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Organisation spatiale de la distribution de produits laitiers à Sikasso

CHAPITRE VI CONCLUSION L’ELEVEUR FACE A L’INNOVATION = ELEVEUR FACE AU

Carte 5: Organisation spatiale de la distribution de produits laitiers à Sikasso

o Consommation des produits laitiers

La consommation de produits laitiers dans les villes du Mali est en proie à de nombreux changements, qualitatifs (nouveaux produits et modes de consommation) et quantitatifs (augmentation de la consommation par habitant urbain, augmentation de la taille des villes). Sikasso n’échappe pas à cette tendance de fond. Les changements dans la consommation peuvent impacter fortement toute la filière, y compris jusqu’en amont au niveau des producteurs.

La concurrence de la poudre de lait, consommée directement ou comme matière première pour des produits transformés, porte indéniablement préjudice aux filières locales. Malgré cela, celles-ci peuvent s’adapter et prendre position sur des secteurs rémunérateurs, tels que la vente en saison sèche.

Il ne s’agira pas ici de retracer l’intégralité de l’étude de consommation conduite dans les projets Bov 9-2 et CORAF (Poccard-Chapuis et al., 2007 ; Coulibaly et al., 2008 ; Ouologuem et al., 2008), mais simplement d’en faire ressortir les points saillants. Ceux-ci sont au nombre de trois : la démocratisation de la consommation des produits laitiers, les nouveaux modes de consommation, la concurrence de la poudre importée.

La consommation de produits laitiers se démocratise

Tous les foyers enquêtés consomment des produits laitiers, y compris les plus pauvres. A peine 8% de la population est en dessous de la barre des 10 kg / hab. / an. Ces très bas niveaux de consommation ne correspondent donc qu’à une bien faible part de la population

sikassoise. Par contre, un tiers de la population n’arrive pas à la barre de 25 kg / hab. / an, ce qui est considérable (Tableau 10). Les petits consommateurs sont nombreux. Ces chiffres, bien que probablement surestimés car calculés sur la base de déclarations des consommateurs, sont nettement au-dessus des moyennes généralement admises dans la littérature. Nous obtenons une moyenne générale de 60 kg / hab. / an, alors que la FAO indique sur son site FAOSTAT en 2002 un chiffre de 45 kg / hab. / an. Il semblerait donc que la consommation de produits laitiers en ville soit en hausse, et qu’elle s’apparente de moins en moins à une consommation « de luxe ».

Tableau 10 : Consommation de produits laitiers à Sikasso

Consommation individuelle en kg/hab./an Pourcentage de la population

Moins de 25 32

De 25 à 50 24,5

De 50 à 100 24,5

Plus de 100 19

Total 100

Par ailleurs, les barrières classiques à la consommation de produits laitiers semblent être en train de s’écrouler. La littérature indique généralement les revenus et l’ethnie, comme facteurs déterminants de la consommation.

La consommation de produits de lait est de 34 kg / hab. / an pour les foyer ayant un cumul de revenus estimé à 50 000 FCFA / mois, 57 kg / hab. / an pour les foyer ayant un cumul de revenus compris entre 50 000 et 100000 FCFA / mois et enfin de 54 kg / hab. / an pour les foyers ayant un cumul de revenus de plus de 100 000 FCFA / mois. La consommation de lait n’est donc pas forcement liée aux revenus de la famille. En outre, ces niveaux de consommation de produits laitiers n’intègrent pas la consommation « hors foyer », celle-ci échappe à la comptabilité de la ménagère. Cependant ces chiffres sont à la hausse par rapport au niveau de consommation officiel de 23 kg / hab. / an (DNE, 1992), et de 17,5 kg / hab. / an dans la ration d’un africain moyen (Metzger, 1995).

Sur le plan de l’appartenance ethnique, le Tableau 11 montre en premier lieu de fortes disparités au sein des ethnies, puisque pour chacune d’elles les écart-types sont élevés (indiqués entre parenthèses dans la colonne de droite).

Il montre également une consommation moyenne élevée dans toutes les ethnies. Seules les Minianka ont une consommation moyenne nettement inférieure à la moyenne de la ville. En d’autres termes, il n’existe aucune ethnie dont on pourrait dire qu’elle consomme peu, hormis les Minianka qui restent cependant très proche des recommandations de la FAO. L’idée reçue selon laquelle les Peuls en particulier, et les peuples du Nord en général, auraient une consommation plus élevée, est ici réfutée. De même, si les Bambaras et Senoufos sont en bas de l’échelle, on ne peut pas affirmer que leur consommation soit faible, puisqu’elle avoisine les 60 kg / hab. / an. On ne décèle pas plus de préférence d’une ethnie pour tel ou tel produit. Les peuls ne consomment pas plus de lait frais que les autres, à titre d’exemple. Il en ressort donc qu’en milieu urbain, l’appartenance ethnique n’est pas un critère déterminant de la consommation de produits laitiers. En effet, s’il est fréquent qu’en milieu rural un peul consomme plus de lait frais qu’un senoufo, le comportement des deux change s’ils viennent à

habiter en ville. Le peul consomme alors aussi du lait en poudre, tout comme le senoufo, et leurs profils deviennent assez similaires.

Ces premiers aspects réfutent l’idée de grands clivages « classiques » au sein de la population, concernant la consommation de LPL : ni les revenus ni les origines ethniques ne semblent vraiment décisives. L’idée qui se confirme est plutôt que la consommation en milieu urbain est bien différente de ce qu’elle peut être en milieu rural. Cependant, le changement de comportement alimentaire représente une opportunité de demande de lait solvable à même à enclencher un développement de la production laitière du bassin laitier de Sikasso.

Tableau 11: Consommations moyennes selon l’ethnie du chef de famille.

Ethnie du Chef de foyer Nombre de foyers

enquêtés Consommation individuelle en kg/hab./an Malinké 5 95 (31) Soninké 9 76 (128) Peul 29 72 (68) Dogon 6 68 (121) Songhoï 5 65 (68) Bambara 36 60 (48) Senoufo 84 57 (54) Minianka 11 47 (34) Autres 15 34 (#)

Moyenne(écart type)

Les modes de consommation changent

La Figure 11 montre à quel point le lait en poudre a pris une part importante dans la consommation des ménages sikassois. La poudre s’insère d’une part dans les modes de consommation traditionnelle, où les produits laitiers sont mélangés à la bouillie, ou au couscous, ou consommés purs le soir. Ils provoquent également de nouveaux modes de consommation, tel que la consommation au petit déjeuner, pur ou mélangé à du café ou du thé. Autres modes nouveaux de consommation : les yaourts et les laits caillés, sucrés et aromatisés, rafraîchissants et nourrissants. On note également la consommation « hors-foyer » à toute heure. Les produits locaux eux sont beaucoup moins polyvalents, et s’intègrent mal dans ces nouvelles consommations. Il y a là un enjeu pour les filières locales.

Dépenses en produits laitiers à Sikasso : part de chaque produit Lait Frais 31% Lait Poudre 34% Yaourts 13% Lait Caillé 11% Féné 8% Fromage 1% Sirimé 1% Beurre 0% Lait Concentré 1%

Synthèse des modes de consommation des produits laitiers

0 50 100 150 200 250 300

Café Pur Bouillie Couscous Degue

N o m b re d e f o y e rs d é c la ra n t Féné Lait Poudre Lait Caillé Lait Frais

Repas au cours desquels des produits laitiers sont consommés

0 50 100 150 200 250 300 350 400

petit déjeuner déjeuner dîner Tout moment

N o m b re d e f o y e rs d é c la ra n ts Féné Lait Poudre Lait Caillé Lait Frais

Figure 11: Dépenses en produits laitiers et modes de consommation des foyers à Sikasso

La Carte 6 montre les dépenses mensuelles moyennes des foyers par produit laitier et par quartier. La consommation est plus diversifiée dans le centre ville en plus du lait frais, il y a le yaourt, le féné, le lait caillé. Les quartiers du centre ville sont les plus peuplés. Par contre, le lait en poudre est consommé partout indépendamment des quartiers. La proximité des parcs n’augmente pas non plus la consommation de lait frais dans les quartiers périphériques de la ville.