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L ES STRUCTURES LES PLUS ANCIENNES : LA « TOUR MAÎTRESSE », UNE AULA ?

5. C ONTEXTE HISTORIQUE

L’insuffisance de données historiques rend malaisée la datation de la plupart des reliquaires, qu’ils soient portatifs ou non. Leur datation est généralement établie sur base des motifs stylistiques ou iconographiques. L’aspect technique s’avère aussi être un moyen de comparaison intéressant. En général, les bourses-reliquaires sont attribuées à une période allant du VIIe au IXe siècle51.

Le reliquaire dit de Beauraing montre un Christ en croix. De l’avis général, il s’agit d’une thématique qui n’est pas rencontrée avant le IXe siècle dans nos régions. Cette absence est généralement expliquée par l’édit de Léon III, condamnant le culte des icônes et de leurs adorateurs. Cet événement donna le départ au premier iconoclasme byzantin (726-787). Cette condamnation du culte des icônes fut à l’origine d’une longue lutte qui s’échelonna de 726 à 787 – premier iconoclasme byzantin –, interrompue de 787 à 815 par une période de retour au culte des images, et à nouveau condamné de 815 à 842 – deuxième iconoclasme52.

Par deux fois, Byzance entraîna les Francs dans des controverses concernant les images. L’art carolingien fut influencé par l’art byzantin, importé par les ports de la Méditerranée. Entre 790 et 840, des auteurs carolingiens ont produit, dans des circonstances diverses et avec des intentions variées, d’importants commentaires sur la controverse byzantine. Contrairement à l’opinion souvent répandue, ces auteurs ont parfaitement compris les questions fondamentales du problème53. Une

étude récente et approfondie de Thomas F. X. Noble souligne ainsi que, malgré certaines divergences, les Carolingiens s’accordaient sur une série de positions

49 R. A. SMITH, « The Crucifixion on a Frankish Buckle (Dalton Gift) », dans The British

Museum Quarterly, 3/22, 1928-9, p. 50-51 et pl. XXVIII.

50 Andrew ODDY, « Jewellery under the Microscope », dans Adriana CALINESCU, éd., Ancient

Jewelry and Archaeology, Bloomington-Indianapolis, Indiana University Press, 1996, p. 195

et fig. 12-13.

51 W. F. VOLBACH, « Les Arts somptuaires… », op. cit., p. 283-285. 52 J. DE LANDSBERG, L’Art en croix…, op. cit., p. 54-55.

essentielles que l’on peut résumer comme suit : l’art figuratif est acceptable, particulièrement pour des commémorations ou décorations ; des œuvres d’art ne devraient jamais être adorées, ni détruites54.

C’est à partir de 800, sous le règne de Charlemagne, que la réorganisation de l’Empire apporta à l’Occident une véritable renaissance artistique. L’église réaffirma que la représentation du Christ n’avait en soi rien de divin et n’engageait que l’artiste55. À partir de l’an mil, les artistes entreprirent de figurer la souffrance du

Christ sur la croix, la dégradation de son corps, l’épuisement, la mort56. Ce n’est

toutefois pas du tout l’image du Christ qui figure sur le reliquaire dit de Beauraing. L’autre décor du reliquaire dit de Beauraing – les palmes pennées de part et d’autre de la tête du Christ – correspond par ailleurs à une tradition très ancienne que l’on retrouve, par exemple, sur des sarcophages du VIIe siècle.

Les œuvres comparables au reliquaire dit de Beauraing, citées plus haut, à savoir celles de Sensenruth et de la forêt d’Anlier, ne permettent pas vraiment de trancher. Il est clair qu’au sein du milieu ecclésiastique, la thématique représentée sur des reliquaires a été très répétitive au fil des siècles. Ainsi, par exemple, l’image d’un Jésus crucifié, comparable au ‘Christ crucifié sans croix’ d’Anlier daté du IVe siècle (voir note 37), est représentée sur le texte d’une page du manuscrit De Laudibus sanctae crucis (Livre 1). Là aussi, ce sont les bras tendus qui forment la traverse de la croix et, là aussi, pas de trace de clous. Rédigée par Raban Maur (Hrabanus Maurus), abbé de Fulda, l’œuvre est datée vers 790-80057.

En ce qui concerne la technique du repoussé, elle est appliquée aux reliquaires durant toute la période médiévale. En effet, si l’on considère les quelques bourses- reliquaires énumérées plus haut – les reliquaires d’Andenne (première moitié du VIIIe siècle)58, d’Ennabeuren (VIIIe siècle)59, de Saint-Bonnet d’Avalouze60 et d’Enger (VIIIe siècle)61, celui représentant la vierge et l’enfant entre saint Pierre et saint Paul du Musée de Cluny (VIIIe-IXe siècle)62 et le reliquaire dit de Pépin d’Aquitaine (comprenant des éléments du IXe au XIe siècle avec même quelques ajouts aux

54 T. F. X. NOBLE, Images, Iconoclasm, and the Carolingians…, op. cit., p. 368. 55 J. DE LANDSBERG, L’Art en croix…, op. cit., p. 59.

56 J. DE LANDSBERG, L’Art en croix…, op. cit., p. 65.

57 T. F. X. NOBLE, Images, Iconoclasm, and the Carolingians…, op. cit., couverture et p. 335. 58 A. DASNOY, « Le reliquaire mérovingien d’Andenne… », op. cit.

59 D. QUAST, Das merowingerzeitliche Reliquienkästchen…, op. cit. 60 J. BRAUN, Die Reliquiare…, op. cit., p. 199.

61 J. BRAUN, Die Reliquiare…, op. cit., p. 199 ; W. F. VOLBACH, « Les Arts somptuaires… »,

XIIe, XIIIe et XVIe siècles)63 – on constate des datations couvrant une relativement large période et des décorations difficilement comparables à celui du reliquaire dit de Beauraing.

En présence d’une aussi large fourchette chronologique pour situer le reliquaire dit de Beauraing et devant l’absence d’une quelconque information à propos du contexte dans lequel il a été trouvé, il fut décidé de le soumettre à une méthode de datation scientifique. Cette recherche a été confiée à l’Institut royal du Patrimoine artistique64. Comme le nombre d’anneaux de croissance présent dans le noyau en

chêne ne suffisait pas pour obtenir un résultat dendrochronologique, une datation par 14C fut pratiquée. Il en résulte qu’avec 95,4% de probabilité, le bois utilisé pour

ce reliquaire provient d’un abattage à situer entre 980 et 1150.

CONCLUSION

Il apparaît étonnant que le reliquaire dit de Beauraing ait échappé à l’attention du corps scientifique, tant son aspect décoratif et son état de conservation en font une œuvre originale et unique. J’espère donc que cette contribution permettra d’enrichir les répertoires existants des reliquaires du Moyen Âge.

Sans avoir pu approfondir de manière détaillée et précise les informations relatives à sa provenance, il est clair que ni les informations fournies par l’antiquaire-vendeur ni celles du conservateur-acheteur, ne permettent une contextualisation précise. La dimension historique de l’objet a été complètement perdue par son passage entre différentes mains, inconnues de surcroît. Ajoutons à cela qu’à Beauraing, personne ne connaît le reliquaire et n’en a jamais entendu parler, ce qui pourrait justifier la remise en question d’une provenance beaurinoise.

Bien que le nombre de bourses-reliquaires en Europe occidentale ne soit pas négligeable, chaque œuvre témoigne d’une créativité très personnelle de la part de l’artiste, sans aucun doute influencé par le commanditaire et le contexte social et politique du culte des reliques. Sans pour autant pouvoir confirmer le lieu de

63 Danielle GABORIT-CHOPIN et Elisabeth TABURET-DELAHAYE, éd., Le trésor de Conques.

Catalogue d’exposition, Paris, Monum, Édition du patrimoine, 2001. Le reliquaire a été

totalement remanié au début du XIe siècle. La Crucifixion, un peu plus ancienne, provient

d’un autre objet. Les émaux translucides, verts et rouges à palmettes d’or, sont d’origine carolingienne. Les oiseaux aux ailes émaillées datent du XIe siècle (Musée du Louvre.

http://www.insecula.com/oeuvre/O0008062.html).

production du reliquaire dit de Beauraing, on ne peut négliger qu’il s’intègre bien à la tradition de l’orfèvrerie mosane.

L’examen de quelques œuvres comparables démontre bien la problématique de la datation de ce genre d’objets religieux, étant donné l’absence générale de contexte historique. Réaliser dans ces conditions, une étude par les seules comparaisons iconographiques et stylistiques ou, encore, techniques ne suffit pas. C’est pourtant ainsi que la chronologie de nombre de reliquaires a été déterminée dans le passé. En effet, beaucoup de bourses-reliquaires décorées au repoussé sont datées des VIIe et VIIIe siècles et le reliquaire dit de Beauraing présente un Christ en croix rudimen- taire, sans expression de souffrance. Cela pourrait expliquer sa datation, initialement proposée, d’époque mérovingienne. La remise en question de cette datation s’est avérée utile. Daté, lors de son acquisition, du VIIe siècle, l’analyse au 14C démontre que notre objet daterait au plus tôt de la fin du Xe siècle.

Parmi les premières amours historiographiques de Michel de Waha, la fortifica- tion médiévale, ses implications au niveau des rapports de pouvoir entre princes, villes et nobles, occupent une place de choix. Aux côtés de Bruxelles et de son hinterland, le Hainaut constitue quant à lui une terre de prédilection. À la croisée d’un territoire et d’une thématique dont le récipiendaire communique et partage sa passion avec de nombreux étudiants parmi lesquels l’auteur de ces lignes, nous voudrions présenter ici quelques réflexions autour de l’institution très précoce de deux serments de canonniers, à savoir celui de Saint-Antoine à Valenciennes et celui de Saint-Laurent à Mons, assurant la défense de l’enceinte des deux villes principales du comté de Hainaut.

Particulièrement prisés par les historiens du XIXe siècle, les serments communaux, ces « associations confraternelles militaires d’intérêt public »2 réunissant par une

prestation de serment aux pouvoirs urbain et princier des hommes s’exerçant au maniement d’armes nécessitant une technicité accrue – archers, arbalétriers et autres arquebusiers –, ont suscité de nombreux écrits de portée souvent locale3.

Marqués par un esprit positiviste, non toujours exempts d’un certain chauvinisme

1 Je tiens à remercier chaleureusement le professeur Jean-Marie Cauchies (USL/Académie

de Belgique) qui, avec sa bienveillance coutumière, a accepté de relire une première version de cet article.

2 Georges ESPINAS, Les origines de l’association. I. Les origines du droit d’association dans les villes

de l’Artois et de la Flandre française jusqu’au début du XVIe siècle, t. 1, Lille, Émile Raoust,

1942 (Bibliothèque de la Société d’histoire du droit des pays flamands, picards et wallons, 14), p. 993.

3 Parmi la bibliographie locale foisonnante, dont une présentation exhaustive disloquerait

les cadres fixés à cet article, citons quelques travaux représentatifs sortant du lot : Alphonse WAUTERS, Notice historique sur les anciens sermens ou gildes d’arbalétriers, d’archers,

d’arquebusiers et d’escrimeurs de Bruxelles, Bruxelles, Briard, 1848 ; Jules BORGNET,

Histoire des compagnies militaires de Namur, Bruxelles, Hayez, 1851 (Extrait des Mémoires

couronnés et mémoires des savants étrangers. Académie royale de Belgique, 24) ; Ferdinand VANDERHAEGHEN, Histoire de la gilde souveraine des couleuvriniers, arquebusiers et

canonniers, dite chef-confrérie de Saint Antoine, à Gand, Gand, De Busscher, 1866. Signalons

toutefois deux travaux à vocation plus générale : L.-A. DELAUNAY, Étude sur les anciennes

compagnies d’archers, d’arbalétriers et d’arquebusiers, Paris, Champion, 1879, centré sur l’espace

français, et, pour les associations politiques, économiques et militaires du territoire belge, Alphonse VANDENPEEREBOOM, Gildes, corps de métiers et serments. Esquisse historique,

local, régional, voire national et se focalisant régulièrement sur l’aspect folklo- rique, anecdotique, que revêtirent les serments par suite de leur évolution, ces travaux n’ont qu’assez récemment conduit à quelques rares synthèses faisant suite à l’assouplissement, tout relatif, du ban prononcé par les Annales à l’encontre de l’histoire militaire et institutionnelle. Si la chronologie d’émergence des confréries d’arbalétriers et d’archers aux XIIIe et, surtout, XIVe siècles, leur réglementation par les pouvoirs, ainsi que la mutation des serments médiévaux en milices citoyennes dans les Provinces-Unies au temps de la Révolte sont aujourd’hui mieux connues4,

les associations nées de l’introduction de l’arme à feu dans la panoplie militaire des villes n’ont pas encore retenu l’attention qu’elles méritent.

Souvent mal distinguée des archers, arbalétriers et autres escrimeurs, dont elle partageait, il est vrai, une forme d’organisation et un nombre de droits et de devoirs juridiquement fondés, l’institution de canonniers et de couleuvriniers en serments présentait au XVe siècle un enjeu de taille pour les autorités concernées, soucieuses

4 Faisant figure de précurseur, G. ESPINAS, Les origines, op. cit., passim, intégra les serments

militaires à son étude fondamentale consacrée au droit d’association dans les villes d’Artois et de Flandre française. Relevons aussi l’excellente synthèse produite par Theo REINTGES,

Ursprung und Wesen der spätmittelalterlichen Schützengilden, Bonn, Röhrscheid, 1963

(Rheinisches Archiv. Veröffentlichungen des Instituts für geschichtliche Landeskunde der Rheinlande an der Universität Bonn, 58). Accordant une attention particulière à l’implication du prince et de ses officiers dans la règlementation des compagnies militaires, signe d’un droit d’association restant sans doute largement l’apanage du pouvoir central, lire la mise à jour récente de Jean-Marie CAUCHIES, « „Service“ du prince, „sûreté“ des

villes. À propos de privilèges délivrés aux confréries ou serments d’archers et d’arbalétriers dans les Pays-Bas au XVe siècle », dans Revue du Nord, t. 395, 2012, p. 419-434. Pour les

serments militaires médiévaux et leur évolution dans les Pays-Bas septentrionaux, voir Marijke CARASSO-KOK, « Der stede scut. De schuttersgilden in de Hollandse steden tot

het einde der zestiende eeuw », dans M. CARASSO-KOK et J. LEVY-VAN HALM, éds.,

Schutters in Holland: kracht en zenuwen van de stad, Zwolle-Haarlem, Waanders-Frans

Halsmuseum, 1988, p. 16-35, ainsi que l’étude remarquable et, à notre connaissance, sans équivalent pour les Pays-Bas méridionaux de Paul KNEVEL, Burgers in het geweer. De

schutterijen in Holland, 1550-1700, Hilversum, Verloren, 1994 (Hollandse Studiën, 32).

On notera en outre le foisonnant travail de compilation d’Eugeen VAN AUTENBOER, De

kaarten van de schuttersgilden van het Hertogdom Brabant (1300-1800), 2 t., Tilburg, Stichting

Zuidelijk Historisch Contact, 1993-1994 (Bijdragen tot de geschiedenis van het Zuiden van Nederland, 96A-B), analysant plus de 400 « chartes » de confréries de tir brabançonnes.

Voir encore, récemment, Paul BRUYÈRE, « En quoi les confraternités militaires des

villes étaient-elles privilégiées ? Notes à propos des compagnies sermentées de la cité de Liège (XVIe-XVIIe siècles) », dans Bulletin de l’Institut Archéologique Liégeois, t. 114, 2005-

2009, p. 135-186, ainsi que le travail de maîtrise de François DE WRANGEL, Les serments

de s’assurer le contrôle d’un savoir-faire stratégique émergeant. Aussi la chronologie et le contexte de ces fondations peuvent-ils s’avérer révélateurs non seulement de la diffusion des techniques nouvelles, mais encore des rapports de pouvoir entre prince et villes. Dans cette perspective, nous voudrions reprendre ici l’institution des serments de canonniers valenciennois (30 novembre 1382) et montois (22 juillet 1417). Leur règlementation, leur fonctionnement interne, leur engagement sur le terrain et leur évolution historique ne retiendront notre attention que dans la mesure où ils peuvent éclairer les circonstances de leur « fondation » en droit. Les principaux documents de ce dossier furent déjà édités et présentés séparément par un historien anonyme valenciennois, peut-être membre de la compagnie des canonniers sédentaires, et par Léopold Devillers, historiographe hainuyer et archiviste aux Archives de l’État à Mons5. Toutefois, la création de ces nouveaux

serments ne nous semble prendre tout son sens qu’en l’insérant dans le contexte technologique et politique hainuyer et en la comparant à celle d’autres associations de canonniers et de couleuvriniers communaux fondées au XVe siècle.

UNE PRÉCOCITÉREMARQUABLE

Dans ses Annales de la province et comté du Hainaut, l’historien montois François Vinchant (1582-1635) signalait que, à cause que les canons à poudre commençoient à estre en usance pour aggresser et défendre les places en temps de guerre, fut instituée en la ville de Mons la confrairie des Canoniers par le magistrat d’icelle ville6. Représentatif d’un point

de vue explicitement téléologique que l’on retrouve chez la plupart des auteurs, Vinchant suggère ainsi que l’apparition de l’arme à feu devait fatalement aboutir à la création de serments exercés à son maniement. À l’instar de ses successeurs,

5 Les canonniers sédentaires de Valenciennes. Notice sur leurs états de service, 1382 à 1871,

Valenciennes, Louis Henry, 1871, 33 p., en part. p. 8-14 (conservé à la Bibliothèque municipale de Lille, 98404). Plongeant ses racines dans l’ancien serment médiéval, le corps des canonniers sédentaires valenciennois ne fut dissous qu’en 1891 : J. HASS, « Les

canonniers bourgeois de Valenciennes », dans Symboles et Traditions, t. 76, 1975, p. 27-29. Il ne nous semble donc pas improbable qu’un canonnier se soit intéressé aux origines de sa compagnie. Henri CAFFIAUX, Essai sur l’organisation militaire de la ville de Valenciennes,

1057-1789, Valenciennes, Lemaître, 1878, p. 24 et p. 63, ne mentionne qu’en passant

la création du serment des canonniers. Pour Mons, voir : Léopold DEVILLERS, Notice

historique sur la milice communale et les compagnies militaires de Mons, Mons, Masquillier &

Duquesne, 1862, ici part. p. 43 et p. 112-113 (édition des lettres d’institution).

6 François VINCHANT, Annales de la province et comté du Hainaut, éd. A.P.V. DESCAMPS,

t. 4, Mons, Hoyois, 1851, p. 71. À propos de cet auteur : Herman VANDER LINDEN,

il laisse par la même occasion passer inaperçue la précocité du serment montois, institué dès le 22 juillet 14177 ! Fondé le 30 novembre 1382 pour bénéficier des

mêmes droits que les arbalétriers et archers de la ville, le serment des canonniers de Valenciennes est, à notre connaissance, le seul qui lui soit antérieur. Peut-être fut-il d’ailleurs le premier du genre dans les Pays-Bas8. S’il est vrai que de nombreux

serments maniant l’arme à feu virent le jour au XVe siècle, il s’agit pourtant, à notre connaissance, des deux premières compagnies dont les lettres d’institution nous soient parvenues, devançant de plusieurs décennies celles de Douai (1452) et de Nivelles (1453)9, prochaines fondations connues dans les principautés des anciens

Pays-Bas10. Significativement, Eugeen Van Autenboer signale que les chartes

octroyées aux serments brabançons utilisant l’arme à feu ne remontent pas au-delà de la seconde moitié du XVe siècle, avant de connaître un réel essor aux XVIe et XVIIe siècles11. Même son de cloche dans la principauté épiscopale liégeoise, où les confréries de couleuvriniers et d’arquebusiers n’apparurent qu’à partir de la fin du XVe siècle12. Dans les comtés de Hollande et de Zélande, il fallut encore attendre le premier quart du XVIe siècle pour assister à l’émergence des premiers serments de

7 Voir L. DEVILLERS, Notice historique, op. cit., p. 43, ainsi que Gonzalès DECAMPS, L’artillerie

montoise. Ses origines. Quelques souvenirs anciens et modernes, Mons, s.d., p. 17. Voir aussi

Gilles-Joseph DE BOUSSU, Histoire de la ville de Mons, ancienne et nouvelle, Bruxelles,

Archives générales du Royaume, 1996 (Archives générales du Royaume et Archives de l’État dans les Provinces. Reprints, 32), p. 130. Cet historiographe de Mons, en 1725, situait l’institution le 24 juillet 1417, se référant probablement au serment prêté par les confrères devant l’échevin Willame de Broussel à cette date : Mons, Archives de l’État à Mons (= AÉM), Ville de Mons, Section ancienne, n°1295 (1er registre aux résolutions

du magistrat), f°51r.

8 Les canonniers sédentaires, op. cit., p. 8-9. Tout en omettant le cas de Mons, peut-être pour

mieux faire ressortir la prééminence valenciennoise, l’auteur a ici bien cerné la précocité de ce serment qui « a précédé de plus d’un siècle la création de milices analogues dans les autres villes des Flandres ».

9 Pour Douai, voir G. ESPINAS, Les origines, op. cit., t. 2, p. 301, reproduit dans

Th. REINTGES, Ursprung, op. cit., p. 336-338. Pour Nivelles, voir Georges WILLAME,

Notes sur les serments nivellois, Nivelles, Guignardé, 1901 (Extrait des Annales de la Société

Archéologique de l’arrondissement de Nivelles, 7), p. 136-139 (édition des lettres d’institution).

10 En dehors de ce territoire, on signalera trois confréries érigées dans l’intervalle à Lagny

(1432), à Châlons-sur-Marne (1437) et à Chambéry (1442) : L.-A. DELAUNAY, Étude,

op. cit., p. 12-13.

11 E. VAN AUTENBOER, De kaarten, op. cit., p. 5. À raison, l’auteur ne retient pas la confrérie

de Sambeek, érigée en 1421, celle-ci ne se muant que bien plus tardivement en serment d’arquebusiers : A. VAN SASSE VAN YSSELT, « Het Guld van St. Antonius te Sambeek »,

dans Taxandria. Tijdschrift voor Noordbrabantsche Geschiedenis en Volkskunde, t. 18, 1911, p. 258-268.

couleuvriniers13. Certes, tous les actes d’institution de serments n’ont probablement

pas été conservés. En outre, le regroupement de canonniers en confréries peut précéder leur reconnaissance juridique écrite dans une société où l’oralité occupe encore une place considérable. Régulièrement introduites par les futurs bénéfi- ciaires, les requêtes destinées à obtenir des statuts spécifiques impliquent d’ailleurs, sinon une forme de regroupement préalable, au moins une certaine conscience collective. Toutefois, comme le remarque à juste titre Theo Reintges à propos des archers et des arbalétriers, on peut supposer que, même avec un certain décalage,