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Détecteurs et pointeurs de phases sismiques

Chapitre Trois Ondelettes et observatoire sismologique

CARACTERISTIQUES EPICENTRALES:

3 Détecteurs et pointeurs de phases sismiques

3.1 Présentation

Avant de présenter les divers développements liés aux pointeurs automatiques, nous rappelons quelles sont les fonctions d'un pointeur de phases. Un pointeur de phases est un système scrutant pas à pas les traces sismiques dans le but de détecter l'arrivée de phases sismiques, et, quand une phase est détectée, mesurer les paramètres utiles au sismologue pour l'étude du tremblement de terre. Un "pointeur" incorpore donc la fonction de "détecteur", c-à-d la reconnaissance de l'arrivée d'une phase sismique en présence d'un bruit de fond. Les paramètres doivent inclure, au minimum, le temps d'arrivée et une mesure de la taille de l'événement. Il devrait aussi comprendre la direction du premier mouvement et un nombre exprimant le "poids" ou la confiance à accorder à ce pointé pour un traitement ultérieur. Dans certains cas, ces paramètres peuvent intégrer des informations sur le contenu fréquentiel du séisme, et en principe, l'enregistrement digital complet devrait être inclus. De manière générale, l'état final du rapport, préparé par le pointeur, sera déterminé par des contraintes telles que la capacité de calcul et l'espace disque disponibles pour les résultats, ainsi que par les desiderata du sismologue utilisant les données.

La différence la plus importante entre pointeur de phase et détecteur de phase est la précision nécessaire du pointé au moment de la première arrivée. Dans la logique d'observatoire, le pointeur doit avoir une précision au moins aussi bonne que les résidus obtenus après une localisation manuelle (0.5 seconde pour un séisme proche et 2 secondes pour un séisme lointain).

De ce fait, les méthodes spectrales appliquées efficacement aux détecteurs ne le sont pas directement aux pointeurs. Dans l'analyse fréquentielle, chaque portion d'enregistrement est examinée en vue de détecter une densité spectrale spécifique indiquant une énergie sismique

la portion analysée, alors que la précision en temps, la capacité à spécifier exactement à quel échantillon l'énergie sismique apparaît initialement, est inversement proportionnelle à cette longueur. Pour un pointé précis, le pointeur doit donc chercher une variation rapide de l’amplitude et/ou de la fréquence dominante comme l'analyste expérimenté le fait sur le sismogramme.

3.2 Évolution historique et méthodologique

Le développement d'algorithmes pour la détection robuste d'arrivée de phases sismiques en présence de bruits stationnaires ou non-stationnaires, est une facette importante de la sismologie d'observatoire. Withers et al. (1998) classent ces développements en quatre catégories: (1) les méthodes du domaine temporel (Vanderkulk et al.,1965; Stewart, 1977; Allen, 1978; Granet, 1983), (2) les méthodes du domaine fréquentiel (Shensa, 1977, Goforth et Herrin, 1981), (3) les méthodes reliées aux concepts de "mouvement de particule" ("particle motion") et de polarisation (Montalbetti et Kanasevitch, 1970; Aster et al., 1990) et enfin, (4) les méthodes reposant sur des traitements adaptatifs d'appariement de formes ("pattern forming") (Tong, 1995; Withers et al., 1999).

Bien qu'aujourd'hui, l'augmentation des capacités de calcul permette le développement d'algorithmes de plus en plus sophistiqués, Withers et al. (1998) soulignent, dans une comparaison des méthodes précédentes, que le gain apporté par les méthodes les plus complexes est faible par rapport au coût de mise en œuvre. De plus, lorsque ces méthodes doivent gérer d'importantes quantités d'informations simultanément, ces dernières sont, toujours selon Withers et al. (1998), à proscrire au profit des méthodes du domaine temporel en général moins complexes. Parmi ces dernières méthodes, l'algorithme STA/LTA occupe une place de choix.

3.3 Algorithme STA/LTA en domaine temporel

Pratiquement, l'approche la plus largement utilisée repose sur le calcul du rapport STA/LTA (STA: "short term average", LTA: "long term average") dans le domaine temporel (Allen, 1978; Baer et Kradolfer, 1987 ; Berger et Sax, 1981). Un algorithme type, illustré en figure 3.2, filtre individuellement les données originales puis génère une fonction caractéristique caractérisant le sismogramme. Cette fonction peut être aussi simple que la valeur absolue du sismogramme, ou plus complexe. La détection d'un événement est testée en comparant la fonction ou sa moyenne à court terme STA à un valeur seuil THR, communément prise comme un multiple de la moyenne à long terme LTA de la fonction caractéristique. Si le

STA dépasse le THR, un déclenchement est signalé. Si l'événement satisfait ensuite à quelques

critères simples, il est reporté. Le détail de la procédure peut être trouvé dans l'article de Baer et Kradolfer (1987).

-1128 -564 0 564 1128 -948 -474 0 474 948 0 200 400 600 800 0 2 4 6 8 0 2 4 6 8 0 20 40 60 80 100 120 140 160 temps (s)

Figure 3.2 : Algorithme STA/LTA : détermination et pointé de phase. (a) Sismogramme courte-période et

pointé automatique (ligne verticale). (b) sismogramme filtré en utilisant un filtre médian. (c) Fonction caractéristique (ou enveloppe) et les fenêtres STA et LTA. Les fenêtres LTA et STA ont été élargies pour la visualisation. (d) Profil STA/LTA (plein) et seuil THR (partie grisée). Le déclenchement correspond à l'intersection entre le profil STA/LTA et le seuil THR. Le pointé (ligne verticale) est défini par le point d'inflexion qui précède le maximum local suivant immédiatement le point de déclenchement.

Les différentes variantes de l'algorithme STA/LTA en domaine temporel proviennent du calcul de la fonction caractéristique, encore appelée enveloppe. Vanderkulk et al. (1965) ont utilisé comme fonction caractéristique la valeur absolue des données, plutôt que le carré, car cette première opération était, en leur temps, moins coûteuse d'un point de vue numérique. Allen (1978) développa un détecteur basé sur une enveloppe égale au carré des données plus une pondération du carré de la dérivée première. Cette fonction caractéristique inclut alors des composantes des données non filtrées et des données filtrées avec un filtre passe-haut. Stewart (1977) utilisa, toujours à partir de la dérivée des données, une enveloppe modifiée permettant d'accentuer les variations de pente. La fonction caractéristique résultante est une version filtrée en haute fréquence des données originales où le sens du premier mouvement et la nature oscillatoire des données sont conservés. On peut aussi utiliser en entrée du rapport STA/LTA l'enveloppe analytique du sismogramme (Kanasewich, 1981; Earle et Shearer, 1994) plutôt que son énergie. L'enveloppe analytique est alors définie par | x(t) + iTH[x(t)]| où TH[x(t)] est la transformée de Hilbert (voir Appendice 2) et i le nombre imaginaire pur égale à racine de -1.

reconnaissance de forme, où les informations obtenues sur différentes fenêtres glissantes (petite, intermédiaire, grande) combinées dans des réseaux de neurones permettent de tirer avantages à la fois de la précision associée à la petite fenêtre et du faible risque de fausse alarme associé à la plus grande (Zhao et Takano, 1999).

Bien qu'opérant dans le domaine temporel, le calcul du rapport STA/LTA est, d'une manière ou d'une autre, relié à une version filtrée en fréquence des données temporelles. Ceci est très naturel et se rapproche beaucoup des opérations mentales de filtrage de l'analyste capable de reconnaître à partir de l'évolution temporelle du contenu fréquentiel du signal, un bruit, un séisme local ou un séisme lointain (téléséisme).

En effet, alors que le bruit de fond microsismique est caractérisé par de très basses fréquences (< 0.5 Hz), le bruit communément observé à proximité des sismomètres est composé de fréquences supérieures à 10 Hz (véhicules, vent, chute d'eau ...). Cependant d'autres bruits, tels que des explosions, des tirs ou des effondrements de mines peuvent être plus "colorés" (contenu fréquentiel plus riche > 1 Hz). Entre ces domaines de bruits à basses (< 0.5 Hz) et hautes (> 10 Hz) fréquences, on reconnaîtra un séisme local à un train d'ondes de fréquences généralement comprises entre 2 et 10 Hz. Un séisme lointain, du fait de l'atténuation rapide des hautes fréquences, est caractérisé, quant à lui, par un signal basse fréquence (< 2 Hz).

Aussi Evans et Allen (1983) proposent l'utilisation de deux algorithmes indépendants opérants sur deux copies filtrées du signal original dans deux bandes de fréquences différentes ("haut" passe-bande et "bas" passe-bande). Alors que la procédure appliquée à la copie filtrée "basse-fréquence" détecte les événements ayant une contribution basse fréquence, la procédure appliquée à la copie "haute-fréquence" détecte les événements ayant un spectre avec une contribution haute fréquence. Ainsi la détection d'un téléséisme repose sur l'occurrence d'un signal dans la gamme basse fréquence sans contrepartie simultanée dans la gamme haute fréquence. Par contre, la détection d'un séisme local repose sur la présence d'un signal significatif dans la bande haute fréquence.

Encore aujourd'hui, ces idées de filtrage en fréquence sont reprises pour optimiser le filtrage de sismogrammes ayant un faible rapport signal sur bruit (Leach et al., 1999). La procédure consiste d'abord à décomposer le signal en différentes bandes de fréquence, puis, à déterminer le rapport signal sur bruit (SNR) pour chaque bande, et enfin, à utiliser ces rapports

SNR pour construire un filtre optimal pour chaque paire station-événement.

3.4 Rappel des exigences attendues

Un pointeur automatique ne doit pas se substituer au travail précis de l'analyste. Cependant, la détermination automatique des temps d'arrivée présente les avantages de rapidité et de répétabilité. Dans le cadre des observatoires sismologiques, tel que le Réseau National de Surveillance Sismique (RéNaSS), le pointeur doit être capable de :

- détecter et déterminer les temps d'arrivée des phases sismiques en rejetant le bruit (véhicules, vent, tirs ...),

- faire la différence entre un séisme local et un téléséisme,

Les précisions attendues sont les suivantes:

Séisme local (Pn, Pg) meilleure que 0.5 sec

Séisme local (Sg) meilleure que 1.0 sec

Téléséisme meilleure que 2.0 sec

Avec ces caractéristiques et un temps de décision très court, le pointeur automatique contribue à une surveillance sismique en temps quasi-réel, aidant au dépouillement manuel des séismes et lançant, le cas échéant, les procédures d'urgence (Fig. 3.3).

180° 120°W 60°W 0° 60°E 120°E 180° 30°S 0° 30°N 60°N 90°N 90°S 60°S

Réunion - Nlle Calédonie

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Figure 3.3 : Seuil de déclenchement des alarmes sismiques. Régionalisation des seuils de magnitude à partir

desquels un séisme localisé automatiquement peut conduire à une procédure d'urgence (Document RéNaSS 01/2000).