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Ondelettes et réseaux de fractures

Problématiques, formalisme, méthodes et exemples

4 Ondelettes et réseaux de fractures

4.1 Problématique

Bien qu'il existe des indications fortes tendant à montrer que les systèmes fracturés sont hiérarchisés, de nombreuses incertitudes existent quant à la géométrie et à l'organisation des

fractures à différentes échelles. Plusieurs travaux récents se sont appliqués à définir et

quantifier la hiérarchie (différents niveaux d'organisation) des systèmes fracturés naturels de zones bien exposées. Ces études fournissent des guides à la modélisation de la fracturation dans des volumes de roches non exposés et dans des réservoirs fracturés profonds (Cowie et al., 1995, Ouillon et al., 1995).

Une réalisation importante sur ce sujet a fait l'objet de la thèse de Guy Ouillon (1995, Institut de Géodynamique de Nice-Sophia Antipolis). L'approche a consisté à analyser les fissures et les systèmes de failles de la plate-forme sédimentaire de l'Arabie occidentale avec les outils de la géologie structurale, des multi-fractals et des ondelettes anisotropes. Cette étude a couvert un large domaine d'échelles, allant de l'affleurement à l'échelle régionale.

4.2

Fracturation et fractals

Le géologue tectonicien peut observer des fractures aussi bien sur une section de roche, examinée au microscope, que sur l’affleurement, sur une photo aérienne ou une image satellitaire. L'analyse de la géométrie des champ s de fractures montre que l'on peut mettre en évidence une homothétie interne statistique, ou invariance, par changement d'échelle. Ceci est en accord avec des observations et des lois empiriques établies en physique du solide (fragmentation) ou en géomorphologie. On peut donc s'attendre à pouvoir décrire les champs de

La première approche, dans ce domaine a été présenté dans un article d'Allègre et al. (1982), où l’aspect « fractal » dans la fracturation des roches a été décrit de façon très précise ainsi que la propriété de hiérarchie dans les modèles de fracturation - propriété essentielle des ensembles fractals. Cette approche, reprise par Smalley et al. (1985) et par Turcotte (1986), a donné lieu à une formulation relativement simple de ces problèmes d'apparence très complexe. Pour expliquer les mécanismes responsables des observations précédentes, Allègre et al. (1982) et Turcotte (1986) ont suivi l'approche des groupes de normalisation (Madden, 1976, 1983).

4.3

Groupe de normalisation

Cette approche semi-empirique, est, sur le principe, justifiée par son succès dans la résolution de divers problèmes où un système continu à l'échelle microscopique présente un comportement discontinu à l'échelle macroscopique. L'approche des groupes de normalisation est largement basée sur les idées de la physique moderne où l'on estime le comportement macroscopique d'un système à partir des propriétés de ses constituants microscopiques et de leurs interactions. Cette approche tend donc à déterminer comment les "détails microscopiques" contrôlent le comportement à grande échelle. Dans la plupart des cas, une

normalisation apparaît de sorte que finalement les détails microscopiques soient effacés au

profit de propriétés globales et générales contrôlant le comportement macroscopique.

Il y a classiquement deux classes de groupe de normalisation. Le champion de la première classe est le gaz parfait (Diu et al., 1989). A partir de la distribution de vitesse des molécules en fonction de la température, établie par Boltzmann, la loi d'équilibre des gaz parfaits, reliant la pression, P, la température T, et le volume V de n mole de gaz, PV = nRT, peut être établie (R = constant des gaz parfaits). Des normalisations plus subtiles (deuxième classe) existent lorsque la simple considération de moyennes ou de champs moyens échoue. Un exemple type est la série des phénomènes critiques (voir Grasso et Sornette, 1998) (transition de phase, avalanche, catastrophe), montrant des corrélations à long terme (Wilson 1983; Yeomans, 1992; Chandler, 1987), et pouvant être décrit par le formalisme des fractals et multi- fractals. La première application en géophysique de cette approche a concerné la mécanique des failles où un tremblement de terre est considéré comme un phénomène critique qui prend place quand les fractures de la zone de rupture (fractures de différentes échelles) s'auto- organisent de manière cohérente.

Dans un premier temps, les premières sous-parties du système sont considérées. Après avoir trouvé les propriétés de toutes les sous-parties, une sous-partie est alors traité comme un élément d'une plus grande sous-partie. Les propriétés de cette sous-partie de plus grande échelle sont ensuite déterminées. Les sous-parties sont utilisées comme les éléments de la sous- partie d'échelle supérieure et le processus est répété jusqu'à couvrir la taille complète du système (voir par exemple Chelidze 1982; Allègre et al., 1982, Madden, 1983; Gomez et al., 1995). Plus récemment, sur l'hypothèse que les tremblement de terre ont un comportement similaire aux points critiques des phénomènes de transition de phase (Sornette et Sammis, 1995; Saleur et al., 1996), les techniques de groupe de normalisation ont aussi été utilisés à l'étude statistique des tremblement de terre (Borodich, 1997).

Le succès des techniques de groupe de normalisation (Wilson, 1983; Yeomans, 1992) repose donc sur une connaissance à priori des interactions entre les constituants élémentaires du système global. Si ces règles microscopiques ne sont pas connues, on a alors à les supposer. L'approche originale de Ouillon et al. (1995, 1996) a consisté à proposer une troisième classe de procédures de normalisation reposant uniquement sur l'analyse géométrique du système. Cette approche, basée sur le formalisme des multi-fractals et des ondelettes, est particulièrement adaptée aux problèmes pour lesquels les règles d'interactions ne sont pas bien établies, comme la fracturation. C'est cette dernière approche que nous allons suivre dans les développements suivants.

4.4 Réseaux de fractures, multi-fractals et ondelettes

Afin de vérifier la validité des lois de puissance communément observées sur la distribution des failles, un algorithme d'analyse multi-fractals (non discuté ici) tenant compte des effets liés à l'échantillonnage de surfaces irrégulières et à la taille finie des objets a été développée par Ouillon et al. (1995, 1996). Cet algorithme, en tant qu'analyse statistique, fournit des informations globales sur les propriétés d'auto-similarité des objets fractals (Hasley et al., 1986). Il a permis de vérifier qu'à l'échelle des plaques, la fracturation n'est pas un processus auto-similaire mais qu'il existe des domaines pour lesquels les modes de rupture sont différents. Pour la plaque arabique ces domaines sont délimités par les échelles caractéristiques suivantes: 1.0 m, 1.6 m, 600 m, 6.0 km et 12 km.

Puisque les informations déduites du formalisme des multi-fractals sont par nature globales, il est précieux d'obtenir des informations sur la complexité du système et, éventuellement, d'en extraire des informations locales aptes à souligner sa structure hiérarchique. Pour ce faire, l'analyse précédente a été complétée par l'utilisation d'une méthode d'analyse locale et multi-échelle utilisant des ondelettes anisotropes.

La transformée en ondelette qui permet une analyse espace-échelle est particulièrement adaptée à l'étude de la hiérarchie des objets fractals (Arnéodo et al., 1992). Elle permet d'extraire les détails d'un jeu de données à une échelle particulière. A l'instar des méthodes de normalisation, le suivi des propriétés du signal, des petites échelles (microscopique) aux plus grandes (macroscopique), met en évidence les différences de comportement du système.

Puisqu'on s'intéresse aux objets linéaires, les propriétés à étudier aux différentes échelles sont la longueur et l'orientation des failles. C’est pourquoi la méthodologie présentée au paragraphe précédent ("Ondelettes et études de l'Univers distant") a été généralisée par l’introduction d'ondelettes anisotropes. L'utilisation de l’anisotropie génère une quantité énorme d'information dont la gestion nécessite le développement d'une méthode d'optimisation: la méthode du Coefficient d'Ondelette Anisotrope Optimum dont il est question maintenant.

4.5 La méthode du Coefficient d'Ondelette Anisotrope Optimum

(Optimum Anisotropic Wavelet Coefficient method)

Sur les idées et concepts que l’on vient de présenter, Ouillon et al. (1995, 1996) ont proposé une procédure de filtrage local optimal, baptisée Optimum Anisotropic Wavelet Coefficient (OAWC method). La méthode comprend les étapes suivantes (Fig. 4.8) :

(1) choisir un ensemble discret d'échelles a ; et pour chaque paramètre d’échelle a, (2) fixer la limite inférieure et supérieure de l'échelle d'intégration (axe long de l'ondelette anisotrope, σ.a). Ces limites sont, en règle générale, respectivement égales à la résolution choisie et à la taille de l'image analysée ;

(3) Calculer, pour chaque variation de (σ, θ), la carte des coefficients d'ondelette. L'échelle d'intégration varie entre ces deux limites par un incrément égal à la résolution a et l'azimut de l'ondelette θ (angle entre l'axe long et l'axe Ox) varie de 0° à 175° par pas de 5° ;

(4) Sélectionner, pour chaque point du signal, le coefficient maximal obtenu pour l'ensemble des cartes précédemment calculées. Cette opération, conduisant à la carte des Coefficients d'Ondelette Anisotrope Optimum, permet de réduire considérablement la quantité de données pour sélectionner uniquement le filtre local optimal, i.e. le filtre local décrivant le mieux le signal, à l'échelle considérée ;

(5) Seuiller la carte OAWC pour ne conserver que les structures les plus significatives. L'extraction des lignes de crête de la carte seuillée permet de souligner les structures détectées. Dans le cas d'un réseau de failles, on suppose que ces lignes correspondent aux failles cartographiées. Ces lignes sont baptisées Lignes de Rupture Virtuelles (LRV) par Ouillon et al. (1995, 1996) ; enfin

(6) La dernière étape de la méthode apporte une contribution originale à la description du comportement multi-échelle du signal. Le suivi des roses d'orientation des azimuts des ondelettes optimales, associées aux points formant les LRV au travers des différentes résolutions, donne une vision générale de l'anisotropie des champs de fractures, ainsi que leur évolution à travers les échelles. Dans la construction des roses d'orientation, aucune orientation n'est assignée à un point sélectionné associé à une ondelette isotrope.

Ainsi, cette méthode construit, en termes de position, anisotropie de forme et orientation, un "résumé optimisé" du signal à une échelle donnée. Suivant les idées de

normalisation, si une rose d'orientation subit une variation marquée, à une échelle donnée,

alors cette échelle est à relier aux processus de formation du réseau de failles. Pour préciser la valeur de cette échelle, de nouvelles analyses sont effectuées de manière dichotomique.

Pour chaque a

Pour chaque .aσ Pour chaque θ

- Calcul de la TO. En chaque point (x,y)

Sélection du Coeff. Optimum et sauvegarde des paramètres associés (a, .a, ).

σ θ

Comparaison de la valeur locale présente à la valeur locale de la carte OAWC précédemment sélectionnée.

Seuillage - Extraction des structures significatives = > "résumé optimisé" à l'échelle considérée.

Suivi des roses d'orientation

Reconnaissance des différents niveaux d'organisation. Si nécessaire, analyse détaillée (dichotomie) pour préciser l'échelle d'une transition.