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Partie 1 Introduction générale : la chute et l’équilibre

3. Organisation du travail de thèse

3.1. Bilan et verrous scientifiques identifiés

Etudier l’équilibre « réactif » – ou le rattrapage d’équilibre – se positionne depuis peu comme une voie nouvelle et pertinente pour identifier les mécanismes de l’équilibre permettant de détecter et de prédire le risque de chute (Carty et al., 2014; Granacher et al., 2012; Johnson-Hilliard et al., 2008; Maki and McIlroy, 2006; Mancini and Horak, 2010; Mansfield et al., 2010), entraînant un nombre d’études et de paradigmes croissant. Notamment, pour analyser la capacité de personnes âgées à répondre rapidement et efficacement à une situation de chute, leur équilibre doit être suffisamment perturbé pour solliciter des stratégies de rattrapage d’équilibre (Luchies et al., 1999; Maki and McIlroy, 2006a). Mais, bien que l’importance de cette situation ait été soulignée, elle fait encore l’objet de peu d’études comparativement aux situations « stationnaires » (posture, marche, etc). De ce fait, les mécanismes impliqués dans cette situation ne sont pas encore clairement identifiés. Une des raisons majeure pourrait être la difficulté expérimentale à perturber suffisamment les personnes pour provoquer un changement de comportement sans les mettre en danger de chute. Une autre raison serait le coût élevé des montages de perturbation réalisés en laboratoire et la complexité de les adapter à un contexte clinique.

Cette situation, qui s’approche de celle conduisant à la chute, est complexe pour le sujet car elle nécessite à la fois une détection précise de la perturbation, une régulation des actions à plusieurs niveaux de contrôle et le développement d’efforts musculaires coordonnés, plus complexes à programmer que lors d’une situation d’équilibre stationnaire. Or, les capacités sont toutes progressivement réduites par l’avancée de l’âge. Cette situation apparaît donc plus adaptée pour identifier les effets de l’âge. Mais nous constatons encore un manque de connaissances concernant le lien entre une dégradation de ces capacités liées à l’avancée de l’âge et l’augmentation du risque de chute.

De plus, les liens entre les différentes situations d’équilibre, citées précédemment (qui impliquent des tâches différentes), n’ont pas encore été démontrés. Selon la littérature, les mécanismes de contrôle de l’équilibre seraient similaires, du moment qu’il n’est pas nécessaire de changer de comportement (Hsiao-wecksler et al., 2003). En revanche, lorsqu’il y a un changement de comportement, les mécanismes impliqués changent (Kang & Dingwell 2006 ; Granacher et al. 2011). Il a notamment été mis en évidence qu’un équilibre postural stationnaire et une capacité de rattrapage d’équilibre sont très différents (Shimada et al., 2003). Ainsi, les mesures d’équilibre stationnaire et réactif devraient être différentes, tout comme les situations impliquant des actions volontaires et involontaires. Malgré ces différences, les informations

apportées n’ont pas toujours été comparées pour déterminer lesquelles renseignent le mieux sur l’état des capacités de maintien et/ou de rattrapage de l’équilibre d’une personne.

Enfin, nous constatons l’absence de test clinique fiable pour détecter le risque de chute qui fournit un diagnostic basé sur les capacités et les déficiences des personnes à risque, et plus particulièrement dans la population âgée encore identifiée « en bonne santé ». Un travail de recherche dans cette voie est nécessaire, et la possibilité d’utiliser des outils de mesure avancés dans un laboratoire de biomécanique devrait aider à fournir des réponses pertinentes.

3.2. Objectifs du travail de thèse

A la vue des verrous scientifiques identifiés dans le paragraphe précédent, nous nous fixons trois objectifs majeurs pour ce travail de thèse :

1/ Apporter de la connaissance sur le lien entre une dégradation des capacités d’une personne âgée et le risque de chute

Nous constatons un manque de connaissances des mécanismes mis en jeu lors d’un équilibre réactif et une difficulté à identifier ce qui provoque un échec dans le rattrapage. Il nous faut donc encore étudier le phénomène du rattrapage de l’équilibre pour mieux comprendre ce qui est à l’origine d’une mauvaise équilibration, afin de mieux détecter les personnes à risque et de mieux prédire leurs comportements. Progresser dans la détection permet de réduire les risques, par exemple pour améliorer les habitudes et/ou les cadres de vie en amont (Cumming et al., 2001) et la rééducation en aval (Horak et al., 2009; Wolf et al., 1997). Nous faisons le choix d’étudier ces mécanismes sur une population âgée, la plus touchée par le phénomène, mais résolument en bonne santé, afin de tenter de détecter au plus tôt des signes avant-coureurs de risque de chute.

2/ Comparer différentes mesures d’équilibre, qui impliquent des processus différents

Nous nous intéresserons également à tester les possibles liens entre différentes situations d’équilibre décrits dans la littérature, qui fournissent tous des informations pertinentes – mais certainement différentes – sur les capacités des individus à établir et mettre en œuvre une stratégie de maintien ou de rattrapage de leur équilibre. Plus particulièrement, nous axerons le travail de recherche sur un état postural « réactif » qui semble plus approprié pour détecter des personnes âgées encore en bonne santé. Nous pensons qu’une évaluation de la capacité de rattrapage d’équilibre réactif améliore la détection des personnes à risque de chute et donc améliorera leur prise en

Romain TISSERAND Thèse de doctorat

2015 - Université Claude Bernard Lyon 1 / LBMC 54

charge, qu’elle soit préventive ou postérieure à une chute. Toutefois, nous choisissons de ne pas nous éloigner des procédures classiques, en proposant également une évaluation « stationnaire » de l’équilibre à des personnes âgées. L’étude de ces différentes situations nous permettra notamment de les comparer.

3/ Construire des outils d’évaluation du risque de chute basés sur les capacités et la pertinence des tests d’équilibre qui sont adaptés au contexte clinique

A plus long terme, nous souhaitons que ce travail permette de fournir des informations utiles aux cliniciens et aux professions paramédicales travaillant sur la thématique de l’équilibre et de la chute, notamment dans le développement de nouveaux tests plus adaptés aux populations à risque de chute. Une réflexion sur la pertinence des tests cliniques et leur évolution ou amélioration sera menée pour améliorer la qualité de la prise en charge des personnes touchées par le problème de la chute.

3.3. Plan du manuscrit

Dans un premier temps (Partie 2), nous décrirons le protocole de mesure que nous avons mis en œuvre et utilisé afin d’évaluer les capacités sensorimotrices, cognitives et d’équilibre de trois groupes de sujets : jeunes, âgés chuteurs et âgés non-chuteurs. Le chapitre suivant (Partie 3) sera consacré à une proposition méthodologique permettant une mesure simplifiée des déplacements du Centre de Masse global des sujets. En effet, la méthode de référence utilisée dans cette thèse s’avère relativement lourde à mettre en œuvre. Nous avons donc cherché à la simplifier pour faciliter les futures études.

La Partie 4 a été divisée en deux sous parties (a et b) afin de présenter les résultats des mesures effectuées. La Partie 4a présente les résultats des tests psycho-cognitifs et d’équilibre classiques selon une comparaison entre les groupes de sujets âgés chuteurs et de non-chuteurs. La Partie 4b contient quant à elle les résultats qui concernent deux tâches bien particulières, et qui ont été analysées biomécaniquement en détails : l’initiation d’un pas volontaire (test CSRT) et la réalisation de pas protectifs induits par une perturbation externe. Cette fois-ci, une comparaison entre les trois groupes de sujets est fournie.

Enfin, dans le but d’aider les cliniciens à orienter leurs diagnostics et ainsi améliorer la prise en charge des sujets âgés, nous proposons dans la Partie 5 un outil de discrimination individualisé du risque de chute. Cet outil fournit une quantification du risque de chute d’un individu et des informations sur ses capacités – dégradées ou non – qui expliquerait son niveau de risque de chute.

Romain TISSERAND Thèse de doctorat

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