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Chapitre I : Introduction bibliographique

3. Les leucémies aiguës lymphoblastiques B

3.2. Oncogenèse lymphoïde médiée par PAX5

L’expression de PAX5 est finement régulée tout au long de la différenciation B. Les mutations et les modifications d’expression de ce facteur de transcription entrainent des pathologies empêchant la différenciation plasmocytaire ou bloquant les cellules B aux stades les plus précoces du développement B.

3.2.1. IGH-PAX5

La translocation t(9;14)(p13;q32) juxtapose le gène PAX5 sous le contrôle de l’enhancer µ de la chaine lourde des immunoglobulines (Busslinger et al., 1996) (Figure 19). Le processus de maturation des immunoglobulines dans les cellules B du centre germinatif, peut conduire à des mutations oncogéniques ou des translocations chromosomiques. Des mutations résultantes des SHM aberrantes ciblant l’exon 1B de Pax5, sont retrouvées dans des tumeurs des cellules B du centre germinatif dans des lymphomes B diffus à grandes cellules (LBDGC). Néanmoins ces mutations ne semblent pas contribuer à la formation du lymphome (Pasqualucci et al., 2001). Au contraire, la translocation t(9;14)(p13;q32) semble être la conséquence d’un défaut dans la CSR. Cette anomalie chromosomique est retrouvée dans 2% des lymphomes B non-Hodgkinien (Poppe et al., 2005) et plus précisément dans des lymphomes lymphoplasmocytaires (LPL). Cette translocation fut décrite dans la lignée KIS-1 établie à partir d’un patient atteint de lymphome diffus à grandes cellules (Ohno et al., 1990). L’étude de cette lignée a permis de démontrer que la partie codante de PAX5 était mise sous le contrôle de l’enhancer fort du locus de la chaine lourde des immunoglobulines. La protéine de fusion issue de cette translocation, conduit à une sur-expression de PAX5 lors de la différenciation terminale empêchant les cellules B matures de se différencier en plasmocytes.

57 Figure 19 : Translocation PAX5-IGH modélisée (pour revue, Cobaleda et al., 2007b).

Afin d’engendrer un modèle animal de cette pathologie, une souris knock in (KI) a été construite en insérant le minigène Pax5 dans le locus d’IgH (Souabni et al., 2007). Ces animaux développaient des lymphomes T lymphoblastiques agressifs. L’expression de Pax5 dans les thymocytes active des gènes spécifiques de la lignée B et réprime des gènes lymphoïdes T, suggérant une contribution de Pax5 dans la lymphomagenèse en dérégulant le programme de l’expression des gènes des cellules T.

3.2.2. PAX5 dans les leucémies aiguës lymphoblastiques de type B

Les LAL-B sont le premier cancer de l’enfant, elles représentent 80% des leucémies pédiatriques. Une étude du contenu génomique de 192 LAL-B et 50 LAL-T de l’enfant à l’aide de « puces à ADN » à très haute densité et par séquençage a montré que 39% des LAL- B de l’enfant ont une mutation du gène PAX5 (Mullighan et al., 2007). Les mutations de

PAX5 sont variées et peuvent être classer en deux grandes catégories :

– des mutations dites hypomorphes caractérisées par un déficit de fonction de la protéine PAX5 mutante résultant de sa fusion avec différents partenaires, de mutations ponctuelles, de délétions ou d’amplifications partielles (39/192, 20 %) ;

– des délétions complètes du gène, aboutissant théoriquement à une diminution de l’expression des protéines PAX5 normales (21/192, 11 %).

3.2.2.1. Les translocations impliquant PAX5

Les translocations associées aux pathologies hématologiques impliquant PAX5 mettent en évidence son double rôle. D’une part, la translocation t(9;14)(p13;q32) retrouvée dans des lymphomes non-hodgkiniens, juxtapose l’enhancer du gène IGH au promoteur de PAX5 conduisant à la surexpression de la protéine PAX5 normale. Cette translocation illustre

58 l’importance d’éteindre PAX5 pour la différenciation terminale B. Dans les LAL-B, les cellules B sont bloquées à un stade précoce de la différenciation. Des gènes de fusion impliquant PAX5 (translocation de la bande p13 du chromosome 9, 9p13) ont été identifiés comme HIPK1 (bande 1p13) (Nebral et al., 2009), LOC392027 (7p12.1) (An et al., 2008), AUTS2 (7q11.1) (Coyaud et al., 2010), POM121 (7q11) (Nebral et al., 2009), ELN (7q11) (Bousquet et al., 2007), JAK2 (9p24) (Nebral et al., 2009), SLCO1B3 (12p12) (An et al., 2008), DACH1 (13q21) (Nebral et al., 2009), PML (15q24) (Nebral et al., 2007), ZNF521 (18q11.2) (Mullighan et al., 2007), FOXP1 (3p14.1) (Mullighan et al., 2007), ASXL1 (20q11.1) (An et al., 2008), C20orf112 (20q11.1) (An et al., 2008), KIF3B (20q11.21) (An et al., 2008) et BRD1 (22q13) (Nebral et al., 2009). Les protéines chimériques testées agissent comme des répresseurs constitutifs de l’allèle restant de PAX5, expliquant ainsi le blocage de la différenciation B.

Il a été rapporté que le gène PAX5 était la cible la plus fréquente de mutations somatiques dans les LAL-B de l’enfant, étant altéré dans 38,9% des cas. Ces mutations peuvent être des délétions hémizygotes partielles ou complètes, des délétions homozygotes, des amplifications partielles ou complètes, des mutations ponctuelles ou des translocations. Certains de ces mutants ont un rôle dominant négatif sur PAX5 sauvage (Bousquet et al., 2007).

En 2007, Notre groupe a isolé une nouvelle translocation t(7;9)(q11;p13) dans deux cas de LAL-B adultes fusionnant PAX5 au gène de l’élastine (ELN) (Bousquet et al., 2007). Cette translocation, isolée, équilibrée et récurrente, conduit à la juxtaposition du domaine PBD de PAX5 avec la quasi-totalité de ELN. ELN localisé en 7q11.2 code une protéine insoluble de la matrice extracellulaire de 72kDa qui constitue le composant principal des fibres élastiques nécessaires à l’élasticité de la peau, des vaisseaux sanguins, du cœur, des poumons, des intestins, des tendons et des ligaments. PAX5 perd dans cette fusion les domaines de transactivation et de répression transcriptionnels. PAX5-ELN a un rôle de trans- dominant négatif sur la fonction de PAX5 sauvage et en particulier interfère dans la transcription de gènes nécessaires à la différenciation et au contrôle de la prolifération des lymphocytes B précoces. Cette chimère est retrouvée dans le noyau des cellules. Des expériences de ChIP ont montré que PAX5-ELN pouvait se lier aux cibles de PAX5, Cd19 et Blnk.

Le chromosome dicentrique dic(9;12)(p13;p13) (translocation chromosomique caractérisée par la présence de deux centromères sur le chromosome pathologique) retrouvé dans des LAL-B fusionne PAX5 à TEL (ETV6) conduisant à l’expression d’une protéine de fusion (Cazzaniga et al., 2001; Strehl et al., 2003). TEL est un membre de la famille de

59 facteurs de transcription ETS contenant un domaine HLH (hélice boucle hélice) de dimérisation et un domaine ETS de liaison à l’ADN. TEL possède une expression ubiquitaire et joue un rôle important dans l’angiogenèse vitelline et l’hématopoïèse médullaire. La protéine de fusion contient à la fois le domaine PBD de liaison à l’ADN de PAX5 et les domaines HLH et ETS de TEL. Cette chimère a une localisation nucléaire du fait de la conservation de la séquence de localisation nucléaire de TEL. Il semblerait que PAX5-TEL agirait comme un répresseur fonctionnel en se liant sur les cibles de PAX5. Une étude fonctionnelle de la chimère a montré un effet dominant négatif sur PAX5 sauvage. Cette chimère interférerait dans les processus de différenciation B en sous exprimant le CD45R, conduisant à une perte de l’identité B, permettant la migration grâce à la cytokine CXCL12 et entrainant une résistance à l’apoptose en résistant au TGFβ1, cytokine antiproliférative et proapoptotique (Fazio et al., 2008).

3.2.2.2. Les autres mutations affectant PAX5

3.2.2.2.1. Mutations ponctuelles de PAX5

Des mutations ponctuelles de PAX5 ont été retrouvées dans l’étude de Downing chez 14 patients (7 %) et sont localisées soit dans le domaine de liaison à l’ADN, soit dans l’homéodomaine, soit dans le domaine de transactivation (Mullighan et al., 2007).

3.2.2.2.2. Délétions et amplifications partielles de PAX5

La haute résolution de l’analyse génomique de Downing et al. démontre que la cible principale des délétions est PAX5 (Mullighan et al., 2007). En effet, des délétions partielles de PAX5 sont retrouvées dans 32 cas, aboutissant soit à l’expression d’une protéine incomplète dans 23 cas (hypomorphes), soit à une absence d’expression du fait de la délétion des promoteurs ou de la région polyA dans 9 cas. Dans ces derniers cas, ces délétions peuvent être dues à une translocation déséquilibrée (4 cas). Un cas d’amplification partielle est retrouvé.

3.2.2.2.3. Délétions totales de PAX5

Dans l’étude de Mullighan, l’altération du nombre de copies de PAX5 est retrouvée dans 52 LAL-B de l’enfant sur 192 (27 %) (Mullighan et al., 2007). Les délétions complètes d’un allèle de PAX5 sans mutation de l’autre allèle sont retrouvées dans 21 cas (11 %). Ces altérations ont pour conséquence une haploinsuffisance de PAX5, dont la conséquence

60 pathologique est difficile à déterminer du fait que les souris hétérozygotes pour la délétion de PAX5 sont apparemment normales (Urbanek et al., 1994). L’effet de cette délétion pourrait être lié dans ces cas à la délétion combinée d’autres gènes, en particulier CDKN2A et CDKN2B (Kamb et al., 1994a; Kamb et al., 1994b; Nobori et al., 1994).

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