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III. LA LANGUE BERBÈRE

2. Le berbère proprement dit

2.1. Famille et typologie

2.1.2. Classification typologique)

Elle consiste à classer les langues en fonction des critères linguistiques et grammaticaux.

- morphologique : selon le type de variabilité des signifiants, une langue peut être flexionnelle, fusionnelle, agglutinante, synthétique, isolante, etc.

- syntaxique : selon l’ordre des mots dans l’énoncé verbal de base (phrase ou syntagme canonique), une langue peut être dite du type SVO, SOV ou VSO (O = objet, S = sujet, V = verbe).

La langue berbère est, morphologiquement, du type flexionnel et, syntaxiquement, du type VSO.

Plus précisément, le berbère est une langue à flexion (ou alternance phonologique). Elle est différente de la langue concaténative qui est à morphologie segmentale.

Exemple :

10 Certains chercheurs berbérisants et sémitisants ne sont pas d‘accord sur l’appartenance de l’omotique et du tchadique à cette famille.

En français (langue fusionnelle), la série {rouge, rougir, rougeoyer, rougeur} est construite sur la base du segment « rouge » (radical invariable) auquel sont concaténés respectivement les segments « ir » et « oyer » et « eur ».

La série équivalente {azeggaɣ, izwiɣ, zwiweɣ, tezweɣ}, en kabyle (K.E), est construite sur la base du noyau consonantique, instable, « zwɣ » (le thème qui renferme l’idée d’un sens général) dans lequel s’insèrent des voyelles qui changent selon les mots (le schème qui détermine la catégorie du mot).

De même, la phrase en français : « Le chat a mangé une souris. » est suivant l’ordre Sujet (chat), Verbe (manger) et C.O.D (souris) alors que l’énoncé équivalent en kabyle serait :

« Yečča wemcic aɣerda. », Verbe (ečč), pseudo-Sujet* (amcic à l’état d’annexion) et C.O.D (aɣerda).

* Ceci n’est qu’une généralité. Dans l’exemple ci-dessus, le sujet est l’indice de personne

« y » intégré dans le verbe « ečč ».

L’ordre des actants n’est pas obligatoire. Il existe bien des cas où cet ordre n’est pas respecté.

(Voir art. : Exemples berbères de la variation d’actance, L. Galand [35-2]).

2.2. Ecriture(s) – Transcription(s) :

Les Berbères ont utilisé plusieurs systèmes d’écriture au cours de l’histoire.

Hormis une écriture qui leur est propre (le libyco-berbère), ils ont à chaque fois « adopté » les langues et les écritures des peuples qui les ont successivement occupé ou dominé.

2.2.1. Le libyco-berbère :

Les nombreuses inscriptions en caractères libyques (ou libyco-berbères) datant de la période antique, s’étalant continûment sur plusieurs siècles, relevées à travers tout le territoire des Berbères (leur nombre dépasse 1200 textes dont les plus anciens dateraient entre le 7ème et le 5ème siècle av. J.C, selon G. Camps [17-2], ou de la fin du second millénaire au tout début du premier avant J.-C, d’après M. Hachid [37]), et l’évolution de l’alphabet utilisé, indiquent qu’il y eut fort probablement, chez les autochtones, une tradition écrite ou tout au moins une utilisation pérenne de l’écrit dans leur langue.

Les spécialistes se montrent fort prudents quant à l’apparentement du berbère au libyque (langue des anciens libyens, numides et maures) alors que :

- on admet que le berbère est l’unique langue indigène et que l’interprétation des données libyques ne peut se faire qu’à partir de celles du berbère ;

- on n’a pas démontré comment « ces deux langues », attestées, donc supposément pratiquées par les habitants d’un même et vaste territoire (Afrique du Nord, Sahara), peuvent être distinctes et s’ignorer ;

- on n’a pas expliqué la disparition mystérieuse du libyque ;

- une forme d’écriture (tifinagh) d’une ressemblance frappante avec celle du libyque subsiste encore dans le monde berbère.

C’est à la lumière des nouveaux déchiffrements du corpus épigraphique et des progrès de la linguistique diachronique berbère que l’on pourra établir de façon certaine l’identité de ces deux langues.

L’alphabet libyco-berbère est essentiellement consonantique, et les voyelles ne sont utilisées qu’exceptionnellement en fin de mot.

L’orientation de l’écriture n’est pas fixe. Elle est souvent de haut en bas mais aussi de gauche à droite ou de droite à gauche.

Il n’y a ni segmentation ni ponctuation dans la chaîne écrite ; les mots ne sont pas séparés.

Il existe plusieurs formes d’écriture : orientale (Est de l’Algérie, Tunisie), occidentale (Îles Canaries, Maroc) et saharienne.

L’usage du libyco-berbère a complètement disparu en Afrique du Nord mais le tifinagh dont la forme saharienne est supposée être l’ancêtre, est toujours resté en usage chez les Touaregs.

L’alphabet tifinagh présente quelques légères variations selon les régions (Adghah, Ahaggar, Aïr, Azawagh, Ghat). Il est utilisé plutôt à des fins familières et anodines (transmission de coutumes, messages, proverbes, poèmes, etc.) que littéraires ou autres.

Ce n’est que dans les années 1970 que « l’Académie berbère » (évoquée précédemment) le réintroduit et le fait connaître à une plus grande échelle. L’alphabet a été réaménagé et augmenté de quelques signes (consonnes et voyelles) pour qu’il soit adapté, d’abord au kabyle mais aussi aux diverses variétés berbères, et pour transcrire plus généralement le berbère ou tamazight.

L’IRCAM a ensuite repris ce « néo-tifinagh », l’a complété puis créé une police de caractères pour transcrire l’amazighe. C’est cette dernière version, codée en caractères Unicode, qui est couramment utilisée de nos jours par les berbérophones optant pour cette écriture (voir tableau : Transcription graphique et phonétique du berbère en fin de chapitre III.).

Le tifinagh fait désormais partie du patrimoine scripturaire berbère et a une valeur symbolique chez les Berbères. Pour certains, il représente la graphie berbère par excellence.

2.2.2. Le punique :

Dérivé du phénicien, il s’est répandu, sous la domination carthaginoise, sur les sites occupés par les Puniques, à la suite des Phéniciens, essentiellement dans la partie Est de l’Afrique du Nord (Tunisie actuelle, côtes et partie nord de la Libye, Numidie et Maurétanie Césaréenne) mais aussi à l’ouest, en Maurétanie Tingitane, dans les anciens comptoirs commerciaux (par exemple, Rachgoun en Algérie ; Lixus/Larrache et Mogador/Essaouira, au Maroc).

Le berbère et le punique étaient tous deux pratiqués à cette époque. Des stèles funéraires écrites en caractères libyco-berbères accompagnées de leurs traductions en punique ont été trouvées en Algérie (El Horfa- Musée d’Annaba), en Tunisie (Dougga – musée du Bardo, Tunis) mais aucune trace ni mention de berbère transcrit en caractères puniques n’a été découverte à ce jour.

Le punique était sans doute parlée ou, du moins, compris dans diverses régions de l’Afrique du Nord (aussi bien dans les centres urbains que dans les petits bourgs de l’arrière pays), au moins, jusqu’au 5ème siècle de notre ère. Saint Augustin (Évêque d’Hippone, 4ème/5ème s.), qui officiait en latin, s’adressait souvent à ses auditeurs, dans ses sermons, en punique (punica lingua). L’usage de la langue punique est évoqué dans 24 passages de ses œuvres (C. Lepelley [46]).

Cependant la nature de cette « punica lingua » est une question controversée chez les historiens. Certains soutiennent qu’il ne s’agit que du punique proprement dit. Quand saint Agustin fait comprendre à ses auditeurs certains concepts tel Dieu en punique illim ou explique le sens des mots hébreux bibliques en évoquant les mots puniques correspondants que beaucoup connaissent, C. Lepelley en déduit que les paysans de la région (Hippone) parlaient une langue néo-punique et non une langue libyque/berbère.

D’autres (C. Courtois, G. Camps) pensent que cela veut dire « langue berbère » car il est difficile de croire qu’Augustin et ses contemporains ignorassent cette langue et soient à ce point coupés du monde libyque/berbère omniprésent.

Il faut dire que l’imprécision du vocabulaire utilisé à l’époque de l’Afrique romaine ne permet pas de distinguer clairement entre ce qui est punique et ce qui est libyque/berbère. Les mots poenus, punicus ne s’appliquaient plus seulement aux Carthaginois et au punique mais aussi aux autochtones africains (les Berbères en l’occurrence) et à ce qui concernait l’Afrique du nord.

La langue punique n’était probablement pas éteinte à la veille de la conquête arabo-musulmane (7ème s.). Langue écrite, implantée depuis plusieurs siècles, il est étonnant que son processus d’extinction soit aussi court et abrupt alors que celui d’une langue est généralement long.

Il est vrai qu’une domination phénico-punique, limitée à quelques villes et comptoirs, avec une faible colonisation, ne peuvent pas exercer une influence au point de « puniciser » la population autochtone de souche. Néanmoins, on peut dire que la longue durée (des siècles) des relations et interactions entre Puniques et Berbères a eu un impact certain sur le plan culturel et notamment linguistique. On recense, en effet, un nombre non négligeable de termes communs au punique et au berbère ou à l’arabe dialectal d’Afrique du Nord (voir le logiciel DBG).

2.2.3. Le latin :

Il s’est propagé sur toute l’étendue de l’Afrique du nord, jusqu’aux limes (limite nord de la zone saharienne), sous l’Empire romain.

Cette langue a été introduite et diffusée à travers tout ce territoire, d’abord par le pouvoir romain lui-même et sa puissance administrative, puis par l’église. Le latin a été adopté par l’autochtone par nécessité (travail, enrôlement dans l’armée) ou par intérêt (politique de romanisation avantageuse, émancipation, naturalisation) mais aussi de propos délibéré (foi chrétienne).

La romanisation a touché un grand nombre de Berbères. Plusieurs d’entre eux se sont distingués par leur talent dans divers domaines (écriture : Térence, Apulée, Fronton - religion : Gelase, Tertullien, Cyprien, Augustin - empereurs : Septime Severe, Caracalla, etc.).

Comme pendant la période carthaginoise, excepté quelques inscriptions bilingues libyco-berbères-latines (onomastique), on ne trouve nulle trace de langue berbère transcrite en latin.

C’est beaucoup plus tard, durant la colonisation française (voir § 2.2.5 ci-dessous), qu’on utilisera les caractères latins pour transcrire le berbère.

Toutefois, on trouve de nombreuses traces de latin dans le berbère actuel (voir logiciel DBG).

La pratique du latin s’est vraisemblablement éteinte vers le 13ème siècle, date d’attestation des dernières églises chrétiennes d’Afrique (G. Jehel [42]).

2.2.4. L’arabe :

Il s’est propagé sur toute l’étendue de l’Afrique du Nord pendant la domination arabo-musulmane.

On sait que l’islam, motif principal de la conquête de l’Ifriqiya (Afrique du Nord) par les Arabes, a été un agent vecteur de la langue arabe mais la religion, à elle seule, n’explique pas le phénomène de l’arabisation de l’environnement ; d’autres régions du monde ont été islamisées sans connaître cette situation (pays du Sahel, Perse, Turquie, etc.).

En dehors de la religion, on ne sait pas exactement comment la langue arabe s’est répandue à travers un si vaste territoire pendant cette période dite des « siècles obscurs » (Moyen Âge).

Les principaux chroniqueurs et historiens arabes (Ibn ‘Ad Al Hakam, Al Maliki, Ibn Khaldoun, Al Bakri) ne nous éclairent pas sur ce sujet et, quand bien même ils nous renseignent sur cette période, les informations tardives qu’ils rapportent (plus de deux siècles, au moins, après la conquête) et leurs procédés littéraires, où l’imaginaire supplante souvent la réalité historique, sont à prendre avec précaution.

Néanmoins, on peut relever quelques facteurs qui ont déterminé sinon favorisé un lent processus d’arabisation :

- la politique administrative du territoire conquis (désormais appelée Maghreb - 711), défavorable aux autochtones (impôt - xarradj pour les non musulmans, confiscation - arḍ assulḥ, ou prise par les armes - arḍ al anwa, des terres appartenant aux non Arabes) a incité des chefs berbères et leurs tribus à se convertir voire à s’arabiser.

- l’installation des conquérants dans les villes existantes, permissives du fait de leur composante sociologique voire ethnique fort complexe et cloisonnée (Barbar/populations non romanisées de la gente berbère, Afariq/Berbères romanisés, Roums/gens de souche romaine ou byzantine, restes de Vandales, Zénètes, etc) ;

- la création de nouvelles villes arabes (Kairouan, Fès) ;

- l’arrivée, à chaque expédition, de missionnaires guerriers venus d’Orient.

- les tribus arabes (Beni Hilal, Beni Sulaym et Maa’qil, entre autres) dépêchées au Maghreb (11ème et 15ème s.) y contribueront pour une large part dans les campagnes (steppes et zones arides) où ils se mêlèrent aux populations autochtones (zénètes notamment) dont ils partagent le mode de vie nomade.

- l’arrivée massive des Andalous, majoritairement arabisés, expulsés d’Espagne après l’Inquisition (15-17e s.) ;

- plus tard (19e s), la politique volontariste arabisante de la France coloniale ;

- le phénomène de diglossie arabe-berbère : l’arabe (langue écrite, du vainqueur et du coran) est mieux perçue que le berbère (oral) par les autochtones qui ont embrassé très tôt la religion musulmane.

- Enfin, on notera que ce processus d’arabisation sera réactivé, de façon autoritaire, sous la bannière idéologique arabo-musulmane, au lendemain des indépendances des pays d’Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie, Mauritanie), et il est toujours en cours.

Les Arabes, à cette époque (médiévale), comme leurs prédécesseurs romains, dédaignèrent la langue berbère. En tous cas, les savants arabes n’en mentionnèrent que peu de choses.

Ce sont les Berbères qui ont, très tôt, utilisé les caractères arabes pour noter leur langue (royaumes islamo-berbères rostomides, almoravides, Djebel Nefoussa, communautés isolées du Mzab et de Ouargla à partir de la fin du 8ème siècle) mais les documents qu’ils produisirent traitent surtout de la religion, parfois d’histoire ou de science mais pas de la langue proprement dite.

Les premières traces de berbère se rapportant à ce sujet apparaissent vers le 11ème siècle mais c’est principalement au 12ème siècle, sous l’Empire berbère almohade (voir chapitre II. - État de la lexicographie berbère) que la graphie arabe a été adoptée et adaptée pour transcrire la langue berbère (en chleuh, parler des gouvernants de l’époque).

Cette tradition dura pendant presque quatre siècles puis s’estompa. Elle reprendra au 17/18ème siècle au Maroc mais aussi en Algérie et en Libye, dans le cercle des communautés religieuses (lettrés de l’époque), sans toutefois se populariser.

2.2.5. Le français :

Il s’est introduit pendant la colonisation (Algérie) ou sous le protectorat (Maroc, Tunisie, Mauritanie).

La transcription du berbère en caractères latins a été initiée par les « colonisateurs » au début du 19ème siècle. Elle était à ses débuts presque phonétique (« à la française ») puis elle évolua au fur et à mesure que les études berbères avancent. Après plus d’un siècle, on peut dire que ce système d’écriture a atteint son stade d’achèvement. Il s’est imposé par la force des choses et il est maintenant adopté par l’ensemble des berbérisants-francisants (communauté scientifique, écrivains, apprenants en Algérie, Mali, Niger) et dans une moindre mesure au Maroc.

2.2.6. Quelle graphie adopter ?

Actuellement, on utilise trois alphabets (arabe, latin, tifinagh) pour transcrire le berbère mais l’usage se fait dans des proportions différentes selon les pays ou même les régions.

En Algérie, on emploie concomitamment les trois avec une nette prédominance du « latin ».

Au Maroc, c’est le tifinagh qui prévaut du fait de son caractère officiel (notamment dans l’enseignement public) quoique le latin et l’arabe restent assez courants dans la pratique.

Au Mali et au Niger, l’alphabet latin (officiel) est le plus communément utilisé. Cependant le tifinagh est toujours en usage (dans le privé, associations, quelques journaux).

Enfin, récemment en Libye (après la chute du régime de M. Kaddafi), la tendance pour le tifinagh est plus forte par rapport à l’arabe.

La présence simultanée de ces trois graphies, forcément concurrentes sur le terrain, constitue un obstacle à la normalisation de la langue berbère. En effet, l’aménagement linguistique du berbère passe d’abord par le choix d’un alphabet (graphie) unique.

Cette question de choix ne relève pas particulièrement de la linguistique mais elle l’intéresse.

Tous les usagers de la langue en sont concernés.

Le lexicographe, dans le cas du berbère, par exemple, astreint à choisir un système d’écriture donné, ne pourrait par conséquent s’adresser qu’à un public restreint.

En tous cas, ce choix est inévitable et, pour cela, il est intéressant de voir les possibilités et les perspectives qu’offrent ces alternatives.

- Graphie arabe :

Malgré tous les atouts qu’elle présente (la plus anciennement connue et utilisée ; tirée d’une

« langue sacrée » ; adaptée à la phonologie berbère du fait de l’apparentement des deux langues), elle ne semble pas, paradoxalement, être « un candidat admissible11 ».

En effet, elle est concurrencée par la graphie latine à partir du 19ème siècle et les tifinagh à partir du 20ème siècle ; elle n’a pas été prise en charge par la communauté scientifique berbérisante (largement francisante) ; elle est considérée, par certains, techniquement dépassée et inappropriée pour rendre compte des spécificités de la langue berbère ; elle est jugée « illégitime » par une grande partie de la communauté berbérophone, considérant que la langue arabe est politiquement positionnée comme « l’adversaire » de la langue berbère et enfin « disqualifiée » avec la montée du sentiment identitaire berbère.

A l’heure actuelle, elle est de plus en plus abandonnée au Maroc au profit de la graphie tifinagh et carrément récusée en Algérie par la communauté berbérophone la plus influente (kabyle). Les enseignants de la langue berbère l’ignorent quand bien même l’École algérienne persiste à la « proposer », dans les supports pédagogiques, à côté des graphies latine et tifinagh.

Enfin, la transcription du berbère en arabe (ajami) est d’un usage infime dans le monde touareg d’aujourd’hui.

- Graphie latine :

Transcription la plus étudiée, la plus employée, elle est adoptée surtout par les Kabyles, la communauté scientifique et les institutions d’enseignement du berbère en Europe (France, Belgique, Espagne, France, Italie, Pays bas) et en Amérique du Nord (Canada et U.S.A). Les Etats maliens et nigériens l’ont également choisie officiellement. Cette graphie, d’usage universel et très largement répandue en Afrique du Nord, est considérée par les berbérisants comme simple et pratique.

Cependant, l’État, les nationalistes et les tenants de l’arabo-islamisme, tant en Algérie qu’au Maroc, arguant à dessein que le berbère est le patrimoine commun de tous les citoyens (tel que stipulé dans les constitutions des deux pays), considèrent ce système d’écriture comme un héritage du colonialisme français et le combattent.

Dans les régions berbérophones d’Algérie et du Maroc, les écriteaux ornant les frontons des institutions de l’État sont rédigés en arabe, assez souvent en français, et en berbère tifinagh.

Malgré tous les obstacles et les manœuvres tendant à juguler son expansion, cette graphie reste pour l’instant, la plus utilisée (supériorité numérique) mais son champ d’extension se réduit petit à petit au Maroc (où les tifinagh sont promus par l’État) et en Libye.

- Graphie tifinagh :

Avatar de l’antique libyco-berbère, sauvegardé dans la sphère touarègue, elle connaît un regain d’intérêt depuis les années mille neuf cent soixante-dix (1970) et un certain dynamisme depuis qu’elle est sérieusement prise en charge, au cours des années deux mille (2000). Elle est maintenant normalisée (Unicode, ISO 15924) et son système d’écriture à atteint un stade abouti.

Mais au delà du symbole que représente le tifinagh et de la valeur affective qu’il a auprès des Berbères, ce « produit maison », imposé par décision politique au Maroc (proposé par l’IRCAM et approuvé par le roi), est, selon ses détracteurs, archaïque et obsolète ou, pour d’autres, pas encore suffisamment préparé pour répondre aux exigences de la science et de la modernité.

En définitive, même si la graphie latine a plus d’un siècle d’étude et de recherche d’avance sur le tifinagh, il est difficile de présager de l’avenir quant à cette compétition, non déclarée et insidieusement idéologisée, pour le choix d’un standard d’écriture.

11C’est pour cette raison que nous ne l’avons pas intégré dans le tableau de transcription et de phonétique (chap. III.3.).

3. Transcription graphique et phonétique du berbère

(toutes variétés) Ce tableau dresse la liste des caractères/phonèmes utilisés couramment pour transcrire le berbère, ainsi que leurs réalisations phonétiques.

Caractères

č

notation par défaut : le son n’est pas rendu exactement comme l’original.

ğ

(clh/mzb/rif/tmc)

notation par défaut : le son n’est pas rendu exactement comme l’original. Il se situerait entre [ç] et [χ].

l ⵍ l latérale dentale (ou

alvéolaire « pleurer »

(fricative) sonore

En écriture usuelle, adoptée dans le Dictionnaire de Berbère Général, les graphèmes ŋ/ ñ et ɲ sont remplacés par n tandis que ʔ est remplacé, selon le contexte phonétique, par ɣ, n ou « zéro ».

L’alphabet Tifinagh-IRCAM officiel pour transcrire l’amazighe du Maroc comporte 33 caractères :

ⴰ ⴱ ⴳ ⴳⵯ ⴷ ⴹ ⴻ ⴼ ⴽ ⴽⵯ ⵀ ⵃ ⵄ ⵅ ⵇ ⵉ ⵊ ⵍ ⵎ ⵏ ⵓ ⵔ ⵕ ⵖ ⵙ ⵚ ⵛ ⵜ ⵟ ⵡ ⵢ ⵣ ⵥ.

Cependant, cette institution propose d’autres graphèmes (voir tableau ci-dessus) destinés aux autres variétés du berbère, notamment le touareg.

Pour plus de précision, voir : http://www.ircam.ma/doc/publica/nouvel-gram-amazigh.pdf

IV. CONTENU DU DICTIONNAIRE

Procédé d’élaboration

:

L’élaboration d’un dictionnaire (version papier ou numérique) est un travail collectif qui nécessite une équipe de lexicographes (c’est-à-dire des linguistes) et d’informaticiens pour sa conception et sa réalisation mais pour le produire, il faudrait l’appui d’un rédacteur en chef, d’un gestionnaire de projet et d’un éditeur.

Cette entreprise est évidemment inenvisageable dans le cadre d’une thèse.

Notre intention est de mettre en place un projet dictionnairique et de passer par toutes les étapes nécessaires à son accomplissement (faisabilité, conception, réalisation et test).

Le produit final envisagé est un logiciel lexicographique à la mesure de nos moyens mais qui se voudrait tout à fait admissible.

Rédaction

:

Un dictionnaire est un document structuré qui doit, selon son type (de la langue, encyclopédique ou spécialisé), contenir certains éléments indispensables tels que l’entrée (ou mot-vedette), sa phonétique, sa définition (son sens premier) mais aussi d’autres, facultatifs,

Un dictionnaire est un document structuré qui doit, selon son type (de la langue, encyclopédique ou spécialisé), contenir certains éléments indispensables tels que l’entrée (ou mot-vedette), sa phonétique, sa définition (son sens premier) mais aussi d’autres, facultatifs,