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1.3 Les outils pour les études en neurobiologie chez la drosophile

1.3.1 Des outils génétiques extrêmement puissants

1.3.2.6 Optogénétique : le contrôle par la lumière de l’activité neuronale 26

L’optogénétique permet le contrôle par la lumière de l’activité de neurones qui, par ingénierie génétique, expriment au niveau de leur membrane des canaux ioniques sensibles à la lumière. Il est alors possible de contrôler spatialement et temporellement l’activité de neurones bien ciblés dans des animaux vivants avec des résolutions temporelles de l’ordre de la milliseconde. Le contrôle spatial est rendu possible grâce à l’utilisation du système d’expression UAS/GAL4. Les actuateurs optogénétiques, représentés sur la figure 1.12A sont des canaux ioniques tels que la channelrhodopsine, l’archaerhodopsine ou la halorhodopsine. La halorhodopsine, issue de la bactérie Halobacteria est un canal ionique spécifique des ions chlorure Cl. Lorsque ce canal est illuminé avec des radiations aux alentours de 570 nm, celui-ci pompe des ions chlorure à l’intérieur des neurones à la membrane desquels il est exprimé. Ce flux d’anions vers l’intérieur des neurones conduit à une hyperpolarisation, c’est-à-dire à une inhibition, des neurones concernés. L’archaerhodopsine conduit également à l’inhibition des neurones ciblés par pompage des protons H+ du milieu intracellulaire vers le milieu extracellulaire. La channelrhodopsine, généralement activable par des rayonnements dont les longueurs d’ondes correspondent au bleu, est un canal ionique qui, lorsqu’il est activé, conduit à l’excitation ciblée de neurones [72]. Il s’agit également d’un canal ionique, mais qui contrairement à la halorhodopsine, fait entrer dans les neurones, lors de son activation,

Figure 1.12 – Principaux outils opto- et thermogénétiques utilisés chez la drosophile pour le contrôle de l’activité neuronale. (A) Canaux ioniques sensibles à la lumière : Halorhodopsine, Archaerhodopsine et Channelrhodopsine. (B) Canal ionique sensible à la température dTrpA1.

des cations tels que les ions potassium K+, les ions sodium Na+, les protons H+ ou les ions calcium Ca2+ conduisant à la dépolarisation des neurones ciblés. Très récemment, un canal ionique sensible à la lumière, nommé BACCS (pour “Blue light-Activated Ca2+ Channel Switch”) et conduisant, après activation lumineuse, à l’entrée spécifique d’ions calcium Ca2+

a été développé [73].

Les outils optogénétiques qui ont été à la base développés chez les mammifères, ont également été introduits chez la drosophile [74]. Toutefois, l’utilisation de la lumière comme déclencheur de l’activité neuronale présente quelques limitations. Il peut par exemple être difficile de cibler, avec le faisceau lumineux d’activation, le groupement de neurones d’intérêt, si celui-ci se trouve en profondeur dans le cerveau. Pour les organismes modèles tels que les rongeurs, la stimulation optogénétique peut être délivrée à l’aide de fibres optiques ce qui n’est pas le cas de la drosophile. L’absorption du rayonnement par les tissus peut être compensée par l’utilisation de plus fortes densités de puissance lumineuse d’activation. Néanmoins, dans le contexte de l’imagerie in vivo, cette solution est peu recommandée si l’on veut pouvoir observer le comportement neuronal sans introduire trop de perturbations liées à des effets phototoxiques indésirables. Des effecteurs optogénétiques activables par des rayonnements de

plus grande longueur d’onde, typiquement dans le rouge, ont été développés afin de permettre l’activation de neurones situés en profondeur [75, 76, 77]. Le décalage de la longueur d’onde d’excitation, vers le rouge, des actuateurs optogénétiques, que cela soit pour l’excitation ou l’inhibition des neurones, permet également de s’éloigner de la fenêtre de sensibilité du système visuel de la drosophile, limitant ainsi les artefacts de non-spécificité de la réponse neuronale.

Des effecteurs optogénétiques fonctionnant sur le principe de décageage par photoac-tivation d’ions calcium Ca2+ ont également été développés, permettant l’activation neuronale dans des sous-compartiments cellulaires ciblés [78]. Le ciblage de sous-compartiments cellu-laires est impossible avec des effecteurs optogénétiques de type canaux ioniques car ils sont ancrés à la membrane plasmique. Malgré tous ces développements, les outils optogénétiques étaient encore peu utilisés, il y a quelques années, chez la drosophile adulte car ils nécessitent d’introduire du rétinal, que les mammifères synthétisent naturellement, dans son alimentation. Ce co-facteur permet d’activer les rhodopsines bactériennes à la base des outils optogénétiques.

1.3.2.7 Thermogénétique : le contrôle de l’activité neuronale par la température

Le cerveau de la drosophile peut fonctionner correctement sur une gamme de température allant d’environ 17˚C à 33˚C. Ainsi les outils thermogénétiques, combinés avec le système d’expression UAS/GAL4, sont une alternative à l’optogénétique pour contrôler spécifiquement certains neurones, en inhibant ou en activant leur activité. Différents outils thermogénétiques existent chez la drosophile comme par exemple :

– l’utilisation du transgène UAS-Shibirets [79] pour agir sur la transmission synaptique. A basse température (inférieure à 25˚C), la transmission synaptique est normale alors qu’elle est bloquée pour des températures supérieures à 29˚C par blocage du recyclage des vésicules synaptiques. Cet effet est réversible et permet donc de contrôler temporellement l’activité de la sous-population neuronale sélectionnée par le pilote d’expression GAL4 utilisé.

– l’utilisation du transgène UAS-dTrpA1 [80] pour dépolariser les neurones. Ce transgène code pour un canal ionique thermosensible. Lorsque la température est supérieure à 25˚C, les neurones sont activés par entrée d’ions Ca2+, Na+ et K+ dans le milieu intracellulaire (figure1.12B).

La limitation principale des approches thermogénétiques en comparaison de l’optogénétique est la résolution temporelle si le chauffage se fait par convection avec le milieu environnant. Il est néanmoins possible de contrôler l’activation ou l’inhibition de l’activité neuronale par thermogénétique avec des temps caractéristiques inférieurs à la seconde en utilisant par exemple un faisceau laser infrarouge pour le chauffage sur une mouche immobile ou même sur une mouche en mouvement dans le cas de l’étude de la locomotion [81].

1.4 La préparation microchirurgicale de la drosophile