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Trois jugements du Tribunal f~d~ral pr~cisent les limites du droit de s~jour de ressortissants d'Etats membres de 'UE, qui sont n~s en Suisse ou qui y ont pass6 une partie significative de leur vie.

a) Menace actuelle i la s6curit et i l'ordre publics

Dans un arr6t du 6 juin 201163, le Tribunal f6d6ral a pr6cis6 la notion de «me-nace actuelle>>, 6tablie par la Cour de justice notamment dans ses arrets Calfa64 et Bouchereau61. Le litige trouvait son origine dans une mesure d'expulsion prise par les autorit6s cantonales i l'encontre d'un ressortissant allemand, alors qu'il 6tait en train d'ex6cuter des mesures th6rapeutiques ordonn6es par le juge cantonal en vertu de l'article 43 du Code p6nal suisse, dans le cadre du sursis i l'ex6cution d'une peine privative de libert6 i laquelle il avait W condamn6 pour des actes de p6dophilie. Le requ6rant avait contest6 la mesure d'expulsion, en invoquant l'article 5, paragraphe 1, de l'annexe I, de I'ALCP, selon lequel il est admis que la condition relative i l'existence d'une menace actuelle doit tre remplie i l'6poque oP intervient l'expulsion. I1 avait fait r6f6rence i l'arret Or-fanopoulos et Oliveri de la Cour de justice66, dans lequel celle-ci avait conclu que ol'article 3, de la directive 64/221 s'oppose i une pratique nationale selon laquelle les juridictions nationales ne sont pas cens6es prendre en consid6ra-tion, pour v6rifier la 16galit6 de l'expulsion ordonn6e i l'encontre d'un ressor-tissant d'un autre Etat membre, des 616ments de fait intervenus aprbs la demibre

62 Ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Conf~d&ration suisse et, d'autre part, l'Union europ~enne et ses Etats membres, ainsi qu'entre les Etats membres de l'Association europ~enne de libre-&change (OLCP), du 22 mai 2002, RS. 142.

203.

63 ATF 137 II233, du6juin 2011.

4 CJCE, arret Calfa, du 19 janvier 1999, aff. C-348/96, Rec. 1999, p. 1-11.

65 CJCE, arret Bouchereau, du 27 octobre 1977, aff. 30-77, Rec. 1977, p. 1999.

66 CJCE, arret Orfanopoulos et Oliveri, du 29 avril 2004, aff. jtes C-482/01 et C-493/01, Rec. 2004, p. 1-5257.

Droit europ~en: Suisse - Union europ~enne / Europarecht: Schweiz - Europdiische Union

decision des autorit~s comp~tentes pouvant impliquer la disparition ou la dimi-nution non n~gligeable de la menace actuelle qui constituerait, pour l'ordre pu-blic, le comportement de la personne concerne >>. La Cour de justice avait ad-mis que tel 6tait le cas si l'appr~ciation de la decision d'expulsion 6tait faite par la juridiction comp~tente une fois qu'un long d~lai s'6tait 6coul depuis la date de la decision d'expulsion. Le requ~rant consid~rait donc que le raisonnement de la Cour de justice 6tait pertinent dans sa situation, compte tenu du fait que la mesure d'expulsion prononc~e i son encontre devait tre ex~cut~e i sa libera-tion de l'ex~culibera-tion des mesures institulibera-tionnelles. Selon lui, l'article 62 du Code penal suisse subordonne la liberation de l'ex~cution institutionnelle de la me-sure en cause i l'observation d'un pronostic th~rapeutique favorable i l'6gard de l'auteur. Ainsi, si la situation th~rapeutique du requ~rant ne devait pas connaitre d'am~liorations, la liberation pr~vue i l'article 62 du Code p~nale serait inoperable, ce qui ferait 6chec l'ex~cution de la mesure d'expulsion. Au contraire, si celui-ci devait 6tre lib~r6 en raison d'un pronostic th~rapeutique favorable, son comportement personnel ne serait plus constitutif d'une menace sous l'angle du droit des migrations, de sorte que la mesure d'expulsion devrait 6tre consid~r~e comme ill~gale.

Le Tribunal f~d~ral a rejet6 cette argumentation. I1 a relev6 tout d'abord, l'6gard de l'article 62c du Code penal suisse, que la levee d'une mesure institu-tionnelle n'6tait pas limit~e aux cas oA la th~rapie i laquelle l'auteur est soumis conduit i des r~sultats positifs. Le juge pouvait 6galement lever une telle me-sure th~rapeutique, lorsque son execution ou sa poursuite paraissait vou~e i

l'6chec. Dans cette situation, l'auteur constituait, meme aprbs sa mise en li-bert6, un danger pour la s~curit6 et l'ordre publics et son expulsion 6tait donc justifi~e. Le Tribunal f~d~ral a aussi not6 que meme en supposant que la levee de la mesure institutionnelle 6tait ordonn~e eu 6gard au progrbs th~rapeutique constat6 i l'6gard du requ~rant, cette situation n'6tait pas de nature i exclure la possibilit6 de son expulsion. Selon le Tribunal f~d~ral, le droit penal et le droit des 6trangers poursuivent des objectifs diff~rents et ont un champ d'application ind~pendant. Pour les autorit~s charg~es des questions relevant du droit des 6trangers la protection de la s~curit6 et de l'ordre publics se trouve au premier plan et l'appr~ciation de cet int~ret se fait selon une 6chelle plus stricte que celle utilis~e par les autorit~s p~nales ou d'ex~cution p~nale. Dans cette opti-que, la circonstance qu'un auteur est mis en libert6 suite i l'ex~cution d'une mesure th~rapeutique appliqu~e en verm du droit penal ne saurait s'opposer i

l'application d'une mesure d'expulsion, qui relbve du droit des 6trangers. Le Tribunal f~d~ral s'est 6galement interrog6 sur la question de savoir si une coor-dination entre le droit penal et le droit des 6trangers pouvait tre mise en place, de sorte qu'une mesure d'expulsion puisse tre ordonn~e seulement aprbs la prise d'une decision quant aux mesures institutionnelles. I1 a estim6 i cet 6gard

qu'il n'y avait pas lieu d'attendre la fin de l'ex~cution des mesures institution-nelles pour prononcer une mesure d'expulsion, en s'appuyant sur deux argu-ments. I1 a consid~r6 premibrement que le risque de r~cidive pouvait persister, nonobstant les effets du traitement th~rapeutique effectu6 au titre desdites me-sures. Deuxibmement, une mesure d'expulsion <<pr~matur~e >> avait l'avantage d'informer l'int~ress6 sur le lieu oP il allait mener sa vie i l'issue de l'ex~cution de ces mesures, en facilitant sa r~insertion sociale. A cet 6gard, le Tribunal f~d6-ral a soulign6 l'int~ret qu'une personne condamn~e pouvait avoir, dans le cadre de l'application de la Convention du 21 mars 1983 sur le transfbrement des personnes condamn~es67, i la continuation de l'ex~cution de la sanction dans son Etat d'origine. Enfin, le Tribunal f~d~ral a 6galement rejet6 le grief tir6 de l'arret Orfanopoulos et Oliveri de la Cour de justice. I1 a observ6 que ledit arret chargeait les autorit~s nationales de prendre en consideration, aux fins de l'ex6-cution d'une mesure d'expulsion, toutes les circonstances survenues aprbs la dcision d'expulsion. Or, dans le cas de l'espbce, cette obligation avait W res-pect~e, puisque le Tribunal administratif cantonal avait pris en consideration la situation du requ~rant, tel qu'elle se pr~sentait i la date du prononc6 de son ar-ret.

b) Menace grave A la s6curit et i l'ordre publics

Dans un arr6t du 30 juin 201168, le Tribunal f6d6ral a examin6 la condition li6e i l'existence d'une menace grave i la s6curit6 et l'ordre publics. I1 s'agissait d'un ressortissant italien, n6 en Suisse et condamn6 i 39 reprises pour des in-fractions i la loi sur les stup~fiants, brigandage, vol, lesions corporelles et violation de domicile. La dur~e totale des peines privatives de libert6 prononc~es son encontre correspondait / prbs de neuf ans. Le Tribunal f~d~ral a v~rifi6, en premier lieu, si les conditions pr~vues par la LEtr. en matibre de limites au droit de sjour des 6trangers 6taient remplies. En vertu de l'article 63, paragraphe 2, de la LEtr., l'autorisation d'6tablissement d'un 6tranger qui s6-journe en Suisse 16galement et sans interruption depuis plus de quinze ans peut 6tre r~voqu~e dans deux cas: l'6tranger a W condamn6 une peine privative de libert6 de longue dur~e ou a fait l'objet d'une mesure p~nale pr~vue aux articles 64 ou 61 du code penal (article 62, let. b), de la LEtr.), ou l'6tranger a attent6 de manibre trbs grave / la s~curit6 et / l'ordre publics en Suisse (article 63, para-graphe 1, let. b), de la LEtr.). Une peine privative de libert6 d'une dur~e sup6-rieure un an a &6 consid~r~e comme une peine privative de libert6 de longue dur~e, au sens de l'article 62, let. b), de la LEtr.69. S'agissant de la condition

61 Convention du 21 mars 1983 sur le transf~rement des personnes condamnes, RS 0.343.

61 Arret 2C41/2011, du 30juin 2011.

69 ATF 135 II 377, du 25 septembre 2009.

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pr6vue A l'article 63, paragraphe 1, let. b), de la LEtr., le Tribunal f6d6ral a rap-pel6 la n6cessit6 d'appr6cier cette condition eu 6gard A l'importance du bien juridique menace .Si des atteintes A l'int6grit6 corporelle, psychique et sexuelle d'une personne sont principalement vis6es par cette disposition, il n'en demeu-rait pas moins qu'une pluralit6 d'infractions, lesquelles prises individuellement ne sauraient fonder une mesure de r6vocation d'une autorisation d'6tablissement, puisse donner lieu A l'application d'une telle mesure. En outre, le Tribunal f6d6ral a soulign6 que les autorit6s comp6tentes 6taient tenues, dans le cadre de l'article 63, paragraphe 1, let. b), de la LEtr., de respecter le principe de propor-tionnalit6. Une mesure fond6e sur ladite disposition est appr6ci6e comme proportionn6e ou non en fonction de la gravit6 de la faute de l'auteur, son degr6 d'int6gration en Suisse, ainsi que les cons6quences d6favorables qu'une telle mesure a sur la situation personnelle, familiale et professionnelle de celui-ci.

Selon le Tribunal f6d6ral, l'examen des limites apport6es au droit de s6jour des ressortissants d'un Etat membre de 'UE doit 6tre restreint, lorsque ceux-ci sont n6s en Suisse et y ont pass6 leur vie, sans pour autant que la possibilit6 de leur expulsion ne soit exclue. Uint 6rt public A leur expulsion est pr6serv6, notamment, en cas de r6cidive d'infractions impliquant des actes de violence71.

En l'espbce, le requ6rant avait commis, durant les vingt dernibres ann6es plusieurs infractions et les mesures d'expulsion prises A son 6gard n'avaient pas t6 ex6cut6es. Pour la seule ann6e 2008, il avait commis des infractions de vol et de violation de domicile, qui lui avaient valu des peines privatives de libert6 d'une dur6e totale de 25 mois. Sa criminalit6 6tait li6e A son addiction aux drogues et l'intervention faite par des professionnels pour l'aider A sortir de son emprise etait restee sans effet. Sur le plan familial, le requerant n'6tait pas ma-ri6, n'avait pas d'enfants et n'entretenait pas de contacts avec ses proches. I1 ressort du dossier qu'il avait fait l'objet d'actes de d6faut de bien et qu'il avait b6n6fici6, durant plusieurs ann6es, de prestations d'aide sociale. Le Tribunal f6d6ral a consid6r6 que le requ6rant, par son comportement, avait port6 atteinte de manire trbs grave A la s6curit6 et l'ordre publics en Suisse, au sens de l'ar-ticle 63, paragraphe 1, let. b), de la LEtr. La r6vocation de son autorisation d'6tablissement au titre de cet article 6tait proportionn6e. Le Tribunal f6d6ral n'avait pas t6 insensible au mepris manifest6 par le requ6rant envers l'ordre public suisse et a confirm6 la mesure d'expulsion des autorit6s cantonales. Vu l'absence de contacts sociaux en Suisse, un renvoi en Italie 6tait supportable. Le cas d'espbce 6tait diff6rent de celui du 16 mars 200172, dans lequel le Tribunal f6d6ral avait consid6r6 comme non-proportionn6e la mesure d'expulsion

ordon-70 ATF 137 11297, du 15 avril 2011.

71 ATF 122 11433, du 15 novembre 1996.

72 Arret 2A.468/2000, du 16 mars 2001.

n~e i l'encontre d'un ressortissant italien install en Suisse avec sa famille i l'fge de neuf ans. Celui-ci n'avait pas recouru i la violence dans la commission des faits incrimin~s et avait d~montr6 de fortes chances d'int~gration aprbs son traitement pour lutter contre la d~pendance aux drogues.

En vertu de l'article 5, de l'annexe I, de I'ALCP, le requ6rant ne saurait connaltre une solution contraire i celle retenue au titre de la LEtr. Le Tribunal f~d~ral a soulign6 que le Tribunal cantonal s'6tait fond~e, dans son jugement, sur la situation personnelle du requ~rant et le danger qu'il repr~sentait pour la s~curit6 et l'ordre publics suisse, i l'exclusion des motifs de prevention g~n6-rale. Dbs lors, la revocation de l'autorisation d'6tablissement et l'expulsion du requ~rant 6taient conformes i l'article 5, de l'annexe I, de I'ALCP. Un mois aprbs avoir rendu cet arret, le Tribunal f~d~ral a eu l'occasion de confirmer une mesure d'expulsion prise i l'encontre d'un ressortissant italien, qui avait s6-journ en Suisse plus de trente ans73. En l'espbce, le comportement du requ~rant, du fait du meurtre de son 6pouse, r~unissait les conditions de omenace r~elle et d'une certaine gravit6 affectant un int~ret fondamental de la socit& , au sens de la jurisprudence de la Cour de justice".

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