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4. Distorsions de ségrégation chez les plantes

4.1 Origine des distorsions de ségrégation

L’analyse des liaisons entre marqueurs se base sur le postulat que les marqueurs étudiés ségrégent dans la descendance de façon mendélienne. Lorsque les fréquences alléliques observées diffèrent de celles attendues, on parle de distorsions de ségrégation. Des distorsions de ségrégation sont fréquemment observées chez les plantes. En plus des exemples concernant les bananiers évoqués plus haut, on peut citer le maïs qui fut la première plante où des distorsions ont été observées (Mangelsdorf et Jones, 1926), le blé (Takumi et al., 2013), les agrumes (Torres et al., 1985), Arabidopsis (Bikard et al., 2009), l’orge (Zivy et al., 1992), Mimulus guttatus (Fishman et al., 2001), le café (Lashermes et al., 2001), le riz (McCouch et al., 1988), Medicago (Jenczewski et al., 1997) ou encore le coton (Li et al., 2007).

4.1 Origine des distorsions de ségrégation

L’origine de ces distorsions de ségrégations peut être variée. On parle de sélection gamétique quand ces distorsions trouvent leur source dans une plus faible viabilité/transmission de certains gamètes et on parle de sélection zygotique lorsque les distorsions observées résultent d’une différence de viabilité entre les génotypes des différents hybrides générés. Les mécanismes à l’origine de ces différences de viabilité des gamètes ou des zygotes sont souvent difficiles à identifier. Différentes situations ont pu être caractérisées parmi lesquelles on peut citer:

(i) les combinaisons de gènes incompatibles : Ce mécanisme se base sur le modèle

Dobzhansky-Muller (Dobzhansky, 1937; Muller, 1942). Ce modèle pose l’hypothèse qu’une mutation apportant un avantage survient dans une population et voit sa fréquence s’accroître dans la population jusqu’à sa fixation. Cependant, la “fitness” de l’allèle portant cette mutation n’est assurée que dans son propre contexte génétique mais peut être incompatible avec d’autres allèles présents chez d’autres génotypes. Le résultat est une stérilité ou perte de viabilité des hybrides portant ces combinaisons d’allèles. La figure 7 schématise ce modèle pour un seul locus, comme observé chez le riz où deux gènes adjacents ont évolué séparément chez Oryza sativa ssp indica et Oryza sativa ssp japonica. Lorsque ces combinaisons alléliques sont mises en présence lors de la formation d’un hybride, cet hybride produit des gamètes (pollens) dont une partie est stérile par un effet d’interaction incompatible

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Figure 8 : Modèle d’évolution d’un gène dupliqué chez deux espèces divergentes et impact sur la fitness de l’hybride. Chez une population ayant deux chromosomes (bleu et

noir), un gène (point rouge) est dupliqué entre le chromosome bleu et le chromosome noir. Suite à un mécanisme d’isolation, la population s’est scindée en deux populations qui ont divergées, avec en particulier la perte d’une copie du gène dupliqué chez les deux espèces mais chacune à partir d’un chromosome différent. La formation d’un hybride entre ces deux espèces et son autofécondation entraîne la formation de zygotes dont une partie est déficiente pour le gène anciennement dupliqué. L’absence de ce gène peut impacter la survie de ce type de zygote (case rouge). Par ailleurs, si ce gène a un rôle important dans la formation des gamètes, un certain nombre de zygotes (cases oranges et rouge) seront observés avec des fréquences inférieures à celle attendues.

Duplication du locus rouge Spéciation et pseudogénisation Hybridation Autofécondation Gène absent Gène présent Gène présent Gène présent Gène présent Gène présent Gène présent Gène présent Gène présent Gène présent Gène présent Gène présent Gène présent Gène présent Gène présent Gène présent

35 entre les protéines produites par les allèles indica et japonica dans les microspores (revue dans Sweigart et Willis, 2012).

(ii) les différences de compétitivité entre génotypes : Fishman et al., (2001) émet

l’hypothèse que les distorsions de ségrégation observées chez une F2 de Mimulus guttatus x Mimulus nasutus seraient liées à une meilleur compétitivité des produits d’un locus de M. guttatus par rapport à ceux de M. nasutus. Le locus concerné serait impliqué dans la croissance du tube pollinique qui serait plus compétitif lorsque les allèles M. guttatus sont présents. Ainsi, un des variants du locus de M. guttatus impliqué dans la croissance du tube pollinique se retrouve plus souvent dans la descendance qu’attendu en cas de ségrégation mendélienne.

(iii) la sélection préférentielle pendant la méiose (Meiotic drive) : Chez le maïs, un

homologue du chromosome 10, dit ‘abnormal 10’ (ab10), migre préférentiellement vers la position de la mégaspore à l’origine de l’oosphère au cours de la méiose, d’où une augmentation de sa fréquence dans la descendance (Birchler et al., 2003; Buckler et al., 1999). Les allèles de ce chromosome sont alors en fréquence plus élevée dans la descendance que les allèles de son homologue, ce qui entraîne des distorsions de ségrégation sur ce chromosome.

(iv) les pertes de gènes : Une perte de gènes peut entraîner une perte de fonction.

L’information génétique d’un locus donné est redondante à la fois car l’information est présente dans les deux copies d’un locus chez un diploïde, mais aussi souvent par la duplication des loci soit en tandem sur le même chromosome soit sur des positions éloignées dans le génome, on parle alors de gènes paralogues. Le devenir de ces gènes dupliqués au cours de l’évolution peut être variable. Cañestro et al., (2013) résument le devenir de ces copies en identifiant quatre possibilités:

- La première possibilité est la conservation des copies et de leur fonction.

- La seconde possibilité dite de sous-fonctionnalisation des copies consiste en un « partage » des tâches effectuées par la version ancestrale (unique) entre les différentes copies de gènes. -La troisième possibilité est qu’une des copies dupliquée diverge pour acquérir une nouvelle fonction. On parle alors de néo-fonctionnalisation.

- La dernière possibilité est la perte de fonctionnalité d’une des copies suite à diverses mutations. On parle alors de pseudogénisation. Dans ce contexte de pseudogénisation de gènes dupliqués, il est alors facile d’envisager des pertes différentielles de gènes dupliqués

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Figure 9 : Représentation schématique des gamètes possibles chez un hétérozygote de structure pour une translocation réciproque entre les chromosomes A et B. Sur les quatre

types de gamètes possibles, deux gamètes sont déficients pour la région distale du chromosome A ou la région distale du chromosome B respectivement. Des gènes sont donc manquants, ce qui entraîne une baisse voir une perte de viabilité du gamète.

37 chez deux espèces divergentes. La réunion de ces deux génomes divergents sous la forme d’un hybride peut entraîner des baisses ou des absences de viabilité dans les gamètes ou la descendance de ces hybrides (Figure 8).

Bikard et al., (2009) ont mis en évidence une mortalité de certains embryons issus de l’autofécondation d’hybrides de deux lignées d’Arabidopsis thaliana. Dans l’une de ces deux lignées, un gène est dupliqué et présent sur les chromosomes 1 et 5 et la copie sur le chromosome 1 n’est plus exprimée. Dans l’autre lignée, ce gène n’est pas dupliqué et n’est présent que sur le chromosome 1. Ainsi dans la descendance, les individus homozygotes pour la copie non exprimée du chromosome 1 (issue de la première lignée) et l’absence du gène sur le chromosome 5 (issue de la seconde lignée) se retrouvent sans expression de ce gène ce qui entraîne la mortalité de l’embryon.

Les variations de structure chromosomique peuvent aussi entraîner des pertes de régions chromosomiques et donc de gènes. L’hétérozygotie structurale chez un hybride, en perturbant sa méiose avec la formation de multivalents et univalents, modifie les ségrégations chromosomiques. Ainsi, lors de l’anaphase, selon le mode de résolution des multivalents, leur répartition dans les cellules à l’origine des gamètes ainsi que celle des univalents, les gamètes peuvent se retrouver avec des déficiences et/ou des duplications de segments chromosomiques (Figure 9). La viabilité de ces gamètes est en général faible ou absente (Shepherd, 1999). Cependant Fauré (1993) suppose que la fertilité de ces gamètes dépendrait de la taille de la zone dupliquée et/ou déficiente ainsi que de la nature de la zone impliquée. Cette baisse ou perte de fertilité gamétique sera reflétée dans la descendance d’un hybride structural par une distorsion de ségrégation des marqueurs localisés sur les chromosomes impliqués dans le réarrangement.

Il existe assez peu de cas documentés chez les plantes. Jáuregui et al., (2001) ont montré que la présence d’une translocation réciproque impliquant les groupes de liaisons 6 et 8 entre Prunus amygdalus et Prunus persica entraînait chez un hybride une perturbation de sa méiose, une réduction de la fertilité mâle de moitié et des distorsions de ségrégation des marqueurs localisés dans les zones transloquées et à leur proximité. Dans un croisement interspécifique chez Helianthus, la baisse de viabilité des grains de pollen a également été attribuée à deux translocations réciproques présentes à l’état hétérozygote chez l’hybride (Quillet et al., 1995). Dans cette analyse, les marqueurs associés au caractère de viabilité pollinique sont distordus. Chez des hybrides interspécifiques de lentilles (Lens) la présence de marqueurs distordus a été associée à la présence d’une translocation réciproque à l’état hétérozygote (Tadmor et al., 1987).

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Figure 10 : Description des étapes principales conduisant à l’assemblage d’une séquence de référence en utilisant une approche de WGS. (1) L’ADN total d’une accession est

séquencé. (2) Les lectures obtenues sont assemblées en contigs. (3) Les contigs sont ensuite assemblés en scaffolds en utilisant des lectures pairées (lectures obtenues par séquençage des extrémités de fragments d’ADN). (4) Les scaffolds obtenus sont ensuite groupés et ordonnés sur la base d’une carte génétique.

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