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Opinions des marchés

Dans le document CRISES DE LA DETTE PREVENTION ET RESOLUTION (Page 36-39)

2. Solutions ex post : renflouer et impliquer

2.8. Opinions des marchés

Les représentants des principaux investisseurs internationaux, s’expri-mant notamment avec le soutien de l’Institute of International Finance, ont manifesté dès le début de l’année 1996 leur opposition à la plupart de ces mesures (IIF, 1996 et Portes, 2000). Selon eux, « la résolution des crises [devrait s’employer] à restaurer la confiance des investisseurs privés [et l’accès au marché]... le modèle en vigueur dans les années quatre-vingt-dix... ».

Là encore, l’argument avancé reflète la volonté de rendre les défauts de paiement aussi désordonnés et d’un coût aussi exorbitant que possible dans la mesure où, selon eux, les débiteurs ne remboursent que lorsque le fardeau de la défaillance devient insupportable. Ils ont manifesté leur opposition tout à la fois aux clauses d’action collective (jusqu’à une date récente), à tout soutien officiel aux moratoires, à la politique de prêts en arriérés du FMI jugée nocive, ainsi qu’à tout recours massif aux « accords de sortie » (exit consents). On ne s’étonnera pas d’apprendre que ces mêmes représentants se soient prononcés en faveur d’une « aide publique d’assez grande ampleur

L’opinion des marchés à propos des clauses d’action collective a consi-dérablement évolué au fil du temps. À l’origine, les opérateurs estimaient que « toute initiative internationale visant à conférer un caractère contrai-gnant à de telles clauses... susciterait l’impression que le secteur public est disposé à faciliter la défaillance » (janvier 1999). Plus récemment, ils ont toutefois reconnu que « le recours aux CACs dans les contrats obligataires peut être de nature à aider la restructuration de la dette... et qu’on pourrait encourager leur utilisation sur la base du volontariat... » (janvier 2001). Le volte-face a pris un caractère définitif lorsque le directeur de l’IIF a écrit au président du CMFI (Comité monétaire et financier international, en charge de l’élaboration de la politique du Fonds) qu’« ... une initiative associant secteur public et secteur privé... (devrait) proposer des avancées pratiques...

en vue de l’introduction massive de clauses d’action collective » (C. Dallara, dans une lettre du 9 avril 2002 adressée à G. Brown). On serait tenté de dire que ce changement de ton reflète simplement le fait que les CACs sont considérées comme une solution moins néfaste que les autres propositions avancées par le Fonds.

De fait, le principal mérite du projet de MRDS est peut-être d’avoir réussi à inciter efficacement les marchés à se rallier à l’idée d’une solution basée sur un modèle « décentralisé et contractuel ». En réponse à la pression à laquelle les marchés étaient soumis, un groupe constitué de six associa-tions d’instituassocia-tions financières du secteur privé a publié en juin 2002 des

« principes basés sur le marché » définis d’un commun accord et conçus comme des outils de gestion de crise et de restructuration de la dette. En outre, comme indiqué précédemment, ils ont récemment fait connaître leur propre version de la CAC « idéale ». Toutefois, les propositions émises affi-chent un équilibre de façade : elles reprennent d’une main ce qu’elles ont concédé de l’autre. D’un côté, les clauses de modification des conditions financières proposées sont plus restrictives que celles dont sont actuelle-ment assorties les obligations de droit britannique et, de l’autre, les clauses proposées en matière de modification des conditions non financières sont plus restrictives que celles auxquelles sont soumises les obligations de droit de l’État de New York (Roubini et Setser, 2003).

Les opérateurs de marchés mettent fréquemment en avant l’hostilité des pays émergents eux-mêmes à l’égard des CAC. C’est dans une certaine mesure exact, mais il est possible que cela soit la conséquence de l’interac-tion existante entre les sociétés d’investissement new-yorkaises et les emprunteurs dans une structure de marché de type oligopolistique. Les souscripteurs déconseillent les CAC aux emprunteurs. Certains d’entre eux reconnaissent en privé agir de la sorte uniquement parce que les emprun-teurs considèrent d’ordinaire, bien que ceci ne soit aucunement justifié d’un point de vue empirique, qu’ils bénéficieraient de conditions moins favora-bles en cas de recours aux CAC. D’autre part, lorsqu’ils sont en situation de

concurrence pour l’obtention d’un mandat, ils estiment ne pas être en mesure de plaider la cause des CAC auprès d’émetteurs qui y sont opposés étant donné que, de son côté, la concurrence affirmera aux émetteurs que les CAC sont inutiles et non souhaitables. Cependant, dans l’hypothèse où les sociétés de souscription sont convaincues du bien-fondé de ce qu’elles avancent, elles devraient toutefois être conscientes que lorsque les choses tournent mal, les obligations non assorties de CAC ne leur confèrent aucune protection supplémentaire contre le risque de devoir participer au renfloue-ment – elles sont simplerenfloue-ment synonymes d’embarras supplérenfloue-mentaires (comme dans le cas de l’Ukraine)(10).

Les opérateurs ont également avancé que le MRDS s’attaque au pro-blème des crises d’insolvabilité alors qu’en réalité, les crises les plus cou-rantes et les plus graves sont les crises liées à la pénurie de liquidités, que le MRDS n’est rien d’autre qu’une tentative du FMI de protéger son propre statut de créancier privilégié et que, en outre, le MRDS comme les CAC remettent en cause le caractère sacré des contrats, généreront une augmenta-tion de l’aléa moral à un niveau intolérable, qui se traduira de fait par la hausse du coût du capital pour les emprunteurs des marchés émergents (voir ci-dessus).

Ces éléments constituent-ils les véritables motifs de l’hostilité des mar-chés au MRDS et aux CAC ? Il ne fait aucun doute que l’éventualité d’une hausse desspreads préoccupe les émetteurs, quoi qu’en disent les études empiriques, et que ceux-ci cherchent à prouver qu’ils ne sont pas en position de « repli ». Par ailleurs, les émetteurs comme les souscripteurs s’efforcent de vendre des obligations et redoutent l’effet dissuasif d’éventuels « con-trats prénuptiaux ». Les prêteurs, toutefois, et c’est là l’élément décisif, comptent sur le maintien des opérations de renflouement (bail-outs) aussi longtemps qu’il n’existera aucune solution alternative instituée d’implica-tion du secteur privé. Tant que le secteur public continuera de procéder à des opérations de sauvetage, les marchés n’auront aucun intérêt à recourir aux CAC ; d’un autre côté, cependant, la pratique du renflouement demeure indispensable tant qu’il n’existe aucune autre solution pour limiter le coût des défaillances de paiement. En d’autres termes, c’est l’éternel dilemme de l’œuf et de la poule.

Certains signes montrent toutefois que cette opposition est en train de s’éroder. Le Mexique dont le gouverneur de la Banque centrale fut long-temps sceptique quant au rôle des CAC a pris l’initiative d’émettre un nou-vel emprunt souverain comportant des CAC en février 2003. Il a été suivi par le Brésil et l’Afrique du Sud en avril 2003. Le prix de ces obligations

semble avoir été totalement indifférent à l’introduction de ces clauses. Le cas uruguayen dont nous avons parlé précédemment va dans le même sens.

Il est possible qu’en fait la partie soit déjà jouée.

Dans le document CRISES DE LA DETTE PREVENTION ET RESOLUTION (Page 36-39)

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