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L A CULTURE ET LA CITOYENNETÉ DANS UNE PERSPECTIVE DE CHANGEMENT L’attention accordée à l’éducation dans le traité de Lisbonne la place en fait dans le

L ES STRUCTURES LES PLUS ANCIENNES : LA « TOUR MAÎTRESSE », UNE AULA ?

2. L A CULTURE ET LA CITOYENNETÉ DANS UNE PERSPECTIVE DE CHANGEMENT L’attention accordée à l’éducation dans le traité de Lisbonne la place en fait dans le

contexte d’une logique instrumentale : plutôt qu’une fin, la connaissance représente un moyen au service de compétences plus élevées dans le domaine scientifique afin de garantir la compétitivité du premier marché mondial, tout à fait indisposé à l’idée de perdre sa souveraineté économique de place d’affaires, à cause de la crise économique survenue en 2008 avec une issue imprévisible et avec un risque de banqueroute des États les plus faibles.

« La Résistance en appelait à « la possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction la plus développée », sans discriminations ; or, les réformes proposées en 2008 vont à l’encontre de ce projet. De jeunes enseignants, dont je soutiens l’action, ont été jusqu’à refuser de les appliquer et ils ont vu leurs salaires amputés en guise de punition. Ils se sont indignés, ont « désobéi », ont jugé ces réformes trop éloignées de l’idéal de l’école républicaine, trop au service d’une société de l’argent et ne développant plus assez l’esprit créatif et critique »2.

Du reste, il n’est pas certain, avec la métamathématique, que se développe le sentiment de citoyenneté : « celui qui paye de sa personne – affirme un maître très aimé – témoigne qu’il veut une loi meilleure, c’est-à-dire qu’il aime la loi plus que d’autres. [...] Cette technique d’amour constructif de la loi je l’ai apprise avec les jeunes tandis que nous lisions le Criton, l’Apologie de Socrate, la vie du Seigneur dans les quatre É vangiles, l’autobiographie de Gandhi, les lettres du pilote d’Hiroshima. Des vies d’hommes qui ont contrasté tragiquement avec l’organisation en vigueur à leur époque, non pour l’ébranler mais pour la rendre meilleure3».

Le climat humaniste étant totalement désavantagé, puisque la connaissance des langues est aussi, dans les faits, exclusivement instrumentalisée par les logiques commerciales, la possibilité reste limitée, dans le milieu scolaire, d’agir sur cette sphère. Cette possibilité se concrétise souvent, avec l’aide de Cittadinanza e

Costituzione4 dans les curricula nationaux, et avec le lancement de projets liés aux

actions de la Commission, du Parlement, du Conseil européen et du Conseil de l’Europe.

La Commission européenne justifie son efficacité grâce aux actions coordonnées par la Direction générale Éducation, Culture et Sport ; au sein du Parlement euro- péen œuvre la Commission Culture et Instruction ; tandis que le Conseil européen n’a pas d’espace pour intervenir en la matière et que le Conseil de l’Europe agit via la Direction Culture et Patrimoine culturel et naturel, mais reste privé du pouvoir institutionnel des trois autres organismes, étant donné sa configuration d’organi- sation internationale.

Le rôle du Conseil de l’Europe est de favoriser la création d’un espace démocratique et juridique commun, avec le concours des 47 États adhérents, dans le cadre de la Convention européenne des droits de l’homme. Au sein de cette mission prend place également l’encouragement de la prise de conscience et la valorisation de l’identité et de la diversité culturelle comme forme de sensibilisation.

Sans passer par le point essentiel de l’emploi, qui demeure le trait d’union par excel- lence entre l’école et l’exercice de la citoyenneté responsable, rappelons la pensée d’un juriste éminent qui affirmait que « l’homme ne peut être libre s’il ne lui est pas garanti une éducation suffisante pour prendre conscience de soi, pour lever les yeux de la terre et pour entrevoir dans un rayon de lumière, qui descend d’en haut de ses ténèbres des fins plus grandes5 ». On peut revenir alors à la demande posée

par le jeune fédéraliste : « Que faire pour conquérir la confiance de la nouvelle génération d’Européens ? La faire bouger ! Pourquoi ne pas instaurer un « Erasmus universel », compris comme une forme de service civil au niveau européen qui offre à tous (et pas seulement aux étudiants universitaires) la possibilité de vivre l’Europe et de tirer tous les bénéfices pour la formation d’une citoyenneté cosmopolite ? Dans l’attente de cette révolution copernicienne, l’Union européenne mettrait à la disposition des ressources plus importantes pour la création d’un véritable « espace européen de l’instruction ».

4 Note du traducteur : Cittadinanza et Costituzione. Apprendere l’Unione Europea a Scuola est un

projet adopté par le ministère italien de l’Éducation (Loi 169/288 et circulaire ministérielle n°86 du 27/10/2010), présenté en septembre 2011 à la Commission européenne dans le cadre du programme Jean Monnet par l’Université de Padoue, financé par celle-ci, dont l’objectif général est d’augmenter le niveau de connaissance générale sur l’Union européenne, ses politiques et ses institutions, de manière à réduire le fossé s’élargissant entre la société civile et les institutions européennes. Ce projet spécifique a un double but : former un groupe d’en- seignants-tuteurs provenant de toutes les régions d’Italie sur le thème des droits de l’homme et de la citoyenneté active dans l’Union européenne, et élaborer un parcours de formation pour l’apprentissage de l’Union européenne à l’école.

Au-delà du mur, dès lors, « l’école européenne » patiente avec ses fondations en construction et ses espaces à explorer6 et, en recevant la question pleine de sens de

Samuele Pii sur la nécessité d’un grand investissement dans le secteur éducatif, elle attend qu’on travaille à la naissance d’une école véritablement accessible, inclusive et de qualité pour tous les citoyens européens, une institution éducative, capable de dénouer l’alliance avec l’idée de nation et d’accéder ensuite avec bonheur aux nécessaires processus de négociation relatifs à l’élaboration d’un ensemble de règles culturelles communes, à la sphère de compétence supranationale d’où elle est exclue pour l’instant, par la volonté des seuls Gouvernements.