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6. Compléments

7.2. Originalité de la thèse

7.2.1. Combinaison et confrontation des données d’eddy covariance à d’autres sources de données

Une des originalités de la thèse a été de chercher à combiner les données d’eddy covariance du site de Vielsalm à des données issues d’autres sources de données.

Estimer la proximité de la canopée à partir des données d’eddy covariance est possible, mais encore faut-il pouvoir valider la méthode utilisée. Cela a pu être fait via l’utilisation des hauteurs d’arbres mesurées lors d’inventaires au sol dans certains secteurs de la forêt et depuis le ciel pour l’ensemble de la forêt (modèle numérique de terrain wallon à haute résolution de 2014). Nous disposions ainsi à la fois d’une information temporelle et d’une information spatiale. Les deux sources d’information se sont révélées utilisables pour valider les valeurs de proximité de canopée obtenues à partir des données d’eddy covariance, ce qui a été fait dans le

chapitre 3 (Fig.3-3). La réalisation d’un survol LIDAR des sites d’eddy covariance

est tout à fait réalisable pour d’autres sites et leur permettrait d’eux-mêmes vérifier l’influence de la proximité de la canopée sur les mesures d’eddy covariance.

Les données d’eddy covariance présentent d’énormes potentialités, mais elles ne permettent pas, à elles seules, d’avoir une vue globale du fonctionnement de la forêt. Il reste donc nécessaire de les confronter à d’autres sources de données afin de pouvoir comprendre comment le carbone assimilé se répartit entre les différents compartiments de l’écosystème et quels sont les feedbacks de cette répartition. D’où l’intérêt de la prise en compte dans le chapitre 4 des données de largeurs de cernes mesurées sur le site et des données de fructification mesurées à l’échelle de la Région wallonne (non publié). Pour les autres sites d’eddy covariance, les données de largeurs de cerne ont l’avantage de pouvoir être obtenues a posteriori. Tandis que les données de fructification, si elles ne sont pas disponibles sur le site, sont en général assez homogènes sur de grandes régions, du moins pour les évènements les plus intenses (Hilton and Packham, 2003). Ces évènements les plus intenses correspondaient aux années pour lesquelles les productivités les plus faibles étaient observées à Vielsalm (chapitre 4), les liens éventuels entre ces évènements restent à explorer.

La dynamique observée pour le flux de CO2, pour pouvoir être expliquée, doit être rattachée à la dynamique de l’appareil photosynthétique de la forêt ce qui a pu être fait grâce aux données de rayonnement sous couvert (chapitre 5), sensibles à la présence de feuilles. Si l’information phénologique n’a pas toujours été collectée au lancement des sites d’eddy covariance, la mise en place de caméras phénologiques sur les principaux réseaux de mesure a permis de répondre à ce manque.

Si les pistes évoquées dans les paragraphes précédents ont été exploitées en détails, toute une série d’autres sources ont été exploitées sans être publiées sous forme d’article (voir 7.3.). A titre d’exemple nous pouvons citer les données d’eddy covariance des autres sites européens, les données d’ozone de l’Agence Wallonne de l’Air et du Climat (AWAC) récoltées à proximité du site de Vielsalm, les images

satellites du site utilisées afin de réaliser une cartographie de la composition de la forêt, les images de la caméra phénologique, les données de précipitations et de température des stations de l’Institut Royal Météorologique (IRM) à proximité, les mesures de la taille des feuilles,... Tous ces éléments soulignent le caractère interdisciplinaire nécessaire à la pleine exploitation des potentialités offertes par les données d’eddy covariance et la nécessité de collecter et d’avoir à disposition de nombreuses données annexes non seulement sur les caractéristiques du climat, mais aussi de l’écosystème et du fonctionnement du système de mesure.

7.2.2. Vérification de l’évolution des conditions de turbulence sur le site

Peu de sites d’eddy covariance ont étudié l’évolution des conditions de turbulence à long terme et essayé de comprendre finement les phénomènes observés. En effet, les études sur la turbulence se limitent en général à des périodes relativement courtes (quelques mois) et cherchent à répondre à une question précise.

La prise de mesure dans la couche de rugosité avec une variabilité de la proximité de la canopée est probablement une réalité pour de nombreux sites d’eddy covariance. Des solutions existent pour minimiser l’influence de la croissance des arbres lorsque les mesures sont prises dans la couche de rugosité, notamment des mâts télescopiques qui suivent la croissance de la végétation. Lorsque les mesures sont déjà prises, sans ce type de dispositif, une analyse est nécessaire afin de déterminer si la proximité de la canopée influence les flux turbulents mesurés. A nouveau peu d’études ont tenté de répondre à cette question.

Dans le cas du site de Vielsalm, nous avons pu mettre en évidence que l’efficience du transport de la quantité de mouvement était liée à la proximité de la canopée (avant et après le changement de tour). A l’opposé les efficiences du transport du CO2, de la vapeur d’eau et de la chaleur sensible n’étaient pas liées à la proximité de la canopée.

La démonstration de l’absence de sensibilité des statistiques de turbulence du CO2 à ce paramètre était fondamentale. Cette analyse mériterait d’être appliquée à d’autres sites. Une comparaison de la valeur et de l’évolution des statistiques de turbulence entre sites permettrait de déterminer si un biais méthodologique lié à la variabilité de l’efficience du transport turbulent est présent et ainsi mieux juger la pertinence de la comparaison des données de NEP absolue entre les sites.

Même dans la couche de rugosité, les flux de CO2 mesurés à Vielsalm sont cohérents. Nous avons cependant mis en évidence des différences significatives de l’efficience du transport turbulent du CO2 entre le secteur sud-ouest et le secteur nord-est. Le transport turbulent étant plus efficient dans le secteur Nord-Est. L’origine de cette différence était essentiellement « mécanique » pour le CO2, vraisemblablement liée à la transition de hauteur entre les secteurs. D’autres paramètres intervenaient pour la vapeur d’eau et la température et différentes hypothèses ont été proposées dans le chapitre 3 pour l’expliquer. Toujours est-il que, dans ces conditions, il faut éviter de comparer les valeurs absolues des flux obtenus entre les secteurs feuillus et résineux, la turbulence n’étant pas similaire

dans les deux secteurs, les flux ne sont pas comparable quantitativement. Une analyse qualitative (via des anomalies) reste possible au sein du secteur conifère étant donné la stabilité des efficiences du transport turbulent au fil du temps.

L’étude de l’effet de la proximité de la canopée n’est pas finie. En effet, même si les mécanismes de transport par turbulence ne sont pas impactés pour le CO2, il reste à vérifier comment les modifications de la proximité de la canopée ont impacté la composition de la zone contribuant au flux mesuré, l’empreinte (voir 7.3.4.). En élevant le système de mesure, l’empreinte a été étendue et l’environnement n’est pas homogène quand on s’éloigne de la tour à flux. Vers le sud et l’ouest, des prairies sont présentes alors que plus loin au sud-ouest, la forêt est dominée par les conifères.

7.2.3. Prise en compte des spécificités du site

Le changement de tour, l’évolution naturelle de l’écosystème (croissance (différente) des arbres), l’hétérogénéité des essences, l’incertitude entourant les pratiques sylvicoles, le biais climatique associé à la suppression des données provenant du nord-est,… Ces éléments pourraient transparaître comme une faiblesse du site choisi pour cette étude et remettre en question son implantation initiale. Au terme de cette thèse, je pense qu’il est important de contredire ces impressions.

Tout d’abord, le site de Vielsalm, avec ses spécificités, a permis sur les plus de vingt années écoulées de se poser des questions, mais surtout d’y apporter des réponses. Que ce soit au niveau de la compréhension de la turbulence, de l’amélioration et de la validation de la méthode d’eddy covariance ou de la compréhension du fonctionnement actuel et futur des écosystèmes forestiers.

Ensuite la plupart des difficultés rencontrées ne sont pas propres au site de Vielsalm. Si la prise de mesure dans la couche de rugosité est probablement une réalité pour de nombreux sites d’eddy covariance, l’hétérogénéité des forêts mesurées l’est tout autant, que ce soit du fait de la mixité (Tab.1-3) ou de la taille réduite de l’écosystème étudié par rapport à l’empreinte. La prise en compte de ces éléments et leur étude au niveau du site de Vielsalm a permis d’attirer l’attention de la communauté scientifique sur des éléments généralement peu considérés, voir ignorés par celle-ci. Par exemple, l’absence de la prise en compte d’éventuelles différences dans les conditions de turbulence en fonction des secteurs considérés pour un site et en fonction des sites pour des études multi-sites posent de réelles questions quant à la comparabilité des données absolues de NEP entre secteurs ou entre sites. Y a-t-il des différences d’efficience du transport turbulent du CO2 entre les sites d’eddy covariance? Quel est l’impact sur le bilan annuel? Ces questions méritent une réponse et peuvent apporter des précisions quant aux résultats obtenus.

7.2.4. Prise en compte du cycle de vie de la forêt

La distinction est généralement faite entre les facteurs climatiques et les facteurs non-climatiques. Ce que ce travail apporte en plus c’est une explication climatique à l’origine de la variabilité des facteurs non-climatiques. Dire que la productivité de la forêt dépend de sa capacité photosynthétique ou dire que la forêt dépend des conditions climatiques de l’été précédent qui vont définir la capacité

photosynthétique de l’année en cours est une réelle plus-value dans l’optique de la compréhension du fonctionnement des forêts.

En s’appuyant sur des travaux réalisés en dendrochronologie ayant mis en évidence un impact des conditions météorologiques et édaphiques des années antérieures sur la largeur des cernes (e.g. Latte et al., 2015), nous avons cherché à vérifier si ces relations s’observaient également au niveau de la NEP. La prise en compte de l’impact potentiel des conditions météorologiques des années précédentes sur l’allocation du carbone (production de feuilles, de fruits, de bois, de racines,…) est largement discutée dans la littérature (1.6.4.). Cependant, l’impact des conditions météorologiques de l’année précédente sur l’assimilation du CO2 reste étonnamment peu discuté. En effet, si on s’en réfère à la Table 1-3, aucune publication ne mentionne explicitement ce type d’effet directement. La mise en évidence que les conditions de l’année précédente impactaient la NEP de la forêt nous a donc semblé tout à fait originale. D’autant plus que, à Vielsalm, cet impact se marque non seulement sur la productivité annuelle, mais aussi sur les productivités saisonnières, la physiologie et la phénologie.

Dans ces conditions, une première conclusion à tirer est que pour bien comprendre les causes de la VIA de la NEP d’une forêt tempérée, il ne faut pas se limiter à étudier les données climatiques, les paramètres physiologiques et phénologiques de l’année en cours, il faut également s’intéresser aux données climatiques de l’année précédente afin de prendre en compte les processus d’allocation du carbone.

Cette constatation permet de pointer une faiblesse potentielle des procédures de gapfilling telles qu’elles sont appliquées actuellement. Elles ne permettent pas de prendre directement en compte l’effet de l’année précédente. Indirectement cet effet se transmettra tant que le gapfilling sera basé sur des données de l’année en cours, ce qui est généralement le cas pour les premières étapes du gapfilling. Il faut rappeler ici que l’objectif que nous visions en utilisant les moyennes journalières (MDV) était d’éviter un biais climatique. La conclusion à tirer du résultat obtenu ne se limite cependant pas à notre situation, pour mieux prendre en compte la variabilité interannuelle des flux il faudrait, biais climatique ou pas, privilégier un gapfilling basé sur les données de flux de l’année en cours plutôt que basé sur des tableaux croisés (LUT) reprenant des moyennes sur des données de plusieurs années. Une alternative serait de prendre en compte les données de l’année antérieure dans la réalisation du gapfilling pour les forêts dominées par des essences forestières qui, comme le hêtre, se révèleraient sensibles aux conditions de l’année précédente. Comme discuté dans le chapitre 4, jusqu’à présent peu d’études évoquent ces effets : une étape préalable est donc d’étudier la sensibilité de différentes essences forestières à ces mécanismes. A l’échelle du site de Vielsalm, l’étude de la dépendance de la capacité photosynthétique aux conditions climatiques de l’année précédente pourrait être réalisée dans le secteur nord-est, dominé par le douglas afin de voir si cette relation est essentiellement liée à la réponse des feuillus. La sensibilité observée de la NEP hivernale (en l’absence de feuilles) du secteur sud-

ouest du site de Vielsalm au VPD de septembre de l’année précédente suggèrent le contraire.

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