• Aucun résultat trouvé

PARTIE I CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL

CHAPITRE 2 : INTERACTION EN CLASSE DE LANGUE ET APPROCHE

2.2. Classe de langue et dispositif interactionnel

2.2.2. L’interaction en classe comme prototype de la communication didactique

La communication en classe est nécessairement à visée didactique car le but principal des interactions et l’apprentissage d’objets de savoir.

Ainsi, on peut voir la classe comme le lieu d'apprentissage par excellence :

« Une des spécificités constitutives de la classe de langue est, tout à la fois, de doser, de sélectionner et de densifier les données proposées au travail des apprenants. Avec un temps d'exposition et de pratique généralement limité, il s'agit en quelque sorte d'enrichir le matériau et les traitements auxquels il donne lieu en classe. Il s'agit aussi de l'ordonner de telle manière, dans son introduction et son recyclage, que sa structuration / restructuration progressive soit – en principe – optimalisée. Il s'agit enfin, par divers modes d'évaluation, d'apprécier et de consolider les progrès dans la connaissance et la maîtrise de la langue apprise. » (Coste, 2002 : 14)

65

Tableau 2 : le schéma sous-jacent de la communication didactique (Cicurel, 2007, 33)

Schéma traditionnel de la communication didactique (focalisé sur l’objet

L1 (locuteur compétent) Doit/veut transmettre un corpus de connaissances, un savoir-faire/savoir dire pour accélérer le processus acquisitionnel

L2 (locuteur moins compétent)

Schéma sous-jacent de la communication didactique (focalisé sur la relation ET l’objet)

L1 conscient de l’enjeu de transmission, parfois ému, ayant à gérer temps et matériel craignant de ne pas être compétent

S’adresse à Interagit avec

L2 (individuel et collectif) qui réagissent de façon imprévisible

Ce schéma met l’accent sur la nature asymétrique des interactions de classe. Il souligne également la co-existence des paramètres didactiques et pédagogiques en prenant en considération les émotions des enseignants, les réactions imprévisibles des apprenants et la transmission des savoirs. En outre, ce schéma rappelle que le discours de l’enseignant est de nature polyfocalisée, orienté aussi bien vers l’individu-apprenant que vers le groupe. Ainsi, pour Bouchard, l’interaction didactique est axée sur un « di-logue-polylogue » (Bouchard, 2005). Kerbrat Orecchioni souligne également le caractère exolingue des échanges en classe de langue : « Dans certains types d’interactions que l’on peut dire en ce sens

« inégalitaires », le prototype en étant l’échange didactique entre « maître » et « élèves », les places sont prédéterminées dans le contexte socio institutionnel » (1991 :321)

Toute situation d’enseignement/apprentissage étant régie par un contrat didactique23, les apprenants, interrogés ou non, sont participants actifs de l’interaction. L’objectif de ce contrat est la mise en place d’actions d’apprentissage, ce qui implique non seulement des résultats se traduisant par une modification du savoir (savoir-faire ou savoir dire des apprenants) mais

23 Brousseau,G. a introduit le concept de contrat didactique en didactique des mathématiques. Pour cet auteur,

ce contrat est « l’ensemble des comportements de l’enseignant qui sont attendus de l’élève et de l’ensemble des comportements de l’élève qui sont attendus de l’enseignant. Ce contrat est l’ensemble des règles qui déterminent, explicitement pour une petite part, mais surtout implicitement, ce que chaque partenaire de la relation didactique va avoir à gérer et dont il sera d’une manière ou d’une autre, comptable devant l’autre » (1986). Cicurel définit l’interaction didactique comme « un dialogue finalisé dont le but est l’apprentissage » (Cicurel, 1993 : 95) : c’est dire que tous les échanges verbaux en classe sont motivés par ce but.

66

n’est guère possible d’analyser la communication en classe sans se référer à ce contrat. Si l’enseignant met en place des activités pédagogiques (dans leur très grande diversité), s’il pose des questions à tout propos, s’il encourage la parole inventive, c’est qu’il juge que cela est propice à l’apprentissage de la langue » (Cicurel, 2005 :183).

Celui-ci (le contrat didactique) suit également une logique interactionnelle qui se construit autour :

- d’un thème commun (posé généralement par l’enseignant puis co-construit par plusieurs participants) ;

- d’un format et de ses règles (produire du discours selon certaines directives) ;

- du respect d’un type d’activité qui se met en place (faire un exercice, répéter, inventer une situation, etc.) (Cicurel, 2011a :23).

Pour Brousseau (1986,1989) :

« Une classe de langue est un espace communicationnel où interagissent deux ou plus de deux personnes, qui ont établi entre elles un contrat didactique. Le contrat didactique implique que l’un ou plus d’un des participants se sente(nt) responsable(s) de rendre possible l’acquisition de la L2 par les autres participants. Quand un tel contrat didactique est mis en œuvre, les évènements communicationnels sont institutionnalisés, ce qui signifie qu’ils présentent les caractéristiques d’un rituel et sont perçus et définis comme tels par les participants » (Pallotti, 2002, cité par Arditty, 2005 :15).

Par ailleurs, dans le cadre de l’apprentissage d’une langue, des questions sont soulevées quant à ce que l’on considère comme étant langue ; s’il est question des contenus langagiers, des discours sur la langue, de l’usage de cette langue par les participants ou encore s’il s’agit du déploiement des activités. Que l’un de ses aspects ou autres soit privilégié, la finalité de l’interaction en classe de langue est l’acquisition de savoirs sous forme d’ensemble de compétences langagières (Cicurel, 2011a).

Le caractère prédéterminé de cette interaction (le programme et les contraintes institutionnelles) n’exclut pas pour autant « l’évènement » (ce qui « advient ») qui est à construire par et pour chacun des participants de manière unique. Ainsi, enseigner une langue en contexte institutionnel fait ressortir une double contrainte : « tenir » l’interaction, remplir les obligations interactives et permettre une prise de paroles individualisée et authentique. La communication semble quelque peu paradoxale : il faut apprendre à parler « naturellement » tout en respectant les règles liées à la situation didactique qui sont différentes des règles de

67 classe en interaction :

Interaction socialisée entre : le Pôle professoral

le Pôle apprenant  .discours (prescription, information,

évaluation...)

.processus d’appropriation plus ou moins manifestes

.inséré dans méthodologies, conceptions de l’apprentissage, exigences institutionnelles…

.se manifestant par un schéma d’action

.activités interactionnelles

Stratégies d’apprentissage



Par la médiation d’objets (souvent scripturaux : Textes, livres, outils, inscriptions au tableau) → Influence du contexte, géographique, institutionnel, de l’hors classe (statut de la langue

apprise, possibilités d’entendre, de parler la langue, etc.) Schéma 1 : interaction didactique en classe de langue (Cicurel, 2002)

La classe de langue est ainsi considérée comme un lieu social régi par un mode interactionnel spécifique, avec ses modes constitutifs, ses contraintes, ses contextes, ses acteurs. Elle est aussi le lieu de déploiement de stratégies, de méthodes et d’interactions qui permettent de mieux saisir le processus d’appropriation d’une langue enseignée, ainsi que la manière dont les interactants s’y prennent pour arriver à leurs fins.