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IV. CONTENU DU DICTIONNAIRE

1. Aspect théorique

1.12. Classement

Il n’est pas question, de faire, ici, la critique de la lexicographie ou de la dictionnairique berbère mais simplement d’en donner un aperçu en présentant les choses telles qu’elles sont connues. Quant à la question du type de dictionnaire à choisir, seul l’usager en est maître.

1.12.1. Bref historique :

Dans les premiers glossaires et dictionnaires à graphie latine (début 19ème s.), réalisés essentiellement par des Français à l’intention de l’administration, des colons et autres commerçants, le classement des mots était ipso facto alphabétique (français).

A l’époque, les études berbères n’étaient pas avancées. Le berbère était transcrit approximativement et presque phonétiquement (à la française) et la façon de présenter le lexique dans l’ordre alphabétique a perduré implicitement jusqu’à l’avènement de la linguistique berbère moderne (années 1940).

L’adoption du système sémitique par les premiers hiérarques berbérisants (A. Basset16, E.

Destaing, L. Galand, E. Laoust, etc.) a induit les lexicographes berbérisants à utiliser le classement par racines consonantiques comme modèle.

Le premier dictionnaire utilisant ce type de classement est celui du touareg (C. De Foucauld).

La quasi-totalité des dictionnaires parus ultérieurement ont suivi cet exemple.

15 Tous les « parlers arabes » d’Afrique du Nord comportent un certain nombre de mots (ainsi que des calques syntaxiques) issus du substrat berbère. Leur pourcentage et leur état de conservation (ou d’altération) dans un de ces parlers sont fonctions de l’ancienneté de l’adoption de l’arabe et du degré d’avancement de l’arabisation. Ils sont donnés ici à titre indicatif.

16 André BASSET est considéré comme un fondateur de la linguistique berbère moderne.

Cette pratique, devenue une tradition, a inhibé toute émulation (aucun dictionnaire de référence optant pour un autre type de classement).

1.12.2. Rangement des unités lexicales :

Dans un dictionnaire, la présentation et la manière d’organiser le lexique sont les choses les plus visibles et remarquables.

Le classement des mots dans un dictionnaire est toujours conditionné par le choix de critères.

Or, il n’existe aucun critère neutre et objectif pour ordonner, classer, sérier, etc., les éléments de quelque ensemble que ce soit. Par conséquent, tout classement est arbitraire, donc critiquable.

Outre cela, le travail lexicographique dépend aussi de facteurs tels la spécificité et les ressources de la langue, les objectifs visés et les moyens mis en œuvre, le public ciblé, la politique éditoriale du producteur de l’ouvrage et la vision théorique de l’auteur qui, en principe, se charge d’expliquer ses raisons et sa démarche.

Le classement lexicographique en berbère se fait généralement selon l’ordre alphabétique mais de deux façons différentes : par racines ou par lexèmes.

Classement par racines :

Le procédé consiste à regrouper les mots ayant une même racine sous une seule entrée/adresse (la racine) puis à les classer selon l’ordre alphabétique canonique ; les mots étant des sous-entrées de l’entrée/racine.

Exemple : les mots (sous-entrées) suivants seront en principe classés alphabétiquement sous l’entrée/racine GMR : anegmar « chasseur » (clh/rif) ; gmer « chasser » (clh/rif/tmc/trg) ; tagemrawt « proie ; gibier » (tmc) ; tagmert « chasse » (clh/trg) ; tanegmart « chasse » (tmc) ; tigmert « chasse » (rif) ; etc.

Mais les dictionnaires consultés ne respectent pas tous, strictement, cet ordre.

Ex. : pour M. Taïfi (tmc), le classement est le suivant : gmer ; ttugmer « être chassé » ; tagemrawt ; tanegmart ; anegmar.

Avantages Inconvénients

• les locuteurs « sentent »

ou « ont conscience » de la racine ;

• pallie l’absence d’une écriture standard ;

• tient compte des rapports entre les mots (groupement par famille) ;

• compatible avec le comparatisme interdialectal et utile pour la

reconstruction diachronique.

• nécessite la connaissance des racines des mots ou la technique d’extraction de la racine ;

• difficilement accessible aux profanes ;

• Absence d’harmonisation ; la méthode* change d’un auteur à un autre ;

• altération des racines* :

- multiplie les bases homonymiques ; - difficulté d’identification des racines polymorphes ;

- il y a des mots dont la base de

dérivation n’a pas encore été déterminée, ou a disparu ou n’est rattachée à aucune racine « attestée ».

• il n’y a pas de relation univoque

forme ↔ sens dans les racines. Une racine donnée peut référer à plusieurs sens très éloignés les uns des autres.

*

- sur 6 dictionnaires consultés, la racine √b regroupe : 10 entrées (Lanfry-ghd), 22 (Dallet-kab), 11 (Serhoual-rif), 15 (Taïfi-tmc), plus de 40 (trg/Prasse & al.), 6 (trg/Heath).

- Dallet donne resp. √gd et √lḍ pour agad « avoir peur » et luḍa « plaine » alors que pour Taïfi, c’est √wd et √ḍ.

Classement par lexèmes :

Les mots sont pris tels qu’ils sont transcrits usuellement puis classés selon l’ordre alphabétique canonique (croissant). Exemple : akal ; argaz ; izi ; tamurt ; udem ; etc.

Sous-catégorie de classement :

- Pour limiter la « dispersion des champs lexicaux », on ne tient pas compte de la voyelle initiale dans les nominaux (ex. : dictionnaire Issin de K. Bouamara) mais le problème de

« surcharge » demeure.

Exemple : en voulant réduire le nombre de mots féminins tirés à partir du masculin (ex. t-aqcic-t ; t-isli-t ; etc.), on augmente celui des noms d’agent/patient en m ou n en ôtant la voyelle initiale a ou i. (a/makar ; a/mattar ; a/mezwaru ; a/neggaru ; i/mekli, i/nebgi ; etc.).

Avantages Inconvénients

• ne nécessite aucune connaissance préalable de la langue ;

• très pratique pour chercher un mot, connaissant son orthographe (adopté par toutes les langues à alphabet, il est devenu universel) ;

• utile en vue de la normalisation et la diffusion de la langue.

• ne tient pas compte des rapports entre les mots ;

• problème de surcharge en mots à voyelle initiale a/i/u (ex. : les féminins ayant un masculin doivent aussi figurer dans la liste du lexique car ils ont un sens différent du masculin).

En pratique, la question de la présentation des documents (textes), en général, et celle du classement, en particulier – que ce soit celui des racines ou des lexèmes - ne se pose plus à l’heure du numérique. L’outil informatique, par ses capacités, sa puissance et sa maniabilité, peut augmenter considérablement les possibilités d’ordonnancement au niveau lexicographique.

Cela dépendra surtout de la qualité de la base de données et du logiciel qui la gère.

En définitive, la question du classement tient plus de la vision théorique du lexicographe.

Dans ce dictionnaire, le classement se fait selon les lexèmes.

Volet berbère → français : la liste des mots berbères est rangée selon l’ordre croissant de l’alphabet défini au chapitre IV.1.7 - Élaboration de l’alphabet.

Volet français → berbère : la liste des mots français est rangée selon l’ordre alphabétique usuel.