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Chapitre II : Étude du colaminage d’un trilame Al/Acier/Al

III. Étude des instabilités plastiques au cours du colaminage

III.2 Étude des instabilités plastiques

III.2.1. c Origine des instabilités plastiques

La striction et la fragmentation de l’acier sont donc observées au cours du colaminage mais leur origine n’est pas encore totalement connue. Dans le Chapitre I, nous avons vu qu’une grande différence de propriétés mécaniques entre la phase dure et la phase molle favorise l’apparition de la striction (Imai et al. [42] et Utsunomiya et al. [43]). De même, il a été montré théoriquement par Nowicke et al. [40] qu’en assimilant le laminage à une compression plane, la phase dure, insérée entre deux phases molles, est en traction suivant la direction de laminage alors que les phases molles sont en compression. Cette traction favorise ainsi l’apparition de la striction.

Le modèle numérique 2D développé au cours de cette thèse permet de contribuer à la compréhension de ce phénomène. Les contraintes selon la direction de laminage (DL) sont représentées sur la Figure II.28 pour des taux de réduction de 50, 60 et 70 %. Le contact entre les cylindres et le trilame est précisé sur les figures par des traits verticaux représentant l’entrée et la sortie des cylindres.

Figure II.28 : Visualisation des contraintes selon DL obtenues à différents taux de réduction (modèle numérique 2D) (a) et évolution de ces contraintes au centre de la tôle d’acier et à la

Suivant DL, on constate que l’acier est effectivement en traction (contraintes positives), principalement en entrée et plus faiblement en sortie des cylindres. De plus, la longueur de contact entre cylindres/trilame augmentant avec le taux de réduction, la longueur de cette zone de traction en entrée augmente aussi légèrement. Les deux couches d’aluminium sont, quant à elles, en compression (contraintes négatives) sous les cylindres et ces contraintes augmentent avec le taux de réduction. Néanmoins, l’acier passe tout de même par une zone compressive, là où la compression de l’aluminium est maximale, à 60 et 70 %. Ce dernier résultat n’a pas été prédit par Nowicke et al. [40]. Une rapide diminution de l’épaisseur de l’aluminium en entrée des rouleaux, entraînant l’acier avec lui, peut expliquer ces contraintes de traction. En sortie, la relaxation des contraintes de compression dans les couches d’aluminium peut expliquer les contraintes de traction dans l’acier car les interfaces Al/Acier à cet endroit sont considérées comme liées.

La Figure II.28 (b) révèle aussi que les contraintes selon la direction de laminage en entrée sont égales quel que soit le taux de réduction. Ainsi, les lames d’aluminium sont soumises à une compression en surface d’environ 70 MPa dès l’entrée et ont des valeurs équivalentes jusqu’à environ la position de -2 cm pour les trois taux de réduction. Plus étonnant encore, les contraintes maximales de traction au cœur de l’acier en entrée atteignent une valeur identique qui est d’environ 355 MPa pour ces trois taux de réduction. On en conclut que la valeur de contrainte de traction de l’acier selon DL ne peut pas expliquer à elle seule l’apparition de la striction. En effet, bien qu’une même contrainte de 355 MPa soit atteinte, la striction de l’acier dans le modèle numérique 2D se forme à 60 % et 70 % mais pas à 50 %.

Les contraintes selon la direction normale (DN) sont représentées sur la Figure II.29 pour les trois taux de réduction étudiés. Suivant DN, l’acier et l’aluminium sont tous les deux en compression. Cette compression augmente évidemment avec le taux de réduction. De plus, les contraintes de compression sont légèrement plus élevées dans l’acier. Notons qu’une compression dans cette direction facilite la formation de la striction et favorise l’extrusion et le soudage de l’aluminium à travers la fragmentation de l’acier. La Figure II.29 (b) révèle de plus que les contraintes de compression selon DN sont aussi équivalentes en entrée (≈ 200 MPa) quel que soit le taux de réduction.

Ainsi, l’origine de la striction est attribuée à une association de plusieurs paramètres : - la traction de l’acier en entrée selon DL,

- la compression de l’acier et de l’Al selon DN,

- la diminution de l’épaisseur de la tôle d’acier et des tôles d’Al (Figure II.30) qui entraîne l’acier.

On observe en effet que l’épaisseur d’aluminium décroît d’autant plus rapidement que la réduction augmente. La diminution de l’épaisseur de la tôle d’acier est, quant à elle, équivalente sous les rouleaux pour 50, 60 et 70 %. L’ondulation des courbes, notamment visible sur celle de 70 %, est liée à la striction de l’acier. Ces courbes montrent donc que c’est essentiellement l’Al qui supporte l’augmentation du taux de réduction.

Figure II.29 : Visualisation des contraintes selon DN obtenues à différents taux de réduction (modèle numérique 2D) (a) et évolution de ces contraintes au centre de la tôle d’acier et à la

Figure II.30 : Diminution de l’épaisseur de la tôle d’Al et d’acier au cours du colaminage à différents taux de réduction (modèle numérique 2D)

On observe sur les Figures 28 (b) et 29 (b) que les valeurs maximales de compression sont atteintes grosso modo au même point (≈ - 0,6 cm) par rapport à la sortie. Ce point est nommé communément « point neutre » et représente la position à laquelle la vitesse du composite est égale à la vitesse des cylindres et où les contraintes de cisaillement changent de signe (Figure II.31). Pour les trois taux de réduction simulés, les contraintes de cisaillement DL-DN changent bien leur signe aux alentours de - 0,6 cm. Les contraintes de cisaillement sont antisymétriques par rapport au centre de l’acier car les cylindres ne tournent pas dans le même sens : sens trigonométrique pour le rouleau supérieur et sens horaire pour le rouleau inférieur.

Figure II.31 : Contraintes de cisaillement DL-DN (a) et évolution à la surface de l’Al au cours du colaminage (b) (modèle numérique 2D)

Finalement, bien que les contraintes de traction selon DL et de compression selon DN soient identiques en entrée, l’augmentation du taux de réduction favorise l’apparition de la striction. En effet, plus le taux de réduction est élevé, plus la striction apparaît tôt, au plus proche de l’entrée.

Ainsi, la Figure II.32, montre que la première striction visible (flèches blanches) se rapproche de l’entrée lorsque le taux de réduction augmente de 60 à 70 %. Cette représentation permet aussi d’observer plus distinctement la périodicité de la striction au cours de sa formation sous les cylindres. On constate également que les déformations plastiques sont en forme de « X » selon l’épaisseur du trilame. Cette zone correspond à une zone de cisaillement maximal, c’est une croix que l’on observe aussi en mise en forme par forgeage. On peut penser que si le cisaillement n’est pas suffisant (cas du 50 %) alors la striction n’aura pas lieu. On ramène là le critère d’apparition de la striction à un critère en déformation, tout comme l’est le critère classique de Considère qui définit l’apparition de la striction lors d’un essai de traction uniaxiale : 𝜀 = 𝑛 , n le coefficient d’écrouissage du matériau).

Figure II.32 : Déformation plastique équivalente et structure du trilame au cours du colaminage à 50 % (a), 60 % (b) et 70 % (c) (modèle numérique 2D)