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PARTIE I CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL

CHAPITRE 2 : INTERACTION EN CLASSE DE LANGUE ET APPROCHE

2.1. L’approche interactionniste de l’acquisition d’une langue seconde ou étrangère

2.1.1. Origine et concepts de l’approche interactionniste

L’approche interactionniste de l’acquisition d’une langue seconde ou étrangère doit son développement à la linguistique interactionniste ainsi qu’au développement des sciences humaines, plus particulièrement celui des sciences cognitives et de l’éducation. Cette

18Le terme d’interaction désigne « d'abord un certain type de processus (jeu d'actions et de réactions), puis par

métonymie, un certain type d'objet caractérisé par la présence massive de ce processus : on dira de telle ou telle conversation que c'est une interaction (verbale), le terme désignant alors toute forme de discours produit collectivement, par l'action ordonnée et coordonnée de plusieurs « interactants » (Kerbrat-Orecchioni, 1998 : 55).

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viennent renouveler la conception du processus développemental et la définition de l’objet de l’acquisition ainsi que celle du sujet apprenant. Ce changement qui ne relève pas spécifiquement du domaine des apprentissages langagiers a affecté la psychologie développementale et les recherches en sciences de l’éducation. C’est au cours de cette période de changement que l’on a pu constater que dans de nombreuses disciplines se tracent des dichotomies, par exemple entre social et individuel, entre compétence et performance, entre rationnel et discursif. A la conception générative purement linguistique vient se substituer une focalisation sur l’activité sociale et réflexive de l’apprenant, sur les situations d’élaboration des compétences.

En effet, l’apprenant n’est plus considéré comme un individu intériorisant un système linguistique, mais comme un acteur social qui construit et développe des compétences langagières par le biais de ses interactions avec d’autres acteurs sociaux, d’où l’émergence des approches interactionnistes de la conversation exolingue qui se sont centrés sur le processus discursif et sur son fonctionnement interactionnel comme lieu de construction et d’élaboration des compétences langagières. Une nouvelle perspective s’ouvre sur l’acquisition des langues secondes en mettant l’accent sur le rôle de l’interaction et des conditions sociales qui la régissent dans les processus de l’apprentissage.

Les travaux menés dans ce cadre étudient les conditions et mécanismes socio interactifs telles que les négociations interactives, les tâches communicatives qui ont lieu au cours des processus d’apprentissage. Ces études s’appuient sur le développement de la sociolinguistique, de la pragmatique ainsi que sur celui de l’analyse conversationnelle et sur les travaux de Vygotsky. S’inspirant également des études en ethnographie de la communication, de nombreux travaux ont étudié l’influence des conditions socio- institutionnelles sur la construction et la mise en pratique des compétences langagières.

En parallèle, et suite aux travaux en psychologie développementale sur le développement des langues premières, la théorie socioculturelle de l’acquisition des L2 se développe. Ces travaux s’intéressent également aux interactions comme favorisant l’apprentissage, mais insiste sur la dimension socio-historique des activités liées à l’apprentissage et aux ressources communicatives de nature socio-historique

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données socio-historiques structurent les processus sociaux et influent sur les processus cognitifs de la mobilisation sociale. Ces ressources émergent en réponse à des forces socio historiques dépassant le cadre de la rencontre immédiate qui, en structurant des processus sociaux, influent sur les processus socio cognitifs.19

Cette approche se base sur l’idée selon laquelle l’interaction sociale est constitutive des processus cognitifs et constructifs des savoirs, des savoirs faire langagiers et de l’identité de l’apprenant. Elle est un facteur de structuration de processus développementaux. On ne se réduit plus à dégager les régularités des productions d’un individu puis d’en déduire les éléments d’un développement cognitif ou d’un système linguistique. Cette conception de l’acquisition comme processus socio cognitif nous amène à la considérer comme un phénomène socialement situé dans des contextes différents et à étudier l’apprenant dans ses relations sociales, dans ses représentations du monde et dans ses processus interprétatifs. Pour Goffman : « L’interaction sociale peut être définie de façon étroite, comme ce qui apparaît

uniquement dans des situations sociales c'est-à-dire des environnements dans lesquels deux individus ou plus sont physiquement en présence de la réponse de l’un et de l’autre. »

(Goffman, 1988 :191). Elle propose ainsi une vision dialogale, sociale et même socio-cognitive du langage et de l’élaboration langagière, elle se situe aux antipodes de « l’optique monologale et monologique dominante » (Arditty et Vasseur, 1999 : 12)

Pekarek (1999) identifie 3 postulats de base qui forme le cœur de l’approche interactionniste

• L’interaction constitutive et son rôle dans le développement langagier • La nature située et réciproque de l’activité discursive et cognitive • La sensibilité contextuelle des compétences langagières.

Elle souligne également la dépendance des compétences en élaboration par rapport aux conditions discursives et socio-interactionnelles dans lesquelles elles sont utilisées et suscitées, d’où l’efficacité variable de ces conditions et la variabilité même de ses compétences.

Ces trois postulats trouvent leur enracinement dans des champs d’étude divers comme la sociologie interprétative des attentes normatives (Schultz 1967), l’analyse conversationnelle

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(2000) , ce qui constitue donc l’aspect original de l’approche interactionniste, c’est qu’elle a eu le mérite de réunir ces trois postulats dans une démarche analytique, interprétative dont le but est de mieux cerner le fonctionnement socio interactionnel lié à des processus et condition d’apprentissage et de mieux comprendre l’apprentissage, les compétences, et l’apprenant comme acteur social.

2.1.1. Les références clés de l’approche interactionniste

Pour Vasseur et Arditty (1992), l’emploi des termes « interaction » et « discours » renvoie toujours à quelque chose de social. Selon eux, la multitude d’interactions qui se jouent quotidiennement a un effet sur les identités sociales, les appartenances à des groupes sociaux et la relation entre les groupes. Une telle approche s’intéresse également aux

« conséquences de ces rencontres interculturelles pour les individus, membres de ces

groupes »qui en découlent. Elle tente de rendre compte de l’évolution sociale, de l’inventivité dont fait preuve les individus, de l’histoire personnelle liée aux différentes instances de socialisation (famille, groupe de pairs, école, milieu professionnel, etc.), et qui « leur permet

de créer des surprises dans le déroulement de telle ou telle interaction » (Arditty et Vasseur,

1999: 12) afin de s’imposer en tant qu’êtres sociaux. En effet, « le sujet se construit en même

temps qu’il se trouve construit.» (Vion, 1992 :8). Cette conception confère un rôle capital au

processus de communication dans la constitution de la nature humaine et de la réalité sociale, apportant ainsi une vision sociale de l’individu.

Selon la psychologie Vygotskienne, le fonctionnement mental est intrinsèquement lié aux structures et aux processus des pratiques sociales. Il est sujet à des changements en lien avec l’intériorisation de ces processus sociaux, raison pour laquelle la médiation sociale y joue un rôle important. En effet, c’est à travers des interactions avec l’expert qui l’aide et l’assiste dans la gestion de la tâche que l’apprenant élabore ses compétences. Mais pour que cette médiation soit efficace, rappelons que cette aide apportée par l’adulte doit être adaptée au niveau des compétences de l’apprenant. En d’autres termes, l’enfant/l’apprenant élabore ses compétences supérieures par le biais de l’interaction avec un expert (l’adulte, un enseignant) qui l’aide à gérer une tâche20. La notion de zone de proche développement

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compétences de l’apprenant/enfant. Autrement dit, le discours des acteurs de la communication peut être analysé à travers les manifestations de traitements cognitifs et d’accomplissements de tâches sociales. Les travaux de Vygotsky ont ainsi permis de conceptualiser le lien entre l’interaction comme étant une activité sociale et l’acquisition en tant qu’activité sociocognitive.