et Bourges, la région
Centre rayonne par son
patrimoine monumental.
Malgré les vicissitudes
et les outrages du
temps, son patrimoine
écrit et imprimé n’est
pas en reste, ce qui
rend les bibliothèques
particulièrement
conscientes de leur rôle
à jouer pour l’avenir.
O
LIVIERM
ORAND Bibliothèques d’Orléans Unité patrimoineReliure à l’emblème de François Ier, peu
après 1515 - BM Orléans, Rés. C 175.
30 Bibliothèque(s) - REVUEDEL’ASSOCIATIONDESBIBLIOTHÉCAIRESDEFRANCE n° 50 - mai 2010
les plus nombreux. Plusieurs témoignent de la variété et de la beauté de l’art du livre au Moyen-Âge comme, à Tours, le sacramentaire du pape Grégoire le Grand, daté de la fin du
IXe s. ou le missel de l’archevêque Simon Renoulph du milieu
du XIVe s. De la Sainte-Chapelle du duc de Berry, qui la voulait
égale à celle de Paris, subsistent quelques manuscrits litur- giques dont un magnifique lectionnaire conservé à Bourges.
Le monde du manuscrit est aussi bien présent dans les siècles ultérieurs, avec par exemple les fonds George Sand de Châteauroux et de La Châtre (36). À Orléans, qui a gardé le souvenir de Max Jacob, sont conservés des manuscrits de méditations et plusieurs séries de correspondances avec Roger Toulouse ou Nino Frank.
Du côté des imprimés, les principales BM de la région sont bien pourvues en éditions anciennes, mais il faut aussi signaler le Centre d’études supérieures de la Renaissance qui dépend de l’université de Tours. Grâce au legs de Jean Jacquot complété par une politique d’achats, il se compose de plus de 2 500 ouvrages jusqu’au début du XVIIe s., avec une présence
importante d’Érasme et de Jean Bodin.
Parmi les autres fonds présentant un intérêt spécifique, la région Centre s’enorgueillit de posséder deux des plus importantes collections de mazarinades de province, l’une à Bourges, l’autre à Orléans.
D
ELAMAGIE,
DESTRAINSETDESLIVRESD’
ARTISTESQu’il s’agisse d’imprimés ou de manuscrits, les réserves des bibliothèques offrent souvent un bon panorama de l’histoire Louis Bourdillon à Châteauroux, Philippe François Durzy à
Montargis… La loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État a conduit à son tour à l’entrée dans certaines BM de fonds entiers issus de cures, de séminaires ou de biblio- thèques paroissiales. Les dons et legs n’ont pas cessé au XXe s.
et jusqu’à ce jour, notamment pour tenter de reconstituer les fonds endommagés par la guerre, avec le legs de Mgr Marcel à Tours et plusieurs actes de générosité de la population de Chartres, mais aussi le fonds Villette entré à Blois en 2003 (cf.
encadré p.31). Certains fonds anciens sont enfin l’héritage
de bibliothèques populaires, comme ceux de Bonneval (28), Ouchamps (41) et Saint-Jean-de-Braye (45).
Si l’on excepte les monnaies de la collection Arnoult, conservées à Orléans, dont certaines remontent à la colonisation grecque de la Gaule, les documents les plus anciens sont les manuscrits médiévaux. Un frag- ment des Histoires de Salluste, datant du Ve s. et inconnu par ailleurs, qui a
servi de contregarde dans une reliure ultérieure, est encore conservé avec d’autres fragments de même époque à Orléans. Plusieurs bibliothèques conservent des manuscrits médiévaux venus d’abbayes, de fonds ecclésias- tiques, de collectionneurs ou d’achats
ultérieurs. Bibles, livres liturgiques, chroniques, ouvrages de droit sont
Reliure de Grolier surchargée du G de Guillaume Prousteau, BM Orléans, Rés. D 1154.
De g. à d. : Sacramentaire à l’usage de Saint-Martin-de-Tours, Enlèvement du corps de saint Martin, BM Tours, ms. 193, fol. 116v.
Saint Jérôme, Heures à l’usage de Rome, XVe siècle, BM Tours, ms. 218, fol. 149v.
Heures à l’usage de Bourges ou de Tours, David et Bethsabée, BM Tours, ms. 2283, fol. 29.
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OLIVIER MORAND䊳 Une région fière de son patrimoine écrit 31
la France, la ville de Saint-Pierre-des- Corps (37) a constitué, à partir de 1983, un important fonds « Chemin de fer » abordant tous les aspects techniques, économiques, sociaux et culturels de l’histoire des trains.
Les différentes bibliothèques ne négligent pas le patrimoine contempo- rain qu’elles constituent en pensant à l’avenir. C’est le cas des fonds locaux de conservation ouverts dans les prin- cipales bibliothèques qui s’enrichis- sent des publications courantes ainsi que d’achats rétrospectifs des titres qui pouvaient manquer. C’est aussi dans cet esprit qu’ont été constitués des fonds de livres d’artistes auxquels ont de la reliure, avec les reliures médiévales de Vendôme et d’Or-
léans dont plusieurs ont gardé les plats de bois d’origine 1,
les reliures de Grolier conservées notamment à Bourges et à Orléans, celles de collections royales ayant abouti à Bourges. Plus près de nous, une reliure de Creuzevault sur une pièce de Claudel est conservée à la BM de Tours. Cette dernière ville, berceau de la fameuse maison Mame, conserve un important fonds de cartonnages romantiques fabriqués au sein de cette entreprise.
Plusieurs bibliothèques de la région ont développé des fonds particuliers. C’est le cas de Blois qui, profitant de la pré- sence de la Maison de la magie, a créé depuis une dizaine d’an- nées un fonds spécialisé d’ouvrages sur toutes les méthodes de magie blanche. Nœud ferroviaire essentiel du centre de
LA COLLECTION VILLETTE À LA BIBLIOTHÈQUE DE BLOIS
En 2003, la ville de Blois a reçu une exceptionnelle donation qui réunit une importante collection de livres et de journaux des XIXe et début XXe s. centrés sur la caricature et l’image
satirique, à laquelle s’ajoute un bel ensemble de livres anciens du XVe au XVIIIe s. Ce fonds
constitué entre 1945 et 1995 par Max Villette, collectionneur blésois, ancien directeur du Centre culturel français de Düsseldorf, a été offert par sa veuve pour éviter une dispersion qu’elle estimait dommageable.
Le principal intérêt de cette donation vient de la cohérence et de la pertinence des documents rassemblés, reflets des événements et des opinions qui ont traversé la France au XIXe s. La
monarchie de Juillet, la Commune, l’Affaire Dreyfus, la première guerre mondiale, le roman- tisme, la censure de la presse, l’émancipation féminine y sont représentés par les dessins des plus grands illustrateurs : Daumier, Henry Monnier, Grandville, Gavarni, Gill, Robida, Caran d’Ache, Forain, Steinlen, Sem, Iribe et bien d’autres figurent dans la collection.
La presse satirique tient une place importante. De La Foudre (1822) et du Charivari (1832) au Canard enchaîné (1916) et à La charrette charrie (1922), la donation compte 150 titres dont une trentaine de têtes de collections. Tous les styles et toutes les tendances politiques du XIXe s. sont représentés dans cette extraordinaire réunion de feuilles satiriques parmi
lesquelles on remarque L’Assiette au Beurre, Le Canard Sauvage et Le Rire.
À côté de ces revues, Max Villette a réuni un bel ensemble d’albums illustrés, souvent issus des mêmes auteurs : recueils d’Al- bert Guillaume, d’Henry Monnier, d’Isabey, albums de Granville, de Gavarni, de Cham, sans parler d’un petit millier de gravures séparées forment un incontournable complément aux titres de presse.
Depuis 2003, le fonds patrimonial s’efforce de compléter cette collection. C’est ainsi qu’ont pu être achetés des périodiques importants comme la première année de la Caricature de Philippon, la collection complète du Frou Frou et un ensemble impor- tant du Cri de Paris. Par ailleurs, nous complétons la documentation sur la caricature par des ouvrages de base comme le
Dictionnaire des illustrateurs d’Osterwalder ou le Dico Solo. Enfin trois expositions en 2003, 2004 et 2007 ont permis de mettre
en valeur et de faire connaître ce qui reste une des plus importantes donations faites à la bibliothèque de Blois.
Bruno GUIGNARD
Responsable du fonds patrimonial des bibliothèques de Blois
© Thierry Davigny , Ar chiv es dépar tementales du L oir -et-Cher .
Gustave-Henri Jossot, « La justice égale pour tous… », L’Assiette au beurre, 12 septembre 1901. Fonds patrimonial des bibliothèques de Blois.
Livre de magie graphique, vers 1900, BM Blois.
1. Ces ensembles ont chacun fait l’objet d’un catalogue scientifique aux éditions Brepols.
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Thierry L
eclair
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été intégrés des créateurs comme Marie Alloy, Jean-Jacques Sergent, Bernard Foucher ou Émile-Bernard Souchière, ou encore les œuvres rares d’un auteur comme Yves Bonnefoy à Tours.
Il n’est pas possible d’évoquer tous les lieux de conservation du patrimoine écrit en ces quelques pages, d’autant qu’il faut aussi compter les services départemen- taux et municipaux d’archives et des