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La justification principale avancée par le Parti conservateur pour leurs propositions visant à modifier la loi relative aux droits de l'homme et à

renégocier les relations du Royaume-Uni avec la cour de Strasbourg est qu'ils jugent nécessaire de rétablir la confiance du public dans les droits de

l'homme81. La commission nommée pour examiner la création d'un « British Bill of Rights » a organisé deux consultations publiques. Ces deux

consultations ont montré un soutien considérable de l’opinion pour le maintien en l’état de la loi sur les droits de l'homme (88%) et pour que le Royaume-Uni reste signataire de la Convention (98%). Philippe Sands, membre de la

commission, a déclaré qu’il n’a décelé aucune preuve d'hostilité envers la Cour européenne des droits de l'homme hors du Parti Conservateur et d’un petit nombre de propriétaires de journaux.

Au cours des dernières années, plusieurs enquêtes ont été menées pour sonder l'opinion publique sur la question du vote des détenus. Un sondage de YouGov réalisé le 6 février 201582 quelques semaines avant les élections générales de 2015, a constaté que la majorité des personnes interrogées étaient fortement opposés à donner le droit de vote aux prisonniers

condamnés. Un fait intéressant est que les répondants étaient légèrement moins opposés à cette idée lorsque la question a été posée comme découlant de la décision d'un tribunal international par rapport à quand il leur a été dit que cette perspective était liée à la décision d'une juridiction européenne                                                                                                                

81 Protecting Human Rights in the UK – p.8

(67% opposés à la mise en œuvre d'un jugement international du tribunal par rapport à 69% en opposition à un arrêt européen). Les personnes interrogées ont été aussi fortement opposés à l’idée selon laquelle le droit de vote pourrait contribuer à la réhabilitation des prisonniers, 68% étant en désaccord avec cette idée. Ce chiffre était respectivement de 76% et 85% pour les électeurs conservateurs et les électeurs de l’UKIP83 ; il était de 81% chez les plus de 60 ans. 72% des personnes interrogées (82% des électeurs conservateurs) n'ont pas accepté que le vote puisse être considéré comme un droit de l’homme fondamental, et un nombre similaire a estimé que les détenus ne méritaient pas de voter. Mais 50% ne considèrent pas que l’interdiction de voter pour les prisonniers puisse être une peine efficace ou à même de dissuader les

détenus de récidiver. L'opinion publique semble donc proche des arguments du gouvernement dans l'affaire Hirst, qui a fait valoir que dans la tradition britannique le vote était considéré comme un privilège civique plutôt que comme un droit fondamental. Dans ces réponses, il est clair que le public affirme un jugement moral, avec l’idée générale que la perte du droit de voter correspond à la suppression légitime d'un privilège civique et représente une conséquence raisonnable de la violation du contrat social par un individu. Le fort soutien à la politique du gouvernement parmi les électeurs conservateurs et de l’UKIP est clairement visible.

Des enquêtes menées en 2012, 2011, et 2010 ont produit des résultats similaires avec respectivement 63%, 69% et 76% des personnes interrogées (et 77%, 80%, et 80% des électeurs conservateurs) estimant que les

prisonniers ne devraient pas avoir le droit de vote. Cependant, quand on a demandé en 2010 si le gouvernement devrait refuser de mettre en œuvre une décision de la Cour ou non, les réponses étaient plus nuancées, 50%

estimant que le gouvernement devrait refuser et 42% considérant que le gouvernement n'avait pas d'autre choix que de mettre en œuvre la décision et donner le droit de vote aux prisonniers.

                                                                                                               

83 United Kingdom Independence Party – un partie politique très insulaire, contre toute participation aux institutions et organisations européenes.

Tout en acceptant que les changements politiques ne traduisent pas

parfaitement les changements dans l'opinion publique, les chercheurs Garrett et Lange notent que les changements des politiques publiques sont

globalement liés aux changements des préférences et de la pensée dans la société telle que mesurée par le nombre d'électeurs partageant une position plutôt que de l'importance économique (ou, en l’occurrence, de l’importance juridique) d'une question84. Les changements de politiques gouvernementales seraient ainsi souvent la conséquence d’une approche plutôt populiste.

Comme le seuil pour changer les gouvernements est très faible dans une démocratie – une simple défaite électorale suffisant à changer le

gouvernement – le seuil de l'opinion publique pour déplacer ou pour bloquer la politique du gouvernement est également faible et se traduit par une

grande sensibilité des gouvernements aux changements dans les préférences de la société.

La politique nationale doit être placée dans le contexte de l'environnement international, et les questions internationales doivent également être

considérées d’un point de vue interne : les changements observés dans une sphère peuvent influencer les options retenues dans l'autre. Ainsi, alors que l'opinion publique s’était légèrement assouplie entre 2010 et 2012 sur la question du droit de vote des détenus, la résistance à l’obligation de respecter un jugement rendu par la Cour européenne des droits de l'homme

apparaissait renforcée. Cela reflète l’évolution de la position du

gouvernement, acceptant d’abord à contrecœur le jugement, comme le démontre sa volonté initiale d'examiner les options pour la mise en œuvre de ce dernier, avant de faire part d’une résistance beaucoup plus forte une fois qu’il était assuré du soutien de l’opinion publique et des parlementaires. Il est évidemment très difficile de départager la cause et les effets dans le

séquençage de ces réactions.

John Wadham, membre de la commission pour l'égalité et les droits de

l’homme, a déclaré à l'époque que « le gouvernement britannique ne peut pas

                                                                                                               

continuer à violer les droits d'une minorité de ses citoyens simplement parce que les sondages d'opinion sont contre. Parfois, la bonne chose à faire est de ne pas suivre la voie la plus populaire. »85 Mais quand les opinions publiques et politiques sont en harmonie, l’incitation est faible pour les décideurs

politiques de « do the right thing ».