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Chapitre I : Généralités sur la thermoélectricité

III- 4.2) Optimisation de la conductivité thermique

Dans un solide ne présentant pas d’ordre magnétique, la conductivité thermique totale λ

est composée d’une contribution provenant des porteurs de charge électronique λe et d’une

seconde contribution λr liée à la propagation des phonons dans la structure :

λ = λr + λe (Eq.I-19)

 

La contribution électronique peut être évaluée par la loi de Wiedemann-Franz qui met en

évidence le lien direct qui existe entre la résistivité électrique et la conductivité thermique due

aux électrons :

λe= !

!T (Eq.I-20)

L est le nombre de Lorenz exprimé en W.Ω.K-2 . Ce nombre varie non seulement avec la

température au travers des mécanismes de diffusion des porteurs mais également avec leur

concentration. Typiquement, L peut varier entre 1,5×10-8 et 2,45×10-8 W.Ω.K-2. La loi de

Wiedemann-Franz fait à nouveau apparaître un conflit : la diminution de la résistivité

électrique implique une augmentation de la concentration des porteurs de charge et de leur

mobilité mais en contrepartie elle entraîne une augmentation de la conductivité thermique

électronique.

La seconde contribution, due aux phonons, peut s’exprimer de manière très approchée

en fonction de la chaleur spécifique volumique Cv, du libre parcours moyen des phonons l et

de la vitesse du son ν :

λr=  !

! Cv l ν (Eq.I-21)

La chaleur spécifique des solides varie sensiblement en deçà d’une température

caractéristique appelée température de Debye θD. Lorsque T = 0,1θD, la chaleur spécifiqueest

proportionnelle à T3. Dans le cas où T > θD, la chaleur spécifique tend vers une valeur

constante (loi de Dulong-Petit) qui est égale à 3NRR est la constante universelle des gaz

parfaits et N est le nombre d’atomes par formule chimique. Entre ces deux régimes extrêmes,

la chaleur spécifique varie fortement avec la température selon la proportion des modes de

vibration qui sont excités dans le solide. Dans ce régime intermédiaire, la conductivité

thermique de réseau dans une version plus générale que l’équation I-21 est donnée par

l’expression de Debye :

λr = !!

!!!!

!

!

ħ

!

! � !!!

!

!!

!! ! ��

!

!

!

(Eq.I-22)

ħ est la constante de Planck réduite, x est la fréquence normalisée (ħω

!� ), T est la

température absolue et τq est le temps de relaxation des phonons.

Lorsque le libre parcours moyen des phonons devient équivalent à la distance

interatomique moyenne des atomes du cristal, la conductivité thermique de réseau atteint une

limite appelée conductivité thermique minimale. Cahill et Pohl [15] ont montré que la

conductivité thermique minimale s’exprime par la relation suivante dans la limite des hautes

températures :

λmin=!

!(!

!)!! �

!

!!

! (2�! + �

!) (Eq.I-23)

V est le volume moyen d’un atome dans la maille cristalline, vs est la vitesse du son

transversale et vLest la vitesse du son longitudinale. Si l’on néglige la dépendance en

température de la vitesse du son, λmin tend alors vers une valeur constante.

Plusieurs stratégies ont été employées au cours des deux dernières décennies afin de

minimiser la conductivité thermique de réseau. La première stratégie consiste à jouer sur le

désordre dans la maille cristalline. Ce désordre peut être causé par la réalisation de solutions

solides et par l’introduction d’atomes de masse et de taille différentes. Une autre possibilité

qui a été particulièrement étudiée est liée à l’insertion d’atomes lourds dans les cages vides de

structures cristallines ouvertes telles que les skutterudites ou les clathrates. Ces atomes,

faiblement liés aux atomes de la cage, peuvent osciller très fortement autour de leur position

d’équilibre conduisant à une forte diffusion des phonons. Ce type de diffusion est connu dans

la littérature sous le terme de diffusion résonante ou de « rattling ».

Une autre stratégie consiste à rechercher des matériaux ayant des structures cristallines

complexes avec un grand nombre d’atomes par maille de manière à minimiser la vitesse du

son. Une forte anharmonicité des liaisons chimiques peut également conduire à une

diminution très importante de la conductivité thermique de réseau. Dans le cas des tétraédrites

par exemple, l’anharmonicité des vibrations dans le réseau cristallin est causée par la présence

de paires d’électrons libres présents sur certains atomes de la structure cristalline. La

répulsion électrostatique entre les paires d’électrons libres et les ions voisins engendre une

forte anharmonicité et à de très faibles valeurs de conductivité thermique de réseau. Enfin, la

nanostructuration a également été une voie de recherche très active visant à réduire le libre

parcours moyen des phonons du fait des nombreuses interfaces entre les grains de taille

nanométrique.

Une analyse mathématique de la dépendance générale du facteur ZT en fonction de la

température et de la concentration des porteurs de charge est complexe puisqu'elle exige, pour

un matériau donné, une description détaillée des spectres d’énergie des phonons et des

électrons, ainsi qu'une connaissance précise de leurs mécanismes de diffusion. Cependant, des

informations qualitatives peuvent être obtenues à partir d’une approche simplifiée basée sur la

théorie classique pour des semi-conducteurs dans lesquels le transport est principalement

gouverné par une seule bande [10]. Cette théorie montre que la valeur maximale du ZT,

atteinte pour un niveau optimal de dopage (ou de concentration des porteurs de charge)

dépend non seulement des mécanismes de diffusion des porteurs de charge mais aussi des

propriétés du matériau au travers du paramètre β :

β∝ (!

!!)

!

! !

!

!

(Eq.I-24)

m* est la masse effective d'électrons (dans le cas de matériaux de type n) ou de trous (dans

le cas de matériaux de type p), m0est la masse d’un électron dans le vide et µ est la mobilité

Une valeur élevée du paramètre β est généralement un bon indicateur du potentiel

thermoélectrique d’un matériau donné. Ceci indique que les semi-conducteurs ayant une

grande masse effective, une mobilité élevée et une faible conductivité thermique de réseau

représentent les meilleurs candidats. Même si ces exigences ont tendance à être mutuellement

incompatibles (une mobilité élevée est habituellement liée à une masse effective faible par

exemple), des lignes directrices empiriques pour la sélection de bons matériaux

thermoélectriques ont été proposées par Ioffe [10], Goodman [16], Goldsmid et Douglas [17],

et par Slack [18,19]. Les principaux critères de sélection des matériaux peuvent se résumer

ainsi :

▪ les matériaux doivent être composés d’atomes lourds et en grand nombre (grande

maille) pour obtenir une faible conductivité thermique de réseau,

▪ les éléments constituants le matériau doivent présenter de faibles différences

d'électronégativité afin d’obtenir une forte mobilité des porteurs de charge,

▪ pour les matériaux de type n (type p), le potentiel chimique doit être proche du bord de

la bande de conduction (de valence) afin d’obtenir un coefficient Seebeck élevé,

▪ l’énergie du gap Eg doit être comprise entre 5 kBT et 10 kBT dans la gamme de

température visée afin de minimiser l’influence des porteurs minoritaires.

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