces derniers utilisent des ressources dont nous allons analyser les passages utilisés afin d’établir leur rôle potentiel dans les moments d’EC.

Notre projet permet de réaliser une étude qualitative et longitudinale (plusieurs enseignants sur plusieurs années sur le même projet) du PI.

Pour résumer, notre projet traite du Processus d’Institutionnalisation au sens élargi. Nous prenons en compte tout ce qui relève d’une exposition de connaissances en dehors de moments explicitement dédiés. Nous allons caractériser l’ensemble du processus sur une

Chapitre II – Problématique et méthodologie notion en particulier : l’enseignement des fractions. Cet enseignement est souvent attaché à un contexte. De plus, l’étude de ce qu’impliquent la décontextualisation et la dépersonnalisation dans les pratiques de professeur expérimenté va être réalisée pour une notion nouvelle de fin d’école primaire. Enfin, pour mieux comprendre la genèse de ce processus, nous proposerons des analyses a priori et a posteriori des activités d’introduction que nous mettrons en relation avec les EC produites.

Enfin, suite à cet état des lieux et à ces analyses nous serons à même de décrire ce que signifie institutionnaliser dans des classes de professeurs expérimentés et d’ouvrir ainsi des perspectives notamment en formation d’enseignants.

Chapitre III –

Documents relatifs