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4.5 : Origine de la conductance en phase liquide

Chêne vert

III. 4.5 : Origine de la conductance en phase liquide

Nos résultats indiquent que la conductance interne se trouve majoritairement dans la phase liquide cellulaire. Les particularités cellulaires expliquant les variations intra ou interspécifiques de la conductance en phase liquide restent toutefois très mal connues. En dehors de la phase liquide elle même (où la diffusion du CO2 est beaucoup plus difficile que dans l’air), la conductance en phase liquide est affectée par la surface cumulée de chloroplastes exposée aux espaces intercellulaires. Ainsi, pour une perméabilité au CO2 donnée des constituants cellulaires, plus la surface de chloroplaste exposée aux espaces gazeux intercellulaires est grande, et plus la conductance en phase liquide est faible. Les autres facteurs pouvant influencer la conductance en phase liquide sont la longueur du trajet de diffusion, l’épaisseur et la composition de la paroi, et les perméabilités au CO2 des constituants cellulaires. Les membranes en l’absence de canaux ou de transporteurs sont très fortement imperméables au CO2 (cf. chapitre I). Ces perméabilités au CO2 des constituants cellulaires sont extrêmement difficiles à estimer. Ainsi, les perméabilités des membranes biologiques sont hautement variables selon les études (Gimmler, et al., 1990, Gutknecht, et

al., 1977, Stadelmann, 1977, Sültemeyer et Rinast, 1996). Des calculs de conductance au CO2 en phase liquide cellulaire effectués sur la base de coefficients de perméabilité théoriques ont été effectués par Nobel, 1991 et Evans, et al., 1994, mais sont très peu fiables car fortement

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dépendantes des valeurs attribuées aux perméabilités membranaires. La présence de systèmes de concentration du CO2, de transporteurs ou de canaux membranaires facilitant la diffusion du CO2 n’a à l’heure actuelle jamais été mise en évidence chez des végétaux de type C3. Des travaux récents ont toutefois mis en évidence dans le génome du tabac un gène analogue à un gène impliqué dans un mécanisme de transfert actif de CO2 chez une algue (cf. Joyard et al., 1998 et références citées). Des travaux sont en cours pour déterminer si le fait de supprimer l’expression ce gène influence la diffusion du CO2 chez le tabac (Genty et al., communication personnelle).

D'autre part, il a été fréquemment postulé que l’anhydrase carbonique présente dans le chloroplaste pourrait avoir un rôle de facilitation de la diffusion dans le stroma (cf. chapitre I). Cette enzyme catalysant l’interconversion du CO2 et de l’HCO3

-, est une des protéines foliaires parmi les plus abondantes, et est localisée majoritairement dans le chloroplaste, soit sous forme libre, soit liée aux membranes photosynthétiques (Moroney, et al., 2001 et références citées). D’autres isoformes ont cependant étés localisées dans d’autres compartiments cellulaires comme le cytosol (Rumeau, et al., 1996), ainsi que liées à la membrane plasmique (cf. Moroney, et al., 2001). Afin de tester l'hypothèse de facilitation de la diffusion du CO2 par l'anhydrase, Price, et al., 1994 ont comparé les échanges gazeux d’un tabac transgénique sans activité anhydrase, avec un tabac sauvage témoin. Leurs travaux ne montrent qu’un très faible effet de facilitation par l’activité anhydrase. Peltier, et al., 1995 ont inhibé in vivo l’activité anhydrase foliaire de Commelina communis grâce à un inhibiteur chimique (ethoxyzolamide). Leurs expérimentations montrent qu’une inhibition de 92 à 95% de l’activité anhydrase n’a pas d’effet sur l’assimilation et la fraction molaire de CO2 aux sites enzymatiques (Cc). Toutefois il a été montré que le tabac est une herbacée possédant une conductance interne élevée (cf. Evans et Loreto, 2000), et il en est probablement de même chez l’herbacée Commelina communis. Cette hypothèse de facilitation doit être testée chez des végétaux ayant une faible conductance interne, et en particulier chez des ligneux. Gillon et Yakir, 2000 ont proposé une approche expérimentale reposant sur la discrimination contre le C18

O2 pendant la photosynthèse. Un modèle leur permet de distinguer la fraction molaire de CO2 aux sites de carboxylation de la Rubisco (Cc), de celle à la limite physique de l'activité anhydrase (Cchloro, considérée par ces derniers comme la surface du chloroplaste). Ces auteurs considèrent a priori que la conductance interne est uniquement occasionnée par la phase liquide cellulaire, et connaissant Cc et Cchloro, peuvent par conséquent dissocier la conductance interne en une conductance de la paroi (gparoi

) et une conductance dans le chloroplaste (gchloro ). Des mesures ont été effectuées chez deux herbacées (le tabac et le soja) ayant une

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conductance interne élevée (entre 0.3 et 0.5 mol.m-2 .s-1

) associée à une faible activité anhydrase, et chez le chêne (Quercus robur), lequel possède une conductance interne faible (0.27 mol.m-2

.s-1

) et une très forte activité anhydrase (environ 3 à 6 fois celle des deux autres espèces). Leurs résultats suggèrent que plus l'activité anhydrase est importante, et plus gchloro est élevée. Ces auteurs émettent ainsi la théorie qu’une forte activité anhydrase permettrait de en partie de compenser une faible conductance au CO2 de la paroi cellulaire chez les ligneux, en augmentant la conductance au CO2 dans le chloroplaste. Toutefois, il est important de noter que les conclusions de Gillon et Yakir, 2000 peuvent être faussées si il existe une activité anhydrase à l'extérieur du chloroplaste, et en particulier dans la paroi : leur Cchoro dans ce cas ne correspondrait plus à une fraction molaire de CO2 dans le chloroplaste, mais serait localisé à proximité des espaces gazeux intercellulaires et de la paroi (ce qui expliquerait qu'il soit très proche de Ces).

Des expérimentations préliminaires réalisées chez le peuplier "peace" (Genty, Piel et al., données non présentées), suggèrent qu'environ 95% d’inhibition in vivo de l’activité anhydrase chez le peuplier "peace" n'affecte pas significativement l'assimilation nette de CO2. Ainsi, chez cette espèce ayant une faible gliq

et une forte activité anhydrase, la facilitation de la diffusion du CO2 dans le chloroplaste par l'anhydrase carbonique n’aurait qu’une influence très mineure sur la conductance en phase liquide. Ces premiers résultats tendent ainsi à contredire la théorie de Gillon et Yakir, 2000 décrite précédemment. D’autres expérimentations préliminaires (Genty et al., résultats non présentés) suggèrent également que la conductance interne du peuplier "Peace" n’est pas affectée par 95% d’inhibition in vivo de l’activité anhydrase carbonique, et tendent ainsi à confirmer que la facilitation de la diffusion du CO2 par l'anhydrase est probablement très faible.

III.5!: Conclusion

Chez les quatre espèces étudiées, nous avons montré que la majorité, voire la totalité, de la conductance interne est déterminée par la diffusion du CO2 dans la phase liquide cellulaire. Seul le chêne vert présente une contribution (minoritaire) de la diffusion dans les espaces gazeux intercellulaire. Toutefois, le lien entre anatomie du mésophylle et diffusion du CO2 est très complexe. Les caractéristiques anatomiques associées à une faible gias

sont dans notre étude une très faible fraction de volume d'espaces gazeux intercellulaires, et une forte densité de tissus dans le mésophylle. Contrairement au observations de Parkhurst et Mott, 1990, nous

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montrons que la répartition des stomates ne semble pas être le principal facteur déterminant une faible gias

. Il ne nous a toutefois pas été possible de comprendre pourquoi une contribution en phase gazeuse est observée chez le chêne vert, et pas chez le laurier rose, qui a pourtant des caractéristiques anatomiques proches. De la même manière que des modèles en trois dimensions décrivant explicitement l'anatomie du mésophylle ont pu être utilisés avec succès pour comprendre le lien entre anatomie et absorption de la lumière (e.g. Ustin, et al., 2001), une approche similaire par modélisation en trois dimensions de la diffusion dans la feuille pourrait être envisagée pour comprendre les liens entre anatomie du mésophylle et la diffusion du CO2.

Les facteurs influençant la conductance en phase liquide cellulaire restent à l'heure actuelle très mal connus. Les données préliminaires obtenues en inhibant in vivo l’activité anhydrase carbonique suggèrent toutefois que le rôle de facilitation de la diffusion du CO2 par l'anhydrase est très faible. De futures investigations seront nécessaires pour confirmer ces données, ainsi que de déterminer si la variabilité de la conductance en phase liquide est uniquement liée à l’ultrastructure cellulaire (composition et épaisseur de la paroi et des membranes, etc.), ou si des mécanismes biochimiques actifs sont impliqués. Des tels travaux ont été récemment initiés au CEA-Cadarache (Genty et al., communication personnelle).

CHAPITRE IV

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