• Aucun résultat trouvé

Chapitre I : Mémoires à changement de phase et mécanismes de défaillance

IV. 2.3.2.3 Origine physique du mécanisme

La modification de la composition chimique du matériau à changement de phase après cyclage résulte de la redistribution des éléments chimiques dans ce matériau. On note qu’au cours de l’opération de Reset, le champ électrique et la température atteignent des valeurs élevées, typiquement J= 5.1E6 A/cm² et T> 700°C.

Par ailleurs, au cours de la programmation et plus particulièrement dans la phase liquide, les espèces sont susceptibles de se déplacer sous l’effet de 4 facteurs: [66]

- l’électromigration : celle-ci résulte de la forte densité de courant dans le matériau. Toutes les espèces sont alors emportées dans la même direction par le flux de charges. - la migration ionique par effet de champs : sous l’effet du champ électrique fort, il y a

création de particules chargées dans le matériau à changement de phase qui vont se séparer et créer un mouvement de charges. De plus, nous savons que sous l’effet d’un gradient de potentiel électrique, Ge et Sb migrent vers la polarité négative et Te vers la polarité positive. Ceci entraîne le changement du ratio Ge/ Sb. [61] [63]

- le gradient de concentration (diffusion de Fick) : celle-ci tend à homogénéiser la composition du matériau à changement de phase.

- le gradient de température (thermodiffusion) : Ge migre vers les zones froides et Sb vers les zones chaudes.

Par conséquent, la région fondue est soumise à plusieurs forces lorsque le dispositif est bloqué à l’état « Set-stuck ». Une force motrice constituée de la somme de différentes forces décrites plus haut devient active.

Le gradient de concentration tend à rendre la composition de la phase fondue uniforme et thermodynamiquement stable.

Or le gradient de température entraîne une séparation des éléments chimiques en fonction de la température. Les atomes de Ge sont éjectés vers les zones froides alors que les atomes de Sb restent dans le cœur de la zone active très chaud.

L’étude [63] a montré que l’application d’une polarisation permet d’accélérer l’effet de stabilisation de la phase. En polarisation directe, on applique à la cellule des impulsions de RESET consécutives avec un courant I> IReset; la force électrostatique et la force de diffusion tendent à se compenser et la cellule reste bloquée à l’état SET. En polarisation inverse, les forces sont plus importantes et donc la cinétique de transport obtenue est plus rapide et permet de retrouver une phase uniforme.

Par l’application de 10 impulsions de RESET successives, le courant IReset du dispositif diminue (Figure 30) et la tension VTH augmente (Figure 31). De plus, ils atteignent les valeurs du dispositif avant cyclage. Le dispositif quitte l’état « Set-stuck » et devient alors fonctionnel. Ensuite, il montre une endurance au cyclage de 1E5 cycles. [63]

60

Figure 30 : Caractéristiques R-I d’un dispositif initialement bloqué à l’état « Set-stuck », après l’application de séries d’impulsions RESET. [63]

Figure 31 : Evolution de la tension seuil VTH au cours

des impulsions de RESET. [63]

IV.2.4 Rétention

IV.2.4.1 Mécanisme de défaillance : la cristallisation de la phase amorphe

La phase amorphe étant instable, elle risque de subir une cristallisation non contrôlée si une énergie lui est appliquée ou si beaucoup de temps passe depuis sa programmation. La cellule PCRAM initialement programmée à l’état RESET va donc connaitre une cristallisation progressive de son matériau actif qui implique une chute de la résistance et donc un changement de l’état de programmation de la cellule. Ce mécanisme dépend de la température et du temps. Afin de tester les performances en rétention d’un dispositif, on le soumet à une température donnée constante et on mesure sa résistance à différents pas de temps. On obtient ainsi des tracés de la résistance en fonction du temps qui nous permettent de définir le temps de rétention à la température testée selon le critère de défaillance choisi sur la résistance.

Par ailleurs, l’évolution de la résistance pour une même cellule programmée avant chaque test à l’état RESET présente un comportement stochastique. Un modèle théorique de Monte Carlo a été développé par le groupe de Lacaita afin d’expliquer ces fluctuations statistiques de la résistance en fonction du temps R(t) en tenant compte de la dynamique de cristallisation du matériau GST. [69]

En fait, le mécanisme qui contrôle la rétention se déroule en trois étapes : [70] - Nucléation de germes dans la phase amorphe

- Formation de filaments conducteurs de faible résistance par percolation: les grains formés s’enchainent pour former un chemin conducteur, ce qui conduit à une chute de la résistance. - Coalescence des cristaux et stabilisation de la résistance à une valeur faible.

Le comportement stochastique observé sur les courbes R(t) (

61

Figure 32 : Résistance mesurée en fonction du temps pour le même dispositif PCRAM à 190°C. Le dispositif est toujours préparé dans le même état de résistance RESET avant le recuit. [70]

Le modèle mentionné précédemment permet de suivre la morphologie cristalline de la phase et de calculer la fraction cristalline formée dans la région amorphe suite au recuit thermique à une température donnée (Figure 33). Ensuite, le modèle permet de calculer la résistance au cours du temps à cette température (Figure 34). La Figure 34 indique les étapes de la cristallisation schématisées sur la Figure 33 : la nucléation (a), la percolation (b) et la coalescence des grains cristallins (c).

Figure 33 : Evolution de la morphologie de la phase initialement amorphe calculée durant le recuit

thermique qui mène à la cristallisation. [69]

Figure 34 : Evolution de la résistance mesurée et calculée en fonction du temps à différentes températures de

recuit : 180°C, 190°C et 210°C. [69]

A partir des courbes de rétention mesurées à différentes températures, on peut évaluer le temps de défaillance à chaque température et tracer la courbe d’Arrhenius représentant le temps de cristallisation en fonction de 1/kBT. Par extrapolation, il est possible de déterminer la tenue en rétention d’une cellule à une température donnée, comme l’indique la Figure 35 qui montre pour la cellule étudiée une rétention de 10 ans à 110°C.

62

Figure 35 : Tracé d’Arrhenius donnant le temps de rétention en fonction de la température pour une cellule PCRAM à base de GST. [61]

La rétention de l’état RESET constitue un axe d’étude très important pour les PCRAM, l’objectif étant de trouver le meilleur compromis entre une température de cristallisation élevée et un temps et un courant de cristallisation faibles. Pour cela, il est nécessaire de comprendre les mécanismes physiques mis en jeu dans la cristallisation et identifier les paramètres physiques impactant la rétention. Ceci constitue une partie de ce travail de thèse et fera l’objet du chapitre II de ce manuscrit.

IV.2.4.2 Spécifications visées

Comme nous l’avons mentionné précédemment, la rétention de l’information au cours de la vie du dispositif doit être de 10 ans à 85°C pour répondre aux spécifications des applications grand public et de 10 ans à 150°C pour les applications automobiles.

Par ailleurs, pour certaines applications embarquées telles que les cartes numériques sécurisées (ou « Secure Smart-Card »), une spécification plus contraignante doit être respectée. Il s’agit de la rétention de l’information au cours de l’étape de « Soldering ».

En effet, pour ces applications, il est nécessaire de stocker les informations sur la matrice mémoire avant de procéder à la soudure de la puce mémoire sur la carte électronique comportant le circuit logique programmable pour des raisons de confidentialité.

Ceci nécessite le développement de procédures de pré-codage spécifiques et de dispositifs à base de matériaux optimisés qui permettent de pré-coder deux états d’informations stables lors de l’étape industrielle de soudure.

Cette étape connue sous le nom de « Soldering Reflow» correspond à un recuit thermique standard de 2 minutes à 260°C.

Des dispositifs à base de matériaux optimisés ont été fabriqués au LETI et testés pour étudier leur compatibilité avec le recuit de « Soldering ». Les résultats seront présentés dans le chapitre III de ce manuscrit.

63