• Aucun résultat trouvé

3. Régulation de l’expression génétique des organites pendant un stress biotique

3.5. Organites et stimuli environnementaux

3.5.1. Modifications de l’expression génétique des organites en réponse à un stress biotique

De manière générale, très peu de données sur le transcriptome du chloroplaste et la mitochondrie existent, la plupart se focalisant sur le noyau. Cette limitation est principalement technique. En effet, les ARNm nucléaires sont pourvus d’une queue poly-adénylée (ou queue poly(A)) en extrémité 3’, ce qui permet en biologie moléculaire de les extraire très facilement à l’aide de fragments d’ADN poly(T) (ou oligo dT) et récupérer seulement les messagers nucléaires. Les ARN chloroplastiques et mitochondriaux n’ayant pas de queue poly(A), ils ne sont pas observés dans la plupart des expérimentations. Les paragraphes qui suivent présentent les quelques données connues à ce jour.

Dès 1993, Mullet faisait état de nombreuses modifications dans la transcription du chloroplaste de l’orge après exposition à la lumière (Mullet, 1993). Ce genre de données concernant les stress biotiques n’arrivera que bien plus tard dans les années 2000 (Meyer et al., 2001; Bilgin et al., 2010; de Torres Zabala et al., 2015), et seulement pour les gènes nucléaires codant des protéines adressées au chloroplaste. Lors de l’infection, la transcription des gènes codant pour des protéines envoyées dans le chloroplaste va être très largement remodelée. Cette modulation semble être variable suivant le type de pathogène reconnu par la plante. Lors de

43

l’interaction incompatible Nicotiana tabacum-Phytophthora nicotianae, la régulation négative de l’appareil photosynthétique de la plante sera très rapide (de l’ordre de l’heure), suivie par une activation totale des défenses et une réponse hypersensible (Scharte et al., 2005). Par opposition, l’interaction compatible entre Phaseolus vulgaris et Colletotrichum lindemuthianum entraine des nécroses et une diminution de l’activité photosynthétique seulement dans les étapes tardives de l’infection (Meyer et al., 2001). Il semblerait que cette reprogrammation permette une mise en place plus rapide et efficace des défenses de la plante, à savoir l’expression de gènes de défense ou la synthèse de composés antimicrobiens, via les ROS comme messagers moléculaires (Kangasjärvi et al., 2012). Selon Dietz et Pfannschmidt (2011), l’état redox du chloroplaste pourrait même être à l’origine de ces modulations de l’expression des gènes de l’organite.

Du côté de la mitochondrie, aucune réorganisation majeure de la transcription n’a été mise en évidence jusqu’à présent en condition de stress. Law et al. (2012) virent un pic d’expression des gènes nucléaires encodant des protéines envoyées dans la mitochondrie lors de la germination, d’abord codant pour le métabolisme des ARN et l’import, puis pour les fonctions bioénergétiques de l’organite. Une fois ce pic passé, la transcription mitochondriale demeure très stable, malgré les stress. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette stabilité. Il est possible qu’aucune forme de régulation de l’expression des gènes de la mitochondrie ne se fasse au niveau transcriptionnel et que les mécanismes soient pour partie au niveau traductionnel ou post- traductionnel. Une autre possibilité est qu’aucune variation de l’expression des gènes de la mitochondrie n’est tolérée par la plante, et que la transcription est très finement régulée. Récemment, Zubo et al. (2014) ont démontré que des inhibiteurs de certains complexes de la chaine de transport des électrons ou d’AOX modifiaient la transcription et la quantité d’ARN de la mitochondrie, et ce de façon différente suivant le complexe touché. Cette étude ouvre la porte à une éventuelle régulation redox de l’expression des gènes de la mitochondrie, à l’image du chloroplaste. Cependant, toutes ces données, obtenues à l’aide d’inhibiteurs ou de mutants, ne mettent pas en évidence des régulations de l’expression des gènes de la mitochondrie mais plutôt des mécanismes de compensation suite à un défaut. Enfin, une dernière possibilité est une éventuelle régulation post-transcriptionnelle, via des protéines interagissant avec l’ARN et impliquées dans sa maturation. Cette hypothèse étant celle qui m’intéresse lors de ma thèse, en particulier concernant la famille des protéines PPR, le paragraphe suivant est dédié aux différentes protéines PPR impliquées plus ou moins directement à une réponse à un stress biotique.

3.5.2. Protéines PPR impliquées dans la réponse aux stress biotiques

Les protéines PPR étant codées par le noyau, on peut profiter des nombreux jeux de données de la communauté scientifique pour observer certaines d’entre elles en condition de stress biotique. Les paragraphes suivants détaillent les différentes protéines PPR étudiées dans la littérature en condition de stress biotique.

3.5.2.1. PPRL

PPRL est une protéine PPR mitochondriale dont le rôle dans la défense des plantes fut décrit par Katiyar- Agarwal et al. (2006). A la recherche de nat-siRNA (natural antisens small interfering RNA) endogènes de la plante induits suite à l’infection par une bactérie pathogène, les auteurs ont mis en évidence nat-siRNA atgb2, dont la séquence est complémentaire de la partie 3’ de PPRL (AT4G35850). Il a été démontré que l’action de nat-siRNA atgb2 entraine un silencing de PPRL suite à une infection par Pseudomonas syringae DC3000, mais seulement pour les souches contenant le gène d’avirulence avrRpt2. Les auteurs ont également remarqué que la surexpression de PPRL in planta entraine un retard dans la mise en place d’une réponse hypersensible après infection par Pst (avrRpt2). Ils suggèrent que PPRL agit comme un régulateur négatif de la voie de résistance RPS2 de la plante. En dehors de sa localisation subcellulaire mitochondriale, très peu d’éléments sur le mode d’action de cette PPR sont connus. PPRL est une PPR pure, donc probablement impliquée dans des phénomènes de maturation des ARN autres que l’édition. Elle a été également vue comme interagissant en

44

double hybride levure avec AT1G26460, une seconde PPR pure (Dreze et al., 2011), prédite pour être envoyée dans la mitochondrie. Selon les auteurs, son mécanisme d’action pourrait donc également impliquer une interaction ARN-protéine, voire protéine-protéine avec une seconde PPR, avec pour conséquence(s) une régulation du burst oxydatif et/ou de la réponse hypersensible.

3.5.2.2. PPR1/PPR2

De façon similaire, Park et al. (2014) se sont intéressés aux cibles de miRNA400 (microRNA 400) chez Arabidopsis thaliana. Cet ARN non codant a été mis en évidence par Fahlgren et al. (2007) pour être plus faiblement exprimé par Arabidopsis après infection par Pst. En surexprimant miRNA400, les auteurs ont remarqué que la plante était plus sensible à Pst et Bc, avec des niveaux de H2O2 très nettement supérieurs dans la lignée de surexpression en comparaison du sauvage après infection par Pseudomonas. Par analyse bioinformatique puis validation par RT-qPCR, Park et coll. démontrèrent que deux PPR étaient ciblées et leur ARNm clivé par miRNA400 : PPR1 (AT1G06580) et PPR2 (AT1G62720). PPR1 est une PPR pure (Cheng et al., 2016) et prédite pour être localisée dans la mitochondrie. PPR2 est également une PPR pure localisée dans la mitochondrie (Yang et al., 2011). Le mutant KO ∆ppr2 montre une sensibilité à Pst plus marquée que la lignée sauvage, mais sans atteindre le niveau de sensibilité du surexpresseur de miRNA400 selon les auteurs. Lors de l’infection par Pseudomonas ou par Botrytis, l’expression de miRNA400 semble être régulée négativement dès 12 heures après infection, avec pour probable conséquence une régulation positive de l’expression des gènes codant pour PPR1 et PPR2. PPR2 semble donc être impliquée dans un mécanisme de défense face à Pst et Bc. Malheureusement, les auteurs n’ont pas présenté de résultat sur un mutant KO ∆ppr1. Etant donné que le mutant KO ∆ppr2 ne montre pas une sensibilité aux pathogènes testés aussi importante que la lignée de surexpression miRNA400, on peut supposer que ce miRNA a d’autres cibles dans la plante impliquées dans la défense, une cible non encore mise en évidence, ou déjà connue comme PPR1.

3.5.2.3. SLO2

Décrite en 2014 par Zhu et coll. pour son lien dans les stress biotiques et abiotiques, SLO2 est une PPR E+ mitochondriale impliquée dans l’édition chez Arabidopsis thaliana (Zhu et al., 2014). L’étude du mutant KO ∆slo2 a permis de mettre en évidence des défauts de croissance et une sensibilité marquée à l’absence de sucrose par rapport à une lignée sauvage, typique d’un mutant de complexe I (Zhu et al., 2012a). Les complexes I, III et IV sont très affectés dans le mutant, ce qui est cohérent avec les nombreux défauts d’édition mitochondriaux trouvés (sur les transcrits mttb, nad4l, nad7 et nad1). Le mutant présente une hypersensibilité à l’ABA et une insensibilité à l’éthylène, une sensibilité accrue au sel et au stress osmotique durant la germination. Outre les stress abiotiques, le mutant ∆slo2 montre également une sensibilité plus marquée à Bc et des niveaux d’H2O2 également supérieurs comparé à une lignée sauvage. Cependant, à la différence de PPRL, PPR1 ou encore PPR2, le niveau d’expression du gène codant pour SLO2 ne semble pas varier en réponse à un stress biotique (Pst en l’occurrence) ou à différents traitements hormonaux (MeJA, SA, GA et IAA).

3.5.2.4. PPR40

PPR40 (AT3G16890) est une protéine PPR composée de 13 motifs purs (Cheng et al., 2016) et décrite par Zsigmond et al. (2008). L’étude de son mutant KO montra une croissance ralentie en condition standard et une germination retardée avec des effets plus marqués encore en présence d’ABA en comparaison d’une lignée sauvage d’Arabidopsis. Le mutant est également plus sensible au stress oxydatif et a un niveau basal de peroxyde d’hydrogène plus élevé. Les auteurs ont localisé la protéine dans la mitochondrie de deux façons différentes, d’une part par microscopie à épifluorescence et d’autre part par Western Blot après un Blue- Native PAGE sur des mitochondries purifiées. L’avantage de cette seconde méthode est qu’elle a également

45

permis de montrer l’association de PPR40 avec le complexe III de la mitochondrie, qui semble très affecté mais pas totalement absent chez le mutant KO ∆ppr40. Les auteurs ont donc logiquement regardé l’édition, l’épissage et l’accumulation de transcrit de Cob, seule protéine du complexe III encodée par la mitochondrie, mais sans trouver le moindre défaut. On peut imager un rôle de PPR40 dans la stabilisation de l’ARNm cob en vue de la traduction mais aucun Western Blot n’a été fait pour voir le niveau d’accumulation de la protéine Cob dans le mutant ∆ppr40. Dans un second temps, Laluk et al. (2011) ont mis en évidence une sensibilité accrue du mutant ∆ppr40 à Bc, mais le niveau de transcrits de PPR40 ne semble pas varier suite à différents traitements et stress (analyse Genevestigator, puis confirmé par RT-qPCR par Zsigmond et al.).

3.5.2.5. PGN

PGN (PPR for Germination on NaCl) est une PPR d’Arabidopsis (Laluk et al., 2011). Suite à l’analyse transcriptomique du mutant bik1 (Botrytis-Induced Kinase 1, une kinase impliquée dans la résistance à Bc et la sensibilité à Pst selon Veronese (2006)), les auteurs remarquèrent une augmentation de l’expression du gène codant pour PGN, suggérant que PGN serait une potentielle cible de BIK1. Des analyses de RT-qPCR ont également montré une augmentation de l’expression du gène codant pour PGN chez le sauvage en réponse à une infection par Bc. L’étude du mutant KO ∆pgn montre une sensibilité accrue à Alternaria brassicicola et Bc mais pas à Pst, suggérant une implication de PGN dans un mécanisme de défense spécifique contre les pathogènes nécrotrophes. Le mutant présente des difficultés de germination sur milieu complémenté avec du NaCl, du glucose et de l’ABA, et son niveau basal d’ABA est plus élevé en condition standard qu’une lignée sauvage. Une suraccumulation de peroxyde d’hydrogène chez le mutant par rapport au sauvage est également vue après un stress NaCl. Une fusion GFP a permis aux auteurs de localiser la protéine dans la mitochondrie. De plus, un pathotest Bc réalisé en obscurité continue sur le mutant met en évidence une sensibilité encore plus marquée. Alors qu’en condition lumière la détoxification des ROS se fait par le chloroplaste et la mitochondrie, à l’obscurité la plante compte principalement sur la mitochondrie. L’hypothèse des auteurs est que PGN est impliqué dans la régulation redox de la mitochondrie. Aucun mécanisme moléculaire n’est proposé par Laluk et coll. mais si l’on tient compte de l’appartenance de PGN à la sous-famille des PPR E+, il est fort probable que cette PPR soit impliquée dans l’édition de transcrits mitochondriaux.