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Chapitre 1 : Proposition d’un pipeline d’analyse de données RNAseq pour le

1. Mise en contexte

1.1. Etude de CLB19, DYW2 et NUWA

CLB19 (pour Chloroplast Biogenesis 19) est une PPR E+ décrite comme nécessaire à l’édition des transcrits rpoA et clpP dans le chloroplaste (Chateigner-Boutin et al., 2008). Afin de mieux comprendre le fonctionnement et la composition de l’éditosome d’A. thaliana, Guillaumot et al. (2017) ont utilisé une protéine CLB19 fusionnée à deux étiquettes, séparées par un site de clivage (Figure 17).

Figure 17 : Représentation schématique de la protéine de fusion CLB19-GS tag. Tiré de Guillaumot et al. (2017).

Les auteurs ont ensuite utilisé la méthode TAP (pour Tandem Affinity Purification) afin de récupérer les protéines interagissant in vivo avec CLB19. Le principal intérêt de cette méthode est de faire une première immunoprécipitation, un clivage pour éliminer la première étiquette, puis une seconde immunoprécipitation, assurant ainsi un certain niveau de pureté des extraits obtenus. Deux PPR furent mises en évidence dans leurs travaux : NUWA (AT3G49240) et DYW2 (AT2G15690). NUWA est une PPR pure, alors que DYW2 fait partie des PPR-DYW (Figure 18).

Figure 18 : Représentation schématique des PPR interagissant avec CLB19, par la méthode TAP. Tiré de Guillaumot et al. (2017).

L’interaction NUWA-DYW2 fut également confirmée en double hybride chez la levure. En revanche, dans ce système, les interactions avec CLB19 n’ont pas pu être confirmées et il faut noter qu’un crible de la banque de 12000 protéines d’Arabidopsis n’a permis d’identifier aucun intéractant de CLB19. Concernant les localisations subcellulaires, si CLB19 est une PPR chloroplastique, NUWA et DYW2 colocalisent dans le chloroplaste et la mitochondrie.

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1.2. Analyse transcriptomique des mutants ∆nuwa et ∆dyw2

Deux lignées d’insertion d’ADN-T pour NUWA et deux pour DYW2 furent étudiées. Les deux protéines semblent être primordiales pour la plante dans les étapes embryonnaires puisque aucun homozygote ∆nuwa et ∆dyw2 ne put être obtenu. Pour contourner l’embryoléthalité, les auteurs complémentèrent les lignées hétérozygotes ∆nuwa et ∆dyw2 avec NUWA et DYW2 sous contrôle d’un promoteur ABI3. Ce promoteur est sensé ne fonctionner que lors de l’embryogénèse, et Guillaumot et al. confirmèrent l’extinction du gène au stade adulte par RT-qPCR. Ils réalisèrent ensuite un séquençage des ARN nucléaires, chloroplastiques et mitochondriaux après déplétion ribosomale des deux mutants. Avec les méthodes d’analyse décrites dans le chapitre 1, ils observèrent de nombreuses choses. 392 sites d’édition –chloroplastiques et mitochondriaux- furent trouvés différentiellement édités chez ∆dyw2 par rapport au Col0, contre 223 chez ∆nuwa avec 166 en commun aux deux (Figure 19). Il est nécessaire de remarquer qu’un site différentiellement édité ne signifie pas nécessairement que son taux d’édition chez le mutant diminue. Fait extrêmement intéressant : 17 sites dépendants de PPR E+ sur 35 analysés sont affectés chez ∆nuwa, et tous le sont chez ∆dyw2.

Figure 19 : Résumé des défauts d’édition trouvés chez les mutants d’insertion ∆nuwa et ∆dyw2. Tiré de Guillaumot et al. (2017).

On considère un site d’édition comme étant dépendant de DYW2 et NUWA lorsque le défaut d’édition observé chez le mutant pour ce site correspond à une diminution de 10% ou plus de l’édition observée chez la plante sauvage. Par exemple, pour un site donné édité à 90% chez Col0, un niveau d’édition inférieur ou égal à 81% chez le mutant Δdyw2 signifie que ce site est dépendant de DYW2. Pour rappel, 67 sites d’édition sont connus à l’heure actuelle chez le chloroplaste et 723 chez la mitochondrie (Guillaumot et al., 2017).

A la suite de cette publication, un défaut dans le pipeline d’analyse bio-informatique lié à l’alignement des reads sur la mitochondrie a été mis en évidence. Certains reads s’alignant aussi bien sur le génome nucléaire

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que mitochondrial n’étaient pris en compte que pour le génome nucléaire, créant artificiellement des zones non couvertes sur la mitochondrie. Ce biais n’invalide pas les résultats obtenus par Guillaumot et al. (2017) mais sa correction permet maintenant d’avoir des informations sur le niveau d’édition de tous les sites connus jusqu’à présent.

Suite à cette nouvelle analyse, nous disposons de nouvelles données :

- 272 sites sont différentiellement édités chez Δnuwa, dont 215 ont une baisse d’édition inférieure ou égale à 10% de l’édition chez le sauvage. Ces derniers sont dits dépendants de NUWA

- 531 sites sont différentiellement édités chez Δdyw2, dont 291 ont une baisse d’édition inférieure ou égale à 10% de l’édition chez le sauvage. Ces derniers sont dits dépendants de DYW2

La nouvelle analyse couvre l’ensemble des sites ayant une PPR associée. Parmi les sites dépendants de DYW2, on retrouve les 38 sites publiés de PPR E+, et seuls 3 sites d’édition associés à des PPR non E+ connues font figure d’exception car aussi dépendants de DYW2 :

- M234052, dépendant de PPME, une PPR pure (Leu et al., 2016) - M17869, dépendant de MEF19, une PPR E (Takenaka et al., 2010)

- M233897, dépendant de MEF57, une PPR DYW (Andrés-Colás et al., 2017)

Parmi les sites dépendants de NUWA, on retrouve 17 des 38 sites E+ publiés, mais aussi les sites dépendants de MEF20 (PPR E), MEF31 (PPR E), MEF57 (PPR DYW) et 3 sites de MEF32 (PPR E). Enfin, parmi les sites dépendants à la fois de DYW2 et NUWA, on trouve 17 sites E+ et le site de MEF57.

1.3. Hypothèse et projet de recherche

Pour rappel, le motif DYW est largement suspecté de jouer le rôle d’enzyme ayant l’activité d’édition par la communauté scientifique. Cependant, comme le rappellent Barkan and Small (2014), des PPR sans domaine DYW, à l’image des PPR E+, sont capables d’éditer l’ARN. L’hypothèse avancée par Guillaumot et al. est que NUWA et DYW2, en s’associant à une PPR E+ jouant le rôle de facteur de spécificité c’est-à-dire de reconnaissance de la zone d’ARN qui sera fixée, font partie de l’éditosome des sites E+ d’Arabidopsis et apporteraient l’activité cytidine déaminase portée par le domaine DYW (Figure 20).

Figure 20 : Modèle de l’éditosome des PPR E+ chez Arabidopsis thaliana proposé par Guillaumot et al. Ilustration de D. Guillaumot et K. Baudry.

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L’association fonctionnelle entre un site d’édition et une protéine PPR est classiquement identifiée par génétique inverse à l’aide éventuellement du code PPR qui permet de cibler la recherche de défauts d’édition. Le code PPR permet de donner à chaque motif un score de fixation pour chaque base azotée. En réalisant une moyenne de ces scores, on peut alors classer les sites d’édition connus et ne tester que ceux avec les meilleures moyennes. Bien que non parfait car incomplet, le code, obtenu empiriquement, est le meilleur moyen de déterminer les sites putatifs d’édition d’une PPR, si l’on veut les cibler par RT-PCR. En effet, à la différence d’une approche par séquençage des ARN totaux, l’approche par RT-PCR ne peut pas être exhaustive dans la mitochondrie. Dans ce cas de figure, la sélection des sites putatifs est nécessaire.

L’hypothèse avancée par Guillaumot et al. est que tous les sites non affectés chez ∆dyw2 et Δnuwa ne sont pas des sites sous dépendance d’une PPR E+. Par opposition, tous les sites affectés chez ces mutants sont potentiellement sous dépendance, au moins partielle, d’une PPR E+. Cependant, avec la nouvelle analyse, seulement 46% (17/38) des sites E+ dépendent de NUWA avec en plus 26% (6/23) de faux positifs. A l’inverse, 100% (38/38) des sites E+ sont dépendants de DYW2 avec 7% (3/41) de faux-positifs. L’intersection ou l’union de ces 2 jeux de données ne font pas mieux.

A partir de ces informations, nous formulons deux hypothèses :

- La première hypothèse est que tous les sites dépendants de PPR E+ sont aussi dépendants de DYW2. - La seconde hypothèse est que si la première hypothèse est vraie, alors la prise en compte de cette

information permet d’améliorer grandement le rang -c’est-à-dire la position au classement des moyennes d’un site donné- d’un site effectivement dépendant d’une PPR E+ donnée.